Forum de FilmDeCulte

Dans le genre réalisateur totalement oublié, Gérard Blain se pose là. Plus connu comme acteur, il a pourtant réalisé une dizaine de films dont deux ont gagné les Léopard d'or à Locarno (dont Les amis) mais aujourd'hui ses films semblent quasiment introuvables et quand on voit le nombre de vues sur Letterboxd il apparaît clairement que les films ne sont pas/plus vus.

Pourtant Les amis est absolument passionnant. J'ai été cueilli immédiatement par l'allure et par la majesté tranquille du film. Blain se réclame énormément de Bresson et c'est en effet une évidence. Précision des cadres, minimalisme du jeu, scrutation des visages, focalisation sur des gestes, acteurs amateurs etc... Contrairement à Bresson en revanche, une bande originale très mélodique de François de Roubaix accompagne le film (excellente mpême si un peu décalée, à écouter ici). Tout ça pour raconter cette histoire très curieuse, l'amitié entre un adolescent prolétaire qui rêve de grandeur et un industriel cinquantenaire sans enfant, malheureux dans son couple. L'industriel décide d'emmener le jeune homme en vacances à Deauville et lui paye des vacances de luxe, cédant à ses caprices. Il est évident que cette amitié cache quelque chose, qu'il y a là un rapport de force totalement déséquilibré et éminemment toxique et pourtant jamais le film n'ira dans ce sens, jamais ne verrons-nous un geste déplacé, une remarque à double sens ou un sous entendu sexuel. On ne saura d'ailleurs pas d'où vient cette rencontre, quand le film débute ils se connaissent déjà.

Par la suite, je trouve que le film se fait presque un peu trop classique. L'industriel quitte l'adolescent pour son travail. Il reste donc seul à Deauville et se fait des amis, mentant sur ses origines et sur sa situation, tombant amoureux fou d'une jeune femme, le film se change en un teen movie encore une fois très beau, et assez étrange (une scène suspendue dans une voiture de nuit, sublime) mais clairement ce qui nous intéresse c'est cette relation entre ces deux hommes, il faut attendre la dernière partie alors, très belle, très subtile pour y revenir. Mais toujours Gérard Blain ne révèlera rien, ne filmera cette relation que comme une relation d'amitié ou plus franchement une relation père/fils. Un long plan nous montre le visage de l'industriel regarder l'adolescent dormir, sur son visage l'effet Koulechov marche à fond. Qu'y lit-on ? L'émotion d'un père pour son fils qu'il trouve émouvant ? Le désir d'un homme pour un adolescent magnifique (l'acteur qui n'a rien fait d'autre que ce film est en effet très beau) ? La tristesse face à sa propre jeunesse qui s'est enfuie ?

J'ai absolument adoré ce doute, cette espèce d'espace interstitiel où se joue quelque chose que le film ne nous dit pas, c'est à la fois émouvant mais aussi profondément dérangeant parce que cette relation est basée sur le pouvoir, sur l'argent (il lui paiera des cours de comédie, l'adolescent désirant devenir acteur), sur un certain paternalisme qui ne peut pas être gratuit. Mais le film la met en scène comme telle, sans arrière pensée, sans regard de biais. Et la fin, tragique, très émouvante (magnifique façon de filmer les larmes comme chez Bresson) vient enfoncer le clou donnant au film des allures de conte initiatique.

Une excellente découverte. Hier soir j'étais un peu gêné par les non dits mais ce matin je comprends que c'est ce qui fait tout le sel du film, toute sa complexité. Envie d'en voir d'autres de lui et c'est clairement à redécouvrir.

5/6

Un autre avis intéressant sur DVDClassik (qui conlut bien plus que moi sur la nature de la relation entre les deux hommes) : https://www.dvdclassik.com/forum/viewtopic.php?t=29128

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CroqAnimement votre

Oui, excellent cinéaste (totalement oublié sauf sur La Loupe, sur laquelle au moins six de ses films ont été partagés), même si ses tout derniers pêchent un peu par manque de budget (surtout Jusqu'au bout de la nuit, qui faisait peine à voir).

Je les avais découverts en 2020 pendant la période COVID. De mémoire, j'avais beaucoup aimé Les Amis, Un enfant dans la foule et Pierre et Djemila. Mais tout est à voir.

[Il me semble qu'une sortie vidéo de ses films est en cours d'étude, grâce à son fils, Paul Blain.]

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Que lire cet hiver ?
Bien sûr, nous eûmes des orages, 168 pages, 14.00€ (Commander)
La Vie brève de Jan Palach, 192 pages, 16.50€ (Commander)

Un des meilleurs films français avec la petite musique de François De Roubaix.

Merde raté sur La Loupe, je vais essayer d'en récupérer d'autres, je note Un enfant dans la foule et Pierre et Djemila.

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CroqAnimement votre

Faudrait que je le revoie car la relation homosexuelle m’avait semblé évidente.

Mais franchement, tout est à voir. Même ses moins réussis. Il y a clairement une identité.

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Les guillemets dans le titre, c'est parlant déjà.

Oui je les avais pas mis au début mais visiblement ils font partie intégrante du titre.

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CroqAnimement votre

A savoir que Blain était parait-il très homophobe (pas vu le film).

Oui j'ai appris que le mec était en fait assez réac, défini comme "anarchiste de droite", ça m'a surpris.



Honnêtement rien ne le laisse vraiment supposer. Une scène à la plage au début un peu douteuse (l'ado fait une clé de bras à l'industriel) mais traitée comme un jeu.

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CroqAnimement votre

Je vois que c'est mentionné d'office sur sa page wikipédia, qui cite l'autobiographie de Jean-Claude Brialy, laquelle mentionne un viol dont il aurait été victime. Un réalisateur homophobe dont les films les meilleurs (ces "Amis" qui racontent une histoire de grooming et Un Enfant dans la foule) sont classés lgbt/queer, avouez que c'est marrant.

Ces deux ambivalance, politique et sexuelle, sont aussi centrales dans les duos avec Brialy des personnages qu'il joue dans les premiers Chabrol.

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Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ?
- Ce sont des fromages. On me les envoie de Calabre.

Jean-Paul Sartre