Forum de FilmDeCulte

Lonely Are the Brave en VO.



Après une longue absence, John W. Burns est de retour pour revoir ses amis, les époux Bondi. Mais le mari est en prison, pour avoir aidé des Mexicains à entrer illicitement aux États-Unis. John se met en tête de se faire incarcérer, pour aider son ami à s'évader de l'intérieur...


Curieuse découverte et film étrange, qui ne peut s’empêcher, comme la quasi-totalité du Hollywood sixties, de sonner un peu toc par sa façon de continuer à porter des habits qui ne lui siéent plus : ceux du western classique, en l'occurence. Dialogues un peu trop malins, situations un peu trop psychologisantes ou démonstratives, numéro d’acteur un peu trop mis en avant, dialogues petit malin, scope un rien artificiel… Trop grand écart entre la pureté des codes du genre et la manière dont on les approche. Ca reste une période problématique, et ça n’aide pas à rentrer dans le film.

L’intérêt ici, c'est que le film parle justement de ça : de la mort lente de ce monde d’avant, tant celui du wild USA d’avant les frontières, que celui du western et de ses codes. Parti sur la fausse piste d’une évasion miniature au manque d'enjeux désarçonnant, le film prend toute sa dimension une fois exilé dans la montagne, dans la traque mécanisée du cow-boy. Que ce soit dans la façon dont le personnage surplombe la plaine civilisée depuis sa crète (un décor en surplombant un autre, une époque en regardant une autre : ici le cinémascope prend pour le coup tout son sens), ou par la bataille entre une fuite à cheval et les voitures/hélicoptères, on a régulièrement l’impression de voir cohabiter deux films différents en un, comme si l'écran de cinéma avait bugé.

Si le film est trop souvent rattrapé par sa dimension démonstrative (pour une superbe fin il faut se coltiner un dernier plan lourdaud, par exemple : on saute sans cesse de l’un à l’autre), et même si la win crispée de Kirk Douglas peut être à la longue irritante, ça reste un film curieux, parfois fort, et même au final assez émouvant, ne serait-ce que comme témoin (peut-être un peu trop conscient) du passage de relais entre deux cinémas.

On a du se croiser au Latina

Ah non, tout ça c'est encore La Rochelle ! (mais j'ai bientôt fini...)
T'as aimé le film ?

Oui, beaucoup, même si je comprends tes réserves.

Désireux de voir les Kirk Douglas immanquables et en plein dans mes découvertes western, j'ai calé ce film ici...sans me douter qu'il s'agissait d'un western contemporain. A ce titre, le premier plan annonce le programme de la plus belle des façons, le décalage si prononcé qu'on se croirait presque dans un film de voyage dans le temps type Les Visiteurs ou Hibernatus. Mais le contraste n'est jamais joué en comédie, même dans la première moitié vaguement ludique qui adopte la personnalité carefree du protagoniste, qui ne refuse pas une bagarre de bar à l'ancienne, ne serait-ce que parce qu'elle lui permet d'intégrer la prison dont il veut évader son Cédric Herrou de pote. Le Scope et le N&B épousent son point de vue alors même que la réalité lui résiste.

Même dans toute cette première partie faussement légère donc, le film garde une étrangeté, parce que le spectateur ne sait pas trop où on va, à l'inverse du personnage, qui croit avec une telle assurance dans sa manière d'approcher la vie qu'il en est à la fois attachant et simultanément agaçant. La caractérisation te fait passer du tolérant "qu'il est con" au "connard un peu quand même çuilà", c'est plutôt original et réussi comme numéro d'équilibriste même si l'action traîne un peu trop pour emporter le morceau.

Mais tout tient sur ce personnage dans ce type de structure qui vire complètement à mi-chemin et lorsque le film se transformant en film de fuite/survie proto-Rambo (jusque dans le détail des ingénieuses astuces du héros) où le cowboy hors du temps crapahute non sans peine sur la crête rocheuse qui le sépare du Mexique tandis qu'il est poursuivi par des jeeps et des hélicos, il prend alors une toute autre dimension. Les plongées sur les vistas sont incroyables, l'homme étant désormais dans son élément, surplombant les mecs en uniformes qui galèrent en bas. Il s'est réapproprié le récit, le genre, il donne enfin sens à la forme.

Puis arrive cette toute fin qui laisse sans voix où Douglas, muet, rien qu'avec ses yeux, transmet toute la vulnérabilité d'un homme terrifié par ce nouveau monde qui le rattrape.

Belle découverte.

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Grand film pour moi et un des plus grands rôles de Kirk Douglas.