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 Sujet du message: Illicit (Archie Mayo, 1931)
MessagePosté: 13 Avr 2015, 13:50 
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Après le divorce de ses parents, Anne ne croit pas au mariage et refuse fermement de se marier avec son amant. Pourtant, la jeune femme, follement amoureuse, finit par céder. Mais lorsque l'union est célébrée, la routine et l'usure font leurs apparitions... [Allociné]

Premier rôle principal de Barbara Stanwyck, "Illicit" donne le sentiment de devoir être un bon digest de ce qu'on labellise aujourd'hui le pré-code (qui sert d'ailleurs à en tête de la collection warner qui édite le film) : adultères et couples illégitimes en pagaille, lingerie, picole et clops à gogo dans les hautes sphères... Mais au-delà du film de moeurs aguicheur, on s'aperçoit que le propos sur le couple proposé reste au finish assez convenu sans même émouvoir, et surtout, la mise en scène se révèle comme interdite dans un dispositif de "théâtre filmé" d'une grande platitude, où j'ai du m'y prendre à deux fois pour finir les 80 minutes. Je ne sais pas si on peut dire que c'est symptomatique du début du parlant, mais le récit (une pièce jamais montée) semble à peine adapté, rythmé et chapitré à coups d'inserts sur des articles du type "gotha". Sans Stanwyck, qui illumine encore l'ensemble, je me demande si je me serais donné la peine d'ailleurs d'aller au bout à part le côté sociologique / historique. Et les deux "stars" masculines, James Rennie et Ricardo Cortze sont d'une fâdeur qui n'aide pas. C'est la première fois que j'approche de l'éclectique Archie Mayo, ça fait quand même un peu peur.


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MessagePosté: 13 Avr 2015, 13:56 
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Mr Chow a écrit:
la mise en scène se révèle comme interdite dans un dispositif de "théâtre filmé" d'une grande platitude, où j'ai du m'y prendre à deux fois pour finir les 80 minutes. Je ne sais pas si on peut dire que c'est symptomatique du début du parlant, mais le récit (une pièce jamais montée) semble à peine adapté, rythmé et chapitré à coups d'inserts sur des articles du type "gotha".

Si, c'est clