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MessagePosté: 21 Oct 2013, 22:44 
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Après une longue absence d’une dizaine d’années, François revient dans son village d’origine, pour se reposer d'une tuberculose. Mais bien des choses ont changé : l’ambiance amicale a disparu, et son ami Serge est devenu alcoolique...


N'ayant découvert Chabrol que par ses derniers films des années 2000, assez tièdes cinématographiquement et pas très fins dans leurs portraits au vitriol, ce premier long me permet de comprendre un peu mieux de quoi son cinéma retourne.

Première chose : cette distance aiguisée et féroce, qui est plus ou moins sa marque de fabrique. Le sujet (citadin VS campagnards) est déjà tout offert à un regard d'entomologiste, et la mise en scène ici très ostensiblement "écrite" de Chabrol le confirme (de nombreux moments où la caméra, par ses mouvements, vient faire des rapports de sens, nous dire où et quoi regarder). Néanmoins, il y a un truc important : ses personnages 1) sont tous intelligents, 2) sont conscients et lucides de la tension sociale qui va les remuer, dès les premières scènes.

Ça change du coup pas mal de choses : pas de condescendance, pas de petit effet de supériorité. Le film raconte davantage comment ce clash est d'abord refusé par les persos, comme si on pouvait l'éviter, pour revenir d'autant plus brutal et concret ensuite ; ça pourrait se titrer "La grande illusion", en quelque sorte. La scène du bal et son apogée dehors est super forte pour ça, on est pris de court en même temps que le personnage de Brialy, il y a soudain quelque chose de très cru qui revient dans la gueule. Cela se joue presque en terme d'acquisition territoriale : par exemple, Brialy qui tout naturellement se fait la petite jeune en arrivant, prenant ce qui revient de droit au citadin brillant, avant de se rendre compte qu'il n'a rien acquis du tout, et qu'il n'a rien pigé à la carte où il a remis les pieds, allant douter de ses propres repères moraux. C'est assez fort, ce retournement : quand le prêtre revient pour sa deuxième scène, avec une voix qui est celle de la raison, on se rend compte comme le personnage qu'on a absolument plus envie de le voir.

Parfois, la caricature refait surface par accidents : par des saillies très explicites ("vous vous comportez comme des bêtes"), par le retard pris par Brialy sur certaines situations (quand par exemple il veut aider, un peu bêtement illuminé dans ses illusions), etc. Mais on parvient globalement à rester aux côtés des personnages et de leur détresse (celle de Blain surtout - beau comme dit le titre et comme c'est pas permis, au passage), permettant à ce final hallucinant de transcender sa dimension trèèèès symbolique pour aussi être simplement lyrique. Lyrisme dont je pensais pas Chabrol capable du tout...


Deuxième chose : je me rends compte combien il y a, tout au creux du cinéma de Chabrol, comme enfoui dans les plis, une dimension fantastique. Ça vient souvent poindre dans les scènes de nuit, jusqu'à cette fin bien sûr mais pas seulement, dans des sursauts d'étrangeté, d'horreur, de dégoût, quand la campagne dévoile derrière son morne paysage rural un univers secret de songes et de pulsions primaires. Je pense au face à face final entre Lafont et Brialy par exemple, entre les cierges, avec le vieux à côté, c'est d'une bizarrerie splendide. C'est vraiment riche cette cohabitation entre un cinéma presque naturaliste et son double-fond fantastique, et il y a peut-être là une voie à creuser pour saisir ce qu'est, ou a pu être, la possibilité d'un cinéma fantastique français.


Troisième chose : je suis surpris de découvrir là le premier film officiel de la Nouvelle vague. J'y retrouve certes une dimension brutalement autobiographique, une certaine crudité dans la peinture du monde contemporain (en soulignant qu'il ne l'est pas tellement, justement), un monde ancien devenu épidermiquement insupportable pour ses jeunes personnages, Lafont en déclinaison rurale de BB... Mais je ne vois pas vraiment de déchirure non plus. Les passages les plus forts sont aussi ceux où la musique très dramatisante reprend ses droits, par exemple. Malgré la crudité des thèmes, Chabrol aime aussi l'allusion et le détour élégant pour parler mort ou sexualité. Ce n'est pas un défaut, mais j'ai pas l'impression d'une opposition toujours flagrante avec le cinéma d'alors - mais je le connais mal ce ciné d'alors, d'où un effet de rupture qui me semble peut-être moins flagrant.


