Et si on participait tous ? Les films sont légalement visibles, j'ai mis quelques sorties à venir (et vous en avez vu déjà sans doute)... et je crois que la sélection la plus "prometteuse" et équilibrée sur le papier.
France (4) Frantz de François Ozon 4/6 Curieux film, comme toute la filmographie d'Ozon, où l'on sent que ça pourrait être magnifique, simple, beau et émouvant, mais c'est toujours un peu pervers, un peu déceptif, un peu retors dans l'émotion. Beaucoup pensé à Sous le sable mais aussi à Angel. Je trouve Niney plutôt pas mal, comme une émanation cinématographique d'une BD de Tardi. Paula Beer est très bien, aussi, vraie révélation, et je préfère la seconde partie à la première (même si je ne comprends pas à comment elle le retrouve avec juste le nom de Rivoire). L'ensemble est trop long - surtout la première demi-heure -, rythmé bizarrement, mais ça fait aussi partie de son charme, de son ton et de son originalité. Le plan final est magnifique et le film t'enveloppe d'une émotion incertaine.
Une vie de Stéphane Brizé 3/6 Moyennement convaincu. Judith Chemla est parfaite - les autres acteurs aussi d'ailleurs - mais je trouve que le film s'essoufle à mi-parcours, quand on passe du mari au fils. La grisaille est de plus en plus présente, la construction fragmentée moins justifiée et on a hâte que ça se finisse même si la fin est belle)...
Planétarium de Rebecca Zlotowski 2/6 Je fais toujours un test : j'essaie, quand je vois un film, de regarder ma montre pile après une heure de film... quand je tombe avant l'heure, c'est mauvais signe. Là, j'ai regardé ma montre après 37 minutes... La réputation de film malade n'était pas usurpée. Il y a des choses intéressantes : le personnage de Korben, la quête de l'image manquante, comme un écho à ce qui se passait sous le nazisme. Mais ça peine à prendre vie, dès que l'on quitte le trio, c'est limite complètement con (les scènes dans le sud, la première scène avec Casar), je ne suis pas du tout convaincu par les tics de mise en scène, ni par le jeu des deux actrices. Après, je ne regrette pas de l'avoir vu, il y a une certaine "ambition" qui manque souvent au cinéma français, dans la forme et le fond, cela m'a fait penser à du (très moyen) Assayas.
A jamais de Benoit Jacquot 1/6 J'avais beaucoup aimé les précédents films de Jacquot, j'avais apprécié les Don Lillo que j'ai lu (mais pas lu Body Art, dont le film serait adapté). Bon, c'est la douche froide. Passée une très longue exposition, le film de fantôme à la Kurosawa ne prend jamais vie. L'actrice (qui signe aussi le scénario) est particulièrement "mauvaise" (enfin disons atone, peut-être l'indication de jeu, mais ça n'aide pas) et je ne comprends pas certains choix de représentation (la ceinture de sécurité, le petit-dej...). Balibar m'exaspère toujours autant. Il n'y a que la fin qui m'a légèrement satisfait, disons que ça change des solutions "ce n'est qu'un rêve".
Etats-Unis (5) Nocturnal animals de Tom Ford 4/6 La vengeance par la littérature. Très belle idée de Tom Ford avec une actrice géniale - Amy Adams -, une belle ambiance crasseuse, surtout dans la première partie dans ce Texas poussiéreux et dégueulasse. Dommage que la partie New York soit plus faible, avec cet acteur incroyablement fade d'Arnie Hammer qui gâche toutes les scènes de couple - on n'y croit pas une seule seconde à son personnage. Reste quelque chose de follement cinématographique dans tout ça, le sentiment de Tom Ford s'abandonne totalement dans son sujet, quitte à en faire beaucoup beaucoup trop. Et le visage d'Amy Adams donc, formidable actrice, qui parvient in fine à donner un sacré vertige émotionnel à son personnage de glaçon dépressif.
Une vie entre deux Océans de Derek Cianfrance 4/6 A mi-film, le réalisateur décide de mettre en bande son le fabuleux Funeral Canticle de John Tavener. Soudain, le film prend une dimension quasi-biblique, surtout que la caméra s'attarde sur le visage rongé de remord de Michael Fassbender. Dommage, on repart sur la soupe d'Alexandre Desplat une minute plus tard.... C'est d'autant plus dommageable que le film est par moment très beau et très fort : déjà le lieu est incroyable, l'amour entre les deux persos palpable à l'écran et la première partie a quelque chose de très pur et très émouvant. Cela se gâte quand le film procédurier prend vie, surtout que cette partie s'étireeeee jusqu'à un relatif ennui. Mais l'épilogue tout doux est très efficace, je me suis dit que j'aimais beaucoup ce personnage principal fermé et aimant.
