Forum de FilmDeCulte

Paris, 16ème arrondissement. Été ou printemps transparent. Une femme très belle, se jette d'un balcon. Son mari, rongé par le scrupule, médite devant le lit de mort - modeste clic clac dans leur salon, ils faisaient visiblement chambre à part - et se souvient devant leur bonne de leur relation. Il apparaît très vite qu'ils n'étaient pas particulièrment assortis.
Il était usurier (métier qui n'a pas disparu avec les Cash Converters, mais à l'époque cela en faisait à la fois un notable et un peu un marginal), égocentrique et amer, elle est beaucoup plus vibrante et énergique, venue d'un milieu modeste (elle venait dans sa boutique). Mais ils partagent une certaine franchise, jusqu'au cynisme et à la raideur. Et les relations ratées sont peut-être les plus mystérieuses et complexes de toutes
5/6

Je ne connais pas le texte de Dostoievski, et filmnonutc descend le film, sans doute de façon un peu biaisée et politique, Bresson est à la fois moderniste et catholique.
Très bon. 4/6 avant la scène du flingue, 6/6 après.
Ambiguïté car Dominique Sanda (très bonne, l'homme, Guy Frangin aussi est bien) est simultanément valorisée pour son indépendance et son énergie, et fétichisée voire sadisée. Quelque-chose annonce les portraits de femmes-muses ambigus du cinéma français ultérieur (Sanda était d'ailleurs avec Jacquot qui l'a quittée pour
Godrèche) mais ici cela tient, le personnage impose son mystère, et son exigence, même si c'est par le suicide (inversion, le cadavre érotisé est l'instrument non d'une profanation, mais du même type d'écoute et de confidence qu'un psy lacanien, en se détruisant elle devient un révélateur de la vérité des autres, mais en fait c'est plus profondément l'inverse).
Bresson est fondamentalement un cinéaste de l'aliénation, mais elle tient à une grâce refusée et ratée. La possibilité d'un discours sociologique implique aussi l'aliénation, ce n'est pas une grille d'analyse mais un des facteurs qui y contribuent. Même l'environnement naturel d'un Paris printanier et bourgeois semble jugé, précaire : il est coupable devant la caméra de sa fragilité qu'il ne voit pas (du coup l'écologie et la foi s'excluent l'une de l'autre car elles prétendent à un point de vue exclusif sur les mêmes objets). Finalement le spectateur est mis dans la position d'un juste, qui rachète ce qui lui est montré dès qu'il le comprend (et c'est bien par sa consommation culturelle, un peu stéréotypée malgré tout, le fait qu'elle a le goût et la capacité de déceler l'image dans l'image, que le personnage de Sanda montre sa noblesse et son envergure intellectuelle. Sur la représentation d'Hamlet qu'elle critique elle tient un propos qui rappelle l'approche du Barthes brechtien sur le théâtre. Mais la froideur et l'avarice du mari convertisent l'échappatoire offerte par l'analyse
en spectacle, la neutralisent et l'enferment dans la fiction du film originel, le réel est désiré, perçu, puis arbitrairement retiré aux personnages).

Découpage et sens du rythme visuel incroyables.