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MessagePosté: 22 Mar 2024, 16:22 
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Le visionnage de ce film a été un heureux accident. Je me suis trompé sur l'horaire de ma séance de The Sweet East et du coup je n'ai trouvé que ce film qui rentrait dans mes horaires. Film dont j'avais découvert l'existence le matin même via un tweet de Karloff. Et ce fut une superbe surprise. Je crois avoir une idée assez fausse de Nicolas Philibert que je connais plutôt mal (seulement vu Etre et avoir et La maison de la radio) et que je classerais dans la catégorie des documentaristes un peu lisses et consensuels qui se rapproche presque plus du reportage télé que du grand documentaire cinéma. J'ai donc été d'autant plus surpris face à ce film (qui est le deuxième volet d'une trilogie débuté avec Sur l'Adamant, que j'ai envie de rattraper du coup) plutôt radical dans son dispositif. Ici on est dans un hôpital psychiatrique et le film n'est en fait composé, sur quasiment 2h30, quasiment que de longs entretiens soignants/patients. Quelques plans de coupe sur la cour de l'hôpital, sur les couloirs mais de manière très marginale, on sent que la volonté du film a été en tout premier lieu la parole. Comment filmer la parole des patients (et des soignants) ? Et pour cela Nicolas Philibert installe un dispositif tout simple mais qui "fait" son film, le champ/contrechamp. C'est très étonnant pour un documentaire même si parfaitement logique ici, les scènes sont fixes, un entretien dans un bureau, c'est facile de poser deux caméras. Alors si au départ on ne remarque pas spécialement ce que ça apporte au film, peu à peu va se créer un effet saisissant. Un pur effet de fiction.

Parce que chaque patient est une espèce de personnage de fiction incroyable. Présenté ici devant nous dans un film de cinéma sans introduction, sans contexte, il arrive avec l'expression unique de ce qu'il est en particulier de ce qu'est sa maladie, la parole. Et dans cette parole, aussi halluciné, hallucinante qu'elle soit se déploie sa propre fiction, sa propre entorse au réel et très vite ça en devient un personnage à part entière. C'est véritablement fascinant sans que jamais ça ne soit complaisant dans un mouvement qui serait de dire, "regardez la folie comme c'est amusant, comme c'est bizarre". Non pas du tout, au contraire même, c'est d'une attention et d'une patience totale face à cette parole qui doit se dérouler dans le temps long, dans l'écoute. C'est passionnant d'ailleurs de voir comment les soignants répondent aux patients, dès qu'ils partent dans des considérations un peu farfelues ou des délires manifestes, il faut sans cesse les recentrer sur eux, sur leur chemin de guérison et ne pas nourrir cette fiction qu'ils se créent en permanence. Et tous sont passionnants, certains véritablement inoubliables (dont celui qui voit son père et son grand-père morts dans d'autres patients ou encore cette vieille dame brûlée à la fin, le prof totalement mythomane et mégalo également...). Cet effet de fiction vient en outre de cette sensation par moments qu'on est face à de grands monologues d'un acteur prestigieux tant l'intensité des visages et des voix est parfois totale. Et c'est là qu'on se rend compte à quel point le réel restera toujours au-dessus de la fiction, que ce à quoi on assiste là ne pourrait jamais être recopié ou égalé.

J'ai beaucoup pensé à A la folie de Wang Bing qui en est une espèce de négatif (le malade livré à lui-même que personne n'écoute) et on ne peut qu'être soulagé de vivre dans un pays où quand même l'accompagnement des malades est aussi suivi malgré le manque de moyens et la paupérisation de l'hôpital public. Tout est très émouvant. Vraiment un très beau documentaire. La durée m'a un peu effrayée au départ mais je ne me suis pas ennuyé une minute et c'est d'un humanisme (mot un peu vidé de son sens aujourd'hui) tellement simple et sincère qu'il ne peut en être que magnifique.

5/6

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MessagePosté: 22 Mar 2024, 16:26 
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En revanche Sur l'Adamant (que j'ai envie de rattraper du coup) c'est 120 000 entrées et là je mise sur quasiment dix fois moins.

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MessagePosté: 22 Mar 2024, 17:49 
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Antichrist
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Beaucoup, beaucoup aimé aussi, tu as tout dit (again), de ce plan par drone du début qui te montre (à mon sens) le labyrinthe mental dans lequel sont perdus les patients. Le glissement vers la folie est tellement progressif.. par moment on a l'impression que ce sont des scénaristes qui te racontent le pitch d'un film et qui progressivement s'éloigne de la cohérence. Tu ressens la solitude de chaque patient, ce besoin de les écouter, cet égarement permanent. Pas prêt d'oublier le film.

5/6


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MessagePosté: 24 Mar 2024, 19:02 
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Art Core a écrit:
qui est le deuxième volet d'une trilogie débuté avec Sur l'Adamant, que j'ai envie de rattraper du coup

Sur l'Adamant est moins fort que celui-ci, Philibert s'y "disperse" plus, il n'y est pas seulement question des patients qui y viennent en journée, mais aussi de la structure d'accueil qu'est cette péniche, des ateliers, des intervenants. Par contre on y retrouve certaines des personnes qui figurent également dans celui-ci, 3 ou 4 patients identiques de mémoire (dont celui qui s'est reconstruit une cellule familiale de toute pièce).


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MessagePosté: 31 Mar 2024, 21:31 
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Des malades psychiatriques mettent leur maladie, leur fêlures, leur, comment dire, pas le bagout, une espèce de verve au service du cinéma. Avec quoi ressort le spectateur, c'est un peu ça le mystère. Ce qui est fascinant, c'est cette parole libre, peut-être parfois en représentation, à la fois embarrassée, heurtée et prolixe et souvent d'une implacable logique. On trouve chez la majorité des sujets du film (moins chez le prof de philo histrionique* peut-être) une espèce d'attention portée aux choix des mots, une tentative d'exprimer la chose justement, même ou surtout quand le langage se fait hétérodoxe. C'est donc plein de punchlines dites au débotté ("un jour j'ai demandé une caresse et on m'a donné un yaourt", "arrêtez de me faire chier avec votre réalité" qui suit un "heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage" "Je suis comme Socrate, je ne laisse pas de traces. Je n'ai ni femme ni enfant" etc.). Qu'en tire-t-on en tant que spectateur ? Le commentaire sur l'institution se fait un peu lâche, peut-être, mais c'est fascinant (je garde en tête le commentaire intéressant de gontrand sur les "malades surdoués de l'Adamant" je cite de mémoire).
Trois jeunes (ou plus jeunes) apparaissent à l'écran lors de ces entretiens individuels, loquaces et articulées pour d'eux d'entre elles (l'une d'elle discutant avec Philibert et non un psychiatre, sauf erreur de ma part), complètement paumé pour l'autre à qui je souhaite évidemment d'aller mieux.

*qui semble de la même promo que Raphaël Enthoven à Ulm.


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