Voilà mon festival de Locarno est terminé, pas toujours simple de voir les films.
Premier constat, j'irai bien en Suisse l'été prochain. J'ai vu des films très différents, parfois très exigeants, mais souvent passionnants. J'espère que mon palmarès le reflète.
Le palmarès
Léopard d'or (Pardo d'oro): Right Now, Wrong Then de Sang-soo Hong
Totalement tombé amoureux de ce film, nouvelle leçon de cinéma de maître Hong. C'est simple, c'est drôle, c'est émouvant, Je me suis totalement identifié au personnage principal qui tente de séduire maladroitement la jeune femme. Parfois, j'avais même des impressions de déjà-vu... Sur la mise en scène, je trouve qu'on atteint des sommets d'épure maîtrisée.
Prix spéciaux du jury (Premio speciale della giuria): Nuits blanches sur la jetée de Paul Vecchiali et La Fille de nulle part de Jean-Claude Brisseau
J'avais envie d'associer ces deux réalisateurs qui prouvent encore que l'on peut faire du cinéma inspiré avec peu de moyens.
Léopard pour la meilleure réalisation (Pardo per la migliore regia): Kaili Blues de Gan Bi
Un premier film assez bluffant. Cela commence par des scènes sans lien apparent entre elles, sous influence HHH. Peu à peu l'intrigue s'éclaircit, le héros part à la recherche du fils de son frère, avec toujours des passages par le passé comme si on flottait entre les différentes temporalités. Et là, à 40 minutes de la fin, le réalisateur te place un plan-séquence vertigineux absolument incroyable où la caméra semble voler autour des personnages... (et pour cause, le plan serait en partie filmé à l'aide d'un drone). Plan qui résume toute l'intrigue et le projet.
Prix du scénario : L'Étrange Couleur des larmes de ton corps
Léopard pour la meilleure interprétation masculine (Pardo per la miglior interpretazione maschile): Artem Bystrov (L'Idiot !)
Un côté Denis Lavant pour cet acteur russe assez dément dans cette métaphore sociale.
Léopard pour la meilleure interprétation féminine (Pardo per la miglior interpretazione femminile): Ariane Labed (Fidelio, l'odyssée d'Alice)
Premier film que j'ai vu, et sa performance m'a scotché. Elle aurait dû avoir le César d'ailleurs.
Léopard de la meilleure première œuvre (Pardo per la migliore opera prima): Saudade de Katsuya Tomita 4/6
Film très important pour le cinéma japonais contemporain aussi bien pour ses moyens de production - budget limité, tournage le week-end, que pour son sujet - la crise sociale et identitaire du Japon moderne, Saudade ressemble à s’y méprendre aux premiers Jia Zhang-ke, avec ces scènes de la vie quotidienne, sa mise en scène souvent statique, son jeu naturaliste
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France
Nuits blanches sur la jetée de Paul Vecchiali 4/6
Le début fait hyper-peur. Un acteur à la voix peu assuré parle à un vieux monsieur joué par le réalisateur lui-même... Heureusement cela s'améliore ensuite... Adaptation très littéraire d'une nouvelle de Dostoïevski, le film prend la forme d'une joute verbale façon Before Sunrise, avec quelques moments de grâce - la danse, le jeu avec les lumières de la nuit. Bon, la fin est hyper prévisible, mais ça a vraiment son charme. Belle surprise.
La Sapienza d'Eugène Green 1/6
J'avais vu le Pont des arts, que j'avais trouvé dans mon souvenir non dénué de charme. Bon, ben là c'est la douche glacée, j'ai accéléré au milieu tellement je trouvais ça chiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiant comme la mort. Je suis plutôt résistant pourtant. J'aime bien la musique, les paysages italiens sont superbes, mais c'est d'un sérieux, d'un hermétisme...
La Fille de nulle part de Jean-Claude Brisseau 4/6
Un peu comme le Vecchiali. Cela fait très peur au début, surtout que Brisseau joue comme un cochon, mais le film dégage un vrai charme pour toucher au-delà de son très simple postulat de départ. Les apparitions fantastiques sont très poétiques aussi.
Fidelio, l'odyssée d'Alice de Lucie Borleteau 4/6
Beau portrait de femme, avec une actrice géniale -Ariane Labed - et un univers rarement filmé, la marine marchande. ça manque un peu de nerf dans la mise en scène mais c'est prometteur.
Orléans de Virgil Vernier 4/6
Je garde un souvenir assez puissant de Mercuriales, que j'avais surtout trouvé beaucoup trop long. En format plus ramassé, le style de Vernier me paraît plus efficace. J'aime beaucoup le basculement dans le quasi-fantastique médiéval de la seconde partie. Il a un don pour filmer les femmes, aussi, et je trouve l'actrice très belle et très bien filmée.
Asie
Dark in the White Light de Vimukthi Jayasundara 1/6
Film totalement hermétique, du sous-Apichatpong.
Dream Land de Steve Chen 2/6
Un film américano-cambodgien qui ressemble beaucoup aux films thaïlandais dans la lignée d'Apichatpong, l'hypnose en moins. La première partie est pas mal, pour un premier film, Steve Chen a le sens du cadre et la solitude de l'héroïne est plutôt bien filmée, mais le récit s'enlise, on ne voit pas trop où tout cela mène...
Saudade de Katsuya Tomita 4/6
Film très important pour le cinéma japonais contemporain aussi bien pour ses moyens de production - budget limité, tournage le week-end, que pour son sujet - la crise sociale et identitaire du Japon moderne, Saudade ressemble à s’y méprendre aux premiers Jia Zhang-ke, avec ces scènes de la vie quotidienne, sa mise en scène souvent statique, son jeu naturaliste. C’est peut-être ça le plus intéressant: que les Japonais de la middle class rêvent désormais de la même chose que les jeunes Chinois, du plein-emploi et d'un exil en Thaïlande. Après c’est trop long - 2h30 -, parfois confus, mais j’aime bien la trajectoire du héros principal (moins celle du rappeur, à laquelle je ne crois pas trop).
Right Now, Wrong Then de Sang-soo Hong 6/6
Totalement tombé amoureux de ce film, nouvelle leçon de cinéma de maître Hong. C'est simple, c'est drôle, c'est émouvant, Je me suis totalement identifié au personnage principal qui tente de séduire maladroitement la jeune femme. Parfois, j'avais même des impressions de déjà-vu... Sur la mise en scène, je trouve qu'on atteint des sommets d'épure maîtrisée.
Kaili Blues de Gan Bi 5/6
Un premier film assez bluffant. Cela commence par des scènes sans lien apparent entre elles, sous influence HHH. Peu à peu l'intrigue s'éclaircit, le héros part à la recherche du fils de son frère, avec toujours des passages par le passé comme si on flottait entre les différentes temporalités. Et là, à 40 minutes de la fin, le réalisateur te place un plan-séquence vertigineux absolument incroyable où la caméra semble voler autour des personnages... (et pour cause, le plan serait en partie filmé à l'aide d'un drone). Plan qui résume toute l'intrigue et le projet. Fort et prometteur.
Europe
Cosmos d'Andrzej Zulawski 2/6
Je dois être franc. Je connais assez mal l'oeuvre de Zulawski. J'avais très impressionné par son premier film et la suite j'ai un peu abandonné, quelques souvenirs de couples hystériques et je n'ai pas vu la Fidélité. Bref, je n'avais aucune attente particulière... Et je ne sais pas trop quoi penser du film. Je trouve qu'il dégage un charme surréaliste pas désagréable mais qu'il tourne trop vite en rond, à l'image de son personnage principal, à la fois attachant et tête à claque. Pas trouvé ça très drôle - je crois que le film assume l'approche comique de son scénario. La fin est complètement raté... enfin bref... une expérience
L'Étrange Couleur des larmes de ton corps d'Hélène Cattet et Bruno Forzani 4/6
J'avoue avoir été charmé, encore plus après avoir lu les explications de l'intrigue ici:
http://www.senscritique.com/film/L_Etra ... e/29892436
Au départ, je craignais le pire, le film esthétique sans queue ni tête, bien sanguinolent pour rien. Et puis le charme se met enfin à opérer, grâce à la bande son d'abord, puis ensuite par ses aspects érotico-malsains. Une découverte, je verrai bien Amer, du coup.
A Blast de Syllas Tzoumerkas 2/6
Presque un sous-genre du cinéma d'auteur: la narration éclatée sur une jeune femme en crise. Le contexte grec donne un peu de matière au film mais il m'a bien fallu 40 minutes pour bien comprendre ce qui se passait tant le réal ne fait aucun effort pour nous expliquer ce qui se passe. L'actrice - la star de Canine - est très bien, je suis moins fan du mec.
Wetlands de David F. Wnendt 2/6
Nymphomaniac pour les Nuls et les ados... Le côté punk et pop m'a d'abord séduit mais dès qu'on arrive à l'hôpital le film devient assez vite relou. Il y a quand même quelques scènes marquantes (le rasage notamment) et l'actrice joue bien la candeur.
Métabolisme ou quand le soir tombe sur Bucarest de Corneliu Porumboiu 4/6
Troisième film de Porumboiu que je vois, et peut-être le plus décevant. Je trouve le film trop théorique, trop rêche et sur une tonalité pour vraiment fonctionner. Après, niveau scénario, c'est toujours de la dentelle narrative, c'est bien joué, "intelligent". Mais il manque un peu d'émotion. Bon, comme d'hab avec Porumboiu, le film a bien vieilli.
The Berberian Sound Studio de Peter Strickland 4/6
Un autre hommage au Giallo, sorte de faux-remake de Blow Out. Le film est surprenant par son refus fictionnel - je m'attendais à une série de meurtres, il n'en ait rien, fait un curieux surplace fantasmé avec un génial Toby Jones. Vraiment original, on ne peut pas écrire que c'est palpitant de bout en bout mais ça tient la route.
The Sky Trembles And The Earth Is Afraid And The Two Eyes Are Not Brothers de Ben Rivers 3/6
Le précédent (et seul) Ben Rivers que j'ai vu, "A Spell", m'avait prévenu: voilà du cinéma aride, expérimental, plastiquement renversant. La première partie est très faible, après un générique très Mad Max, on se tape un classique du film de festival: le tournage de film. Puis la seconde débute.... et là, le film devient franchement étrange, avec un mec que l'on habille en danseur-esclave, qui est vendu comme tel... Hyper bizarre, mais l'hypnose finit par prendre. Le dernier plan est très fort.
L'idiot ! de Yuri Bykov 4/6
Je n'ai pas vu The Mayor du même réalisateur mais je comprends pourquoi il a glané de nombreux prix. C'est du très bel ouvrage, sans fissure scénaristique, avec un point de départ original, un vrai suspense - non pas sur la catastrophe mais sur ce que va faire le héros -, avec une fin forte et désespérée. Il y a aussi du talent dans la mise en scène à l'image de ce plan de course dans la nuit. Après la métaphore est très appuyée par les dialogues...
Amérique du sud
Ventos de Agosto de Gabriel Mascaro 3/6
Le premier quart d'heure est sublime. On plonge directement dans une communauté du Nordeste au bord de l'eau, avec sa fille sublime, son pécheur taiseux, sa nature incroyable. Hélas, il ne se passe pas grand chose... Le réal joue le scientifique qui mesure le vent, c'est un peu la limite du projet: un mec extérieur qui tente de mesurer la nature des gens de là-bas. Avantage, c'est court.
Inori de Pedro González-Rubio 4/6
ça commence par un récit documentaire, avec des vieux japonais qui évoquent leur village, les jeunes qui le quittent, le poids du passé. Et puis, le film prend peu à peu une dimension spirituelle, proche des films de Naomi Kawase (qui produit). Les dix dernières minutes sont très belles (et mettent à l'amende Gus van Sant et son Sea of Trees).