Et hop in extremis la fin de mon dernier auto-festival en cours. A 2022, pour plus de folies.
Locarno Asie (5)
Hotel by the River de Hong Sang Soo Pas mon Hong Sang-soo préféré. J'aime beaucoup l'installation du cadre et de l'histoire, le jeu sur les rêves des personnages et ce très beau noir et blanc. Mais, j'ai du mal avec le personnage principal, trop pathétique peut-être, et la fin aussi forte soit elle est quand même annoncée dès la première discussion avec ses deux fils. Et puis, j'ai trouvé le temps un peu long, d'habitude HSS a la suprême élégance de couper dans le gras, si bien que parfois ses films font moins d'1h20. Là ça dure plus d'une heure et demi, et je trouve que le film accuse un vrai surplace avant la cuite finale et la scène du poème. 3/6
Made in Hong Kong de Fruit Chan Film culte hong-kongais sur un ado voyou, rebelle et romantique, qui a des affiches de Tueurs nés, Leon and co dans sa chambre. La première heure est parfaite, aussi foutraque que les personnages, avec plein d’idées de mise en scène et un ton assez unique et réjouissant entre chronique et polar. La suite est moins réussie. Fruit Chan a du mal à fermer toutes les portes ouvertes de son scénario et les effets se font plus répétitifs (avec quelques trucs interdits d’ailleurs, comme ce sourire après la tuerie dans le bus). Mais ça donne tellement envie de retourner à Hong Kong (le personnage clé du film) que j’ « accepte » tous les défauts du film. Je vais essayer de creuser la filmographie de Fruit Chan dont je n’avais curieusement vu que Nouvelle cuisine. 4/6
Close-Up d’Abbas Kiarostami Je redécouvre le cinéma de Kiarostami, mis à l'honneur par différentes rétrospectives, une belle expo à Pompidou et un coffret chez Potemkine. Et donc Close-Up qui ressort également grâce à Splendor Films. Je ne l'avais jamais vu et c'est un vrai manque que j'ai comblé ce soir. C'est à la fois jubilatoire - le point de départ est absurde, avec le procès d'un homme qui a usurpé l'idendité d'un cinéaste -, théorique en diable - où commence la fiction, qu'est-ce qu'un réalisateur, quel est son pouvoir - et bien sûr d'une poésie folle (la fin est sublime). Sur le plan formel, ce n'est bien sûr pas le plus grand film de l'Iranien - il me manque des routes et des montages -, mais j'ai beaucoup aimé. 5/6
Un été chez grand père de Hou Hsiao hsien Un Hou Hsiao-hsien que je cherchais depuis longtemps. C'est magnifique de bout en bout, d'une fausse simplicité apparente et d'une profonde humanité et sensibilité. C'est absolument remarquable la manière dont HHH gère le hors-champ, permettant aux spectateurs de tout comprendre sans en rajouter des caisses, à l'image du garçonnet qui écrit des lettres au premier degré à ses parents. J'adore la petite fille (qui ressemble trop à ma Stella), le personnage du grand père aussi... l'oncle bien sûr. Le film m'a aussi permis de comprendre pourquoi Miyazaki cite Hou Hsiao-hsien tant il manque juste Totoro dans le décor... Et pourquoi Hou Hsiao-hsien a payé son tribut à Ozu des années plus tard... 5/6
Saya Zamuraï de Hitoshi Matsumoto Film de samuraï totalement déjanté de Matsumoto qui, après une introduction peu réjouissante, s'empare de son pitch improbable pour aller crescendo dans l'absurde. C'est bien sûr extrêmement fauché mais la fin m'a ému - la petite fille est trop craquante. 4/6
Europe (7) Institut Benjamenta des frères Quay Film à la réputation culte des frères Quay, plutôt connus et réputés pour leurs courts métrages d'animation. Bon, c'est moyennement ma came. L'esthétique est très forte, il y a des séquences vraiment uniques mais la froideur mortifère de l'ensemble a fini par me chloroformer. Cela reste quand même recommandable, pour son univers unique et hypnotique. 3/6