Concernant le Blu-ray (Criterion) : la copie restaurée qu'ils ont choppé (ou fait eux-même ?) est d'une beauté hallucinante, on a l'impression que c'est un film noir et blanc tourné aujourd'hui. C'est un poil trop contrasté, comme d'hab chez eux, mais ça en jette. Je pense que pour le coup ça vaut vraiment le coup de voir ce film-là en HD (ou en salle évidemment, si copie en bonne forme) : ça donne au film une majesté que son côté intimiste-rural-naturaliste n'évoque peut-être pas d'emblée.


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MessagePosté: 21 Oct 2013, 22:57 
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Maintenant faut que tu vois les bonnes femmes


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MessagePosté: 21 Oct 2013, 23:02 
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Ouuhh maintenant j'ai 125 trucs à voir, il va se placer bien gentiment dans la file d'attente (et tu me concèderas que le titre n'est pas très engageant).


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MessagePosté: 21 Oct 2013, 23:15 
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L'extrait (les premières retrouvailles des deux amis d'enfance) :



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MessagePosté: 21 Oct 2013, 23:15 
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Jack Griffin a écrit:
Maintenant faut que tu vois les bonnes femmes

Non, rien. #PostPrécédent


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MessagePosté: 21 Oct 2013, 23:16 
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lol


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MessagePosté: 21 Oct 2013, 23:17 
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Est-ce un encouragement ?


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MessagePosté: 21 Oct 2013, 23:22 
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Ah continuer l'humour pourrave ? Ah oui, je t'en prie !


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MessagePosté: 21 Oct 2013, 23:23 
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Parce que j'allais t'en conseiller un autre là...

Merci pour le chocolat


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MessagePosté: 21 Oct 2013, 23:28 
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:shock:

Clap clap !


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MessagePosté: 21 Oct 2013, 23:34 
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Déjà-vu a écrit:
Parce que j'allais t'en conseiller un autre là...

Merci pour le chocolat


C'est un de ses meilleurs des années 2000 celui-là. Souvenir d'un truc très fin et assez délectable. Sinon t'as Le boucher qui est vachement bien dans ses anciens.


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MessagePosté: 22 Oct 2013, 09:17 
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Je me souviens avoir adoré, mais c'est a peu près le seul souvenir qu'il m'en reste.. A revoir.


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MessagePosté: 22 Oct 2013, 15:10 
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Je trouve Le Boucher un peu à part dans sa filmo finalement, plus émotionnel comme film peut-être (ce n'est pas un défaut). Mais même "Le beau Serge", c'est assez différent dans le ton.

Limite c'est un peu "L'oeuil du malin" et son jeu sur le point de vue, cette espèce d'opacité en chappe de plomb sur lequel tout bute en permanence, fait démarrer un truc qui se retrouvera plus chez lui...
"Que la bête meure" me semble rester son sommet à ce niveau.

"Alice ou la dernière fugue" et "Les Fantômes du Chapelier" sont des grands morceaux de ciné français flirtant avec l'étrange.
J'avais découvert "La Rupture" il y a pas longtemps, délire limite psychédélique assez surprenant. "Les liens de sang", polar avec Sutherland et Hemmings à base de lecture de journal intime est une jolie également.

Ses derniers j'avoue que j'ai du mal à les revoir, puis certains gros comme "La femme infidèle" sont un peu caricaturaux et auto-satisfait... Il y a quelques grosses conneries délectables aussi ("La route de Corinthe", le tape à l'oeuil "Les biches", "Les innocents aux mains salles")


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MessagePosté: 22 Oct 2013, 16:12 
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Antichrist
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Plus que le fantastique - même si c'est lié -, Chabrol est surtout un énorme fan de la littérature américaine policière des années 50-60.


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