Tu ne tueras point de Mel Gibson 3/6 Parfait contre-champ de Fires on the Plain version martyr catho. La première heure ressemble à un spin-of de Tonnerre sous les tropiques. Puis survient une scène de guerre épique et furieuse qui confirme que Mel Gibson est un cinéaste incroyable pour mettre en scène l'action mais, à qui il faut enlever le stylo (et la Bible). La fin retombe dans la dragée trop sucrée. Difficile d'adhérer au discours quand on est férocement athée mais il faut reconnaitre au film sa puissance formelle et son premier degré sincère (et dégoulinant).
Europe (4) On The Milky Road d’Emir Kusturica 2/6 Emir Kusturica était l'un de mes cinéastes préférés, son retour au cinéma aurait dû être l'événement culturel de l'année... mais quelque chose s'est cassé en lui avec la guerre, et il le montre avec sincérité dans le film. Il n'a plus vraiment le coeur au cinéma, et répète ad nauseam ses motifs poétiques avec la fameuse énergie des Balkans qui n'existait pas en permanence dans ses premiers films... Cela donne des scènes sublimes (si si), quelque chose d'à fleur de peau, avec un cinéaste-acteur toujours sur le point d'hurler sa douleur, comme un ours à qui on aurait planté une écharde dans la patte. Mais voilà... au-delà du fait que l'on ressent des coupes énormes dans le montage, il y a le fond. Il faut choisir son camp camarade. Emir Kusturica le choisit dans ce film, sans l'ombre d'un doute. Et c'est franchement embarrassant.
Elégie d'une traversée d'Alexander Sokourov 4/6 Film de commande d'un musée néerlandais, cette courte Elégie d'Alexander Sokourov envoûte par cette manière fragmentée de raconter un voyage - par moment, ça ressemble presque aux derniers Malick, en beaucoup plus brut. C'est court (45 minutes), impressionnant formellement, surtout dans sa façon de créer un effet presque 3D aux tableaux.
Home de Fien Troch 4/6 L'ami Arnotte m'avait prévenu : voilà la bombe belge de la rentrée, un film choc, fort et impressionnant sur la jeunesse d'aujourd'hui. Les acteurs (amateurs ?) sont géniaux, surtout le jeune qui joue Kevin, formidable personnage, sorte de James Dean renfrogné. J'ai deux trois reproches à faire sur le scénario (sur les mères en fait et le perso de John est très chargé), mais la mise en scène et l'atmosphère du film emportent tout, la fin donne des frissons.
L'Affranchie de Marco Danieli 2/6 Film italien sur les sectes. Bon, la jeune actrice est bien, le récit totalement sur des rails et j'ai un peu de mal avec l'acteur qui joue le rebelle renfrogné avec trois expressions max.
Locke de Steven Knight 3/6 Exercice de style avec un acteur génial - Tom Hardy - mais aux effets d'écriture un peu trop visibles (le coup du père, du polonais, la dernière décla du fils). Cela se laisse voir tout seul par contre, c'est très bien rythmé et ça le mérite d'être court - 1h24. L'impression que je vais très vite l'oublier par contre...
Spira Mirabilis de Massimo D’Anolfi et Martina Parenti 3/6 Documentaire expérimental, passé en compétition à Venise (à quand un documentaire de nouveau en compétition à Cannes). Le sujet ici c'est l'immortalité ou plutôt l'intemporalité. C'est parfois passionnant - la partie sur les méduses qui se régénèrent -, parfois très beau - le morceau de musique dans la maternité, la vision des statues restaurées du Duomo - mais faut s'accrocher, le film est très long pour une narration aussi disparate et les longs passages sur la création d'un instrument à percussion éprouvent les nerfs. La dernière demi-heure qui révèle le sujet, tisse les liens entre les différentes parties, se mérite...