Histoire de ma mort d’Albert Serra Certainement l'un des films les plus irritants que j'ai vu cette année.... Irritant et fascinant. J'avais déjà vu deux films d'Albert Serra avant de découvrir ce film donc je savais à quoi m'en tenir: des discussions philosophiques obscures, beaucoup de scènes nocturnes où il faut déchiffrer ce qui se voit dans l'obscurité et - quand ça fonctionne - une puissance picturale dingue. Le film est irritant car il est d'une lenteur inutile, qu'il cherche à provoquer avec des blagues scatophiles, et que les hommes sont tous d'une laideur abjecte quand les femmes, elles, sont belles à croquer. Ah oui, c'est la rencontre entre Casanova et Dracula. 3/6
Longa Noite d’Eloy Enciso Passion chef op avec ce film éclairé par l'excellent Mauro Herce. Bon, c'est visuellement hyper impressionnant avec des scènes nocturnes magnifiques. C'est aussi d'une "exigence" radicale avec de longs plans fixes centrés sur un personnage qui raconte son "expérience" du franquisme. En salles, le (non) rythme du film passe peut-être mieux, c'est dommage car par séquence c'est vraiment fort, surtout quand le héros décide de quitter la ville pour la forêt galicienne. 3/6
L’Ile aux oiseaux de Maya Kosa et Sergio da Costa Magnifique affiche pour ce (faux) documentaire suisse, que vous pouvez découvrir chez Shellac (merci Thomas Gastaldi pour la découverte). C'est l'histoire métaphorique d'un jeune homme recueilli au sein d'un centre pour oiseaux blessés et qui doit réapprendre à vivre en société. Plus que le propos du film sur les a-sociaux (pas toujours fan de la voix-off d'ailleurs), c'est la "douceur" dont font preuve Maya Kosa et Sergio da Costa derrière la caméra qui m'a séduit, la manière dont ils filment le cycle de la vie et de la mort, le combat que mènent oiseaux et rongeurs pour survivre dans un milieu hostile. 4/6
Krabi, 2562 de Ben Rivers et Anocha Suwichakornoong Film très original de Ben Rivers et Anocha Suwichakornpong qui mêle documentaire et fictions autour de la région de Krabi en Thaïlande. Une vraie invitation au voyage bien sûr inégale mais avec deux "moments" assez magiques: la balade en bateau et la redécouverte d'un (pas si) vieux cinéma abandonné. Bien sûr, ça a la légèreté d'un film de commande, mais le talent des deux réals n'est plus à démontrer, surtout lui dont je conseille Two Years At Sea. 4/6
Peu m’importe si l’histoire me considère comme des Barbares de Radu Jude Bon, confirmation que j’aime beaucoup le cinéma de Radu Jude et il me tarde désormais de découvrir le reste de sa filmographie. C’est encore une fois une leçon de scénario qu’il donne avec ce film méta qui s’interroge à voix haute sur la nécessité de mettre en scène les pages sombres de notre Histoire (ici celles de la Roumanie mais le propos est universel). C’est cinglant, percutant, formidablement bien joué et dialogué (avec le fameux humour absurde roumain) et si le film accuse quelques longueurs, surtout lors de la longue scène de la reconstitution (pas fan du côté captation en vidéo), il reste bien en tête. 4/6
Kaspar Hauser de Werner Herzog Et hop gros morceau avec cette incroyable histoire vraie qui préfigure Elephant Man (en moins démonstratif) avec une utilisation assez démente de la musique classique et bien sûr un interprète principal hanté par son rôle et proche de ce qu'il a personnellement vécu. C'est à la fois assez trivial (j'étais surpris par le ton presque comique du récit) et poignant, simple et traversé de fulgurances esthétiques dingues (les séquences rêvées, tout le prologue). 4/6
France (3) Les Coquillettes de Sophie Letourneur A défaut d'aller à Locarno, il est temps de découvrir quelques films passés par la Suisse dont cette comédie culte (enfin pour le (petit) milieu des journalistes cinés) sur trois jeunes femmes qui chassent le critique dans son milieu naturel. C'est d'une drôlerie navrante plutôt sympathique, les actrices ont du charme et font preuve de naturel (par contre certains seconds rôles jouent très mal hum), mais bon... de là à comparer le film à du Hong Sang-soo comme les Inrocks le fait.. 2/6
Les Chants de Mandrin de RAZ Troisième film de Rabah Ameur-Zaïmeche (RAZ pour les intimes) que je découvre et mon préféré jusqu'ici. Je ne connaissais rien de l'histoire de Mandrin et des contrebandiers du 18e siècle. Bien sûr, on sent bien que ce n'est pas un gros budget mais je trouve qu'il s'en dégage un vrai parfum d'aventure libertaire, que RAZ filme bien et avec beaucoup d'amour sa troupe d'acteurs . Il y a des détails que j'adore (la vieille imprimerie, la chanson finale, Nolot génial acteur) et le film est suffisamment court pour ne pas nous ennuyer. 4/6
Dernière Séance de Laurent Achard Premier film de Laurent Achard que je vois et j'ai trouvé ça intrigant. Le décorum de Paray-le-Monial, l'ambiance d'une vieille salle de cinéma, ce héros que tu aimes bien malgré tout... Alors bien sûr, c'est "petit", les meurtres sont pas top, ça manque d'ampleur mais le charme a agi. 4/6
Etats-Unis (4) Free Guy de Shawn Levy Le blockbuster "original" de 2021 qui mixe Ready Player One, Truman Show et le méconnu et culte Nirvana. Le film a un peu le cul entre trois influences: j'aime beaucoup la partie jeu vidéo, qui pour une fois nous épargne le discours de vieux cons sur le jeu c'est de la drogue, beaucoup moins la partie réel avec son méchant debilos et un manque d'originalité dans sa représentation. Mais bon Ryan Reynolds est parfait, certaines trouvailles m'ont fait rire et la salle (oui la salle) réagissait à l'unisson et ça fait plaisir ça. 3/6
The End of Time de Peter Muttler J'adooooore ce type de documentaires philosophiques et je garde un souvenir incroyable de Gambling, Gods and LSD du même réalisateur. Bon, c'est moins bien (mais je l'ai vu sur petit écran), surtout la deuxième moitié qui reprend un peu/beaucoup Baraka et Samsara de Ron Fricke (crémation/télescope/sublimation). Par contre, il y a deux lieux que j'adorerais voir/filmer, tout ce qui se passe au CERN me fascine et bien sûr le gars qui reste dans sa baraque au milieu de la lave à Hawaï genre I'm fine. 3/6
2 Guns Le film d'action lambda avec un duo qui marche bien, des bons seconds rôles, un scénario tarantinesque pas crédible pour un dollar et des scènes d'action qui manquent d'ampleur. Cela se laisse regarder, je l'ai vu uniquement pour finir avec beaucoup de retard mon auto-Festival de Locarno (dont le film avait fait l'ouverture en 2013). 3/6
The Last Black Man of San Francisco de Joe Talbot Film très original, passé par Sundance puis Locarno, qui raconte l'amitié et les rêves de deux jeunes Blacks dans le ville de San Francisco. C'est un peu long, ça manque de "conflit" comme on dit désormais, mais c'est peut-être ça qui fait son charme. Les deux acteurs sont bien et si le film accuse un ventre fou au 2/3, la fin est très belle. 4/6
Amérique du Sud Les Gants magiques de Martín Rejtman Deuxième film que je vois de ce cinéaste culte argentin. Bon, c’est pas « méchant », volontairement minimaliste et désinvolte avec ce chauffeur de taxi qui est embarqué malgré lui dans une série d’aventures sentimentales et entrepreneuriales. Certains gags et situations font mouche mais bon… ça manque beaucoup d’enjeu (et un peu de cinéma). 3/6
Le palmarès
Leopard d’or : Un été chez grand père de Hou Hsiao hsien Grand prix du jury : Close-Up d’Abbas Kiarostami Prix du jury : Les Chants de Mandrin de RAZ Acteur : Pascal Cervo pour Dernière séance de Laurent Achard Actrice : Ioana Iacob pour Peu m’importe si l’histoire me considère comme des Barbares de Radu Jude Mise en scène : Werner Herzog pour Kaspar Hauser et Fruit Chan pour Made in Hong Kong Scénario : Joe Talbot pour The Last Black Man of San Francisco
Bon, les deux premiers se sont imposés facilement tant c'est au-dessus de tout ce que j'ai vu (et parmi mes films préférés vus cette année). Le reste de la sélection fut plus inégal, mais j'ai beaucoup aimé découvrir des films moins "gros".
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