mouret et moi c’est marrant, parce que je n’aime pas du tout ses premiers, vraiment cette fantaisie décalée cnc là je trouve ça absolument horrible et épouvantable. puis, des choses qu’on dit… coup de coeur absolu et total. et il devient d’un coup un de mes cinéastes contemporains préféré. improbable.
du coup c’était une de mes plus grosses attentes. l’absence de selection cannoise m’a un peu inquiété, puis cet accueil que j’ai perçu comme poli mais indifférent, et au final ça finira dans les 300k, exactement comme les deux précédents.
et j’ai retrouvé cet univers qui me plait tant. à commencer par ce niveau de langage, cette langue soutenue, la plus belle de tous les dialogues français, ces phrases me ravissent, ce vocabulaire me caresse, c’est si beau, si élégant, drôle parfois, décalé car personne ne parle comme ça mais dans ses films tout le monde parle comme ça, avec le miracle que ce soit si naturel dans la bouche de tout le monde, et ça suffit à créer un monde. ce langage extraordinaire n’est pas que formel, ce sont des films sur des gens qui parlent beaucoup, qui ne font d’ailleurs que ça, pour analyser chaque évolution de leur âme et de leurs sentiments et savoir formuler ses sentiments et ses pensées c’est le remède à tous les maux et à la violence, et c’est donc essentiel à ce monde qu’il construit. parce que donc ce monde c’est un monde de gens intelligents, cultivés (il y a des livres partout, etc), qui se parlent, présentent des excuses pour des emportements mineurs et parfaitement légitimes, qui se respectent et tentent de se comprendre, même lorsqu’ils sont en proie aux affres des sentiments qui font que l’on peut trahir, décevoir, blesser. tout cela s’accompagne de cet espace public « apaisé », calme, où tout est beau, tranquille - je suis d’ailleurs surpris qu’il ait filmé, à deux reprises en plus, graffités. et dans ce monde où personne n’est pressé, où les enjeux de travail et de carrière sont tout à fait secondaires, ces ‘first world problems’ célèbrés, le luxe de vivre dans un pays riche, où l’on peut se payer le luxe de se consacrer à ses états d’âmes, qui ne sont pas grand chose d’autre mais qui contiennent les vérités sur soi et sur les êtres, un peu. il y a un aspect caricaturalement français dans tous ces marivaudages intellectuels et bavards, ce que j’adore en soi, mais j’ai l’impression qu’il ne le fait pas en ‘référence’, il en est simplement l’héritier. et donc, de tous les movie-verses, je crois que celui d’emmanuel mouret est un de ceux que je préfère, peut-être celui dans lequel je voudrais vivre, en vrai. vraiment le stade ultime de la civilisation, une celebration de l’intelligence, de l’élégance, de la culture, de la liberté, des sentiments humains dans toutes les richesses et dans toutes leurs complexités - les gens (se) font des sales trucs dans ses films, mais la vie c’est ça aussi. c’est une joie et un bonheur que de passer deux heures là-dedans.
et ce film-là, précisément. c’était déjà très vrai, mais on est vraiment dans la lignée de woody allen. toute la storyline de camille cottin (que je ne peux plus voir, elle fait tellement comédienne parisienne friquée flottant dans la stratosphère je ne vois plus rien d’autre) fait vraiment « idée sur un post-it » comme des trucs de woody, une petite storyline marrante de 30 minutes. le coeur du film, c’est bien sûr l’histoire d’india hair (qui est formidable, ne ressemble à rien d’autre sur le marché des actrices, est tellement un vrai être humain, et ici tellement douce sensible et émouvante). c’est bouleversant du début à la fin, chaque évolution de l’histoire déchire le coeur, sans en faire des caisses, comme dans les rêves de woody à travers juste les aventures sentimentales d’une personne ça dit mille choses sur les gens, sur l’amour, sur la vie, c’est hyper joli et réussi. j’ai aussi aimé sara forestier, sa place dans le film qui correspond à sa place dans le cinéma français - un peu la cinquième roue du carrosse, ou au moins la troisième du trio, quoi. j’ai trouvé sa prise de poids émouvante, j’ai aussi vu dans les difficultés de son personnage un reflet de ses difficultés personnelles, j’ai trouvé assez drôle - sans savoir si c’était volontaire ou non - ses tenues régulièrement immondes, et là dedans son sourire, son énergie, sa sympathie, son optimiste et sa force d’avancer. sa storyline est forcément très mineure, mais ça tenait pour elle, je l’ai trouvée vraiment sympathique et émouvante.
c’était un petit film, pas à la hauteur des précédents, mais avec plein de petites choses formidables partout, tout le temps, parfois un simple plan qui paye pas de mine mais qui est splendide et émouvant, parfois une petite idée géniale, parfois un personnage qui dit « cependant » et alors que je trouve l’acteur vilain j’ai juste envie de crier fuck me now tellement je trouve ça génial. je trouve marrant que tout ça se développe alors qu’il est déjà bien avancé dans sa carrière, je ne sais pas si ce sera juste une phase et qu’il évoluera comme il l’a déjà fait, si c’est désormais son style qui nous accompagnera pendant 30 ans, je ne sais pas combien de films comme ça il en a lui, mais c’est vraiment une rencontre rare et précieuse et folle et c’est magique quand on commence à vieillir un peu de trouver un univers artistique dans lequel se sentir si profondément bien et heureux.
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