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MessagePosté: 17 Juil 2025, 19:01 
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Les 3 pitchs, dans l'ordre de leur sortie française (soit l'ordre inverse de leur première en festival).

Rêves
Johanne tombe amoureuse pour la première fois de sa vie, de sa professeure. Elle relate ses émotions dans un carnet. Quand sa mère et sa grand-mère lisent ses mots, elles sont d’abord choquées par leur contenu intime mais voient vite le potentiel littéraire. Tandis qu’elles s’interrogent, entre fierté et jalousie, sur l’opportunité de publier le texte, Johanne se démène entre la réalité et le romanesque de son histoire...


Amour
Sur un ferry qui les ramène à Oslo, Marianne, médecin, retrouve Tor, infirmier dans l’hôpital où elle exerce. Il lui raconte qu’il passe souvent ses nuits à bord, à la recherche d’aventures sans lendemain avec des hommes croisés sur des sites de rencontre. Ces propos résonnent en Marianne, qui revient d’un blind date organisé par sa meilleure amie et s’interroge sur le sens d’une vie amoureuse sans engagement. Mais ce soir-là, Tor succombe au charme de Bjorn, qui lui résiste et lui échappe...


Désir
Un ramoneur, heureux père de famille, en couple avec son épouse depuis des années, a une aventure inattendue avec un client ... Il ne la considère ni comme l’expression d’une homosexualité latente, ni comme une infidélité, juste comme une expérience enrichissante. Il s’en ouvre à son épouse, qui le prend mal, puis à son patron, marié comme lui, qui lui avoue faire toutes les nuits des rêves dans lesquels il est une femme, objet du désir de David Bowie...


Trilogie précédée d'une certaine réputation (ténue, mais flatteuse), d'autant que Rêves a récolté l'Ours d'or à la dernière Berlinale, réalisé par un illustre inconnu me concernant. 3 films clairement distincts les uns des autres, quand bien même la récurrence de quelques rares personnages et le même cadre de la ville d'Oslo assure une certaine homogénéité à l’ensemble, on n'est en tout cas pas dans le cas de ces films dont la durée n'autoriserait pas une exploitation en salle s'ils n'étaient scindés en plusieurs parties (les cas récemment de Jeunesse, Les Travaux et les jours ou encore Senses). Vous pouvez donc débuter par n'importe lequel des trois, voire vous cantonner à un seul si le ton ne vous parle pas. Le fait est que l'ensemble est assez unique, 6 heures de dialogues quasi ininterrompus, de vrais tunnels dont on semble parfois ne pas voir le bout, mais qui par la magie de la précision de leur écriture se laisse suivre sans aucun effort et souvent avec réel plaisir. Et, au-delà de la durée démesurée de certaines scènes, ce qui est particulièrement étonnant ici c'est l'absence totale d'emportement, non pas que ces scènes ne soient pas parfois le siège de situations conflictuelles, mais leur résolution ne passe jamais par un esclandre ou une quelconque élévation de la voix, uniquement et systématiquement par un désamorçage patient, une écoute infatigable, une liberté laissée à la parole de l'autre afin qu'il/elle aille au bout de son raisonnement. Sur la longueur l'impression qui prédomine est celle d’une bulle où la bienveillance serait le maître mot, la description d’une société quasi modèle où les rapports entre les sexes sont parfaitement équilibrés et la tolérance quant aux orientations sexuelles la norme. Mais, pour aussi particulière et avancée que puisse être la société norvégienne en terme d’équité, l’image que nous en donne Haugerud dans cette trilogie force indéniablement le trait (Utoya n’est par exemple pas si loin).

Parce que loin de se contenter de dresser un portrait contemporain d’Oslo et de ses habitants (ce que pourrait laisser croire les inserts récurrents de plan sur la ville), il est parti de ce terreau fertile puis l’a pacifié à l’extrême, il en a éliminé toutes scories, pour ne retenir que ce qui correspond à son idéal monde, une utopie idéaliste dont l’excès de bonté confine parfois à l’angélisme. Cet aspect me semble totalement assumé et maîtrisé de sa part, puisqu’on retrouve dans sa mise en scène certains codes du soap (photo plate, musique kitsch, effets visuels douteux – surimpression par exemple), l’acmé de la naïveté par excellence. Haugerud sait pertinemment qu’il a poussé le bouchon un peu loin, charge à certains de ses personnages principaux d’en assumer les conséquences. C’est le cas par exemple du ramoneur de Désir, totalement dénué de malice, qui ne s’attend pas à ce que la révélation de sa première relation extra-conjugale (et homosexuelle) déclenche un tel cataclysme dans son couple. Les discussions qui s’ensuivent, à l’image de beaucoup d’autres dans cette trilogie, vont permettre d’aborder ce qui est le nœud à dénouer pour que l’utopie devienne réalité : comment personnellement atteindre la plénitude dans un cadre familial/sociétal qui peut à la fois brimer les élans individualistes et être victime de notre égoïsme. C'est là que les qualités du cinéma d'Haugerud s'affirment le plus clairement, cette manière de saisir en longueur ces échanges sans qu'ils ne soient jamais rébarbatifs, la précision de l'écriture surtout, qui tout en se contentant de n'aborder que des sujets relativement triviaux les sondent en profondeur, nous amène à les considérer sous différents angles, à nous questionner sur la manière dont nous spectateur nous aurions agit, sur la nature profonde de nos désirs et de nos attentes tout simplement.

A cela Haugerud ajoute une autre fructueuse composante, l'opposition complémentaire entre naïfs (Feier le ramoneur, Johanne l’adolescente de Rêves) et frustrés (le très chrétien supérieur hiérarchique de Feier, la mère de Johanne, Heidi la chef de projet d'Amour), l'un apportant à l'autre un certain recul, quant à l'inverse le frustré apprend du naïf à se défaire (en partie) du carcan sociétal et à mieux s'écouter. Cette opposition est nécessairement la plus marquée dans Désirs puisqu'elle est centrale, le film étant par ailleurs le moins abouti de cette trilogie de mon point de vue, les personnages restant enfermés dans leur schéma sans évolution significative, et la douce ironie qui plane sur l’entièreté du film me semble un peu jouer contre le projet global. Amour en est par contre la version maximaliste, film qui crève littéralement tous les plafonds de la bienveillance avec le personnage de l'infirmier homosexuel Tor, sorte de faux naïf qui non seulement ne voit le mal nul part mais est par ailleurs le bon samaritain ultime. Opus à éviter pour ceux qui ne saurait s'affranchir d'une part de cynisme, sinon 2 heures d'une expérience de la bonté absolue, c'est profondément déroutant mais très loin d'être désagréable ! Quant au dernier des trois, Rêves, c'est assez nettement celui que je préfère, doucement équilibré entre les deux autres, et dont la complexe structure tranche avec la linéarité de Désirs et Amour. Le film fait parfois penser à Trenque Lauquen par sa capacité de la langue à nous transporter (mais dans l'autobiographie cette fois, non plus dans la fiction), et la très subtile imbrication des temporalités nous fait régulièrement perdre pied (un peu à la manière d'un moment que j'avais évoqué dans le dernier Letourneur, mais de manière beaucoup plus forte ici). Dans l'ensemble, une très heureuse découverte d'un auteur vraiment unique, ses précédents films ne semblent pas avoir beaucoup été diffusés au-delà de la Norvège, je serais tout de même curieux d'en découvrir certains (l'impression qu'un tel dispositif ne peut pas tenir plus que sous cette forme déjà longue d'une trilogie).


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