Asie (4)
Fires on the plain de Shinya Tsukamoto 5/6 Nouvelle adaptation d'un roman porté sur grand écran par Kon Ichikawa, Fires on the Plain est l'un des films les plus bourrins que j'ai vu sur la guerre du pacifique. A vous retourner les tripes et vous questionner durablement ce qui sépare l'homme de l'animal, le soldat du cannibale. La mise en scène est brillante avec des moyens que l'on imagine restreint, notamment avec LA scène de nuit démente des soldats japonais transformés en zombie. Le scénario est un peu répétitif surtout dans son troisième acte mais la fin est d'une noirceur qui serre le coeur (après avoir provoqué un haut-le-coeur). Vraiment c'est quelque chose qui m'a rappelé Opération mort de Shigeru Mizuki. Et puis ce n'est pas un hasard si Wakamatsu (Soldat dieu), Shinya Tsukamoto et Hayao Miyazaki (le Vent se lève, même si la tonalité est différente) ont fait des films de guerre bien engagés alors que le Japon glisse vers un retour à l'armée...
La Femme qui est partie de Lav Diaz 4/6 Mon premier film de Lav Diaz. Noir et blanc somptueux, le Bien, le Mal, une cour des miracles d'une humanité incroyable. La longueur (et la langueur) fait que l'émotion se mérite (et encore c'est le plus court), mais c'est parfois sublime, souvent fulgurant, cruel et extrêmement fort dans ce que cela dit de la société des Philippines et de notre monde. Hâte de découvrir la suite de sa filmographie.
Thy Womb de Brillante Mendoza 5/6 Pourquoi ne sélectionner à Cannes que les Brillante Mendoza les plus "extrêmes" ? Après Lola, je découvre Thy Womb, film magnifique, doux et dur à la fois, d'une beauté formelle de tous les plans (l'île Tawi-Tawi, ce coin de "paradis" totalement coupé du monde), qui m'a rappelé par moment Still the Water de Naomi Kawase.
Argent amer de Wang Bing 4/6 Un documentaire de Wang Bing pour affronter la canicule et s'immerger le temps d'un film dans la vie de quelques humains moins chanceux que soi. Le sujet - les ouvriers miséreux du textile chinois - m'attirait moins que ses précédents docs. Cela reste toujours très fort - on éprouve une vraie empathie pour les femmes et les hommes qui tentent de survivre en bossant de jour comme de nuit (au point que l'on ne sait plus vraiment quelle heure il est). On retrouve son talent pour la composition des plans, sa manière assez unique d'être "invisible" et "présent". Après, cela me marquera moins qu'A la folie, à mes yeux son chef d'oeuvre avec A L'Ouest des rails.
Amérique du Sud (3) La Région sauvage d’Amat Escalante 5/6 Jusqu'ici, le cinéma d'Amat Escalante me semblait un peu trop du Haneke-like au Mexique pour me convaincre de sa sincérité. Et puis voilà... La Région sauvage est peut-être le film le plus surprenant, le plus original et le plus captivant de l'année. Une sorte de mix entre Antichrist de Lars von Trier (c'est le même chef op' et la même équipe de sfx) et Japon de Carlos Reygadas, avec un peu de Tropical Malady (si si). L'ouverture est d'une beauté fascinante, le propos métaphorique sur le désir extrêmement fort et on en sort plein d'images dans la tête, à la fois choqué et impressionné.
Citoyen d’honneur de Mariano Cohn, Gaston Duprat 4/6 Tiens, voilà qui pourrait faire l'objet d'un remake en France, avec un écrivain parti aux Etats-Unis qui reviendrait à Moulins. Pendant 1h30, c'était la comédie grinçante idéale : acteur parfait, propos assez ambigu sur le personnage, scènes comiques parfois douloureuses... la fin fait basculer le film vers le film noir sur-signifiant. Mais j'ai bien ri à la scène du cochon et ça se regarde avec une vraie jubilation.
Les Amants de Caracas de Lorenzo Vigas 4/6 Surpris par l'accueil glacial réservé par la critique au Lion d'or 2015 (jury Cuaron, HHH et Ramsay), qui, sans être un chef d'oeuvre, est un premier film très prometteur, surtout pour la complexité des sentiments qu'il provoque envers les deux protagonistes. La fin m'a laissé de marbre, alors que je trouve le basculement de la relation très touchant et qu'il y a quelque chose de très fragile et donc précieux qui se noue entre eux. Si le film lorgne un peu du côté du cinéma de Pablo Larrain, lui empruntant même l'un de ses acteurs fétiches, l'excellent Alfredo Castro, il n'a ni sa dimension politique, ni sa férocité. Lorenzo Vigas ajoute un peu plus d'empathie à la noirceur sociale et humaine qu'il décrit.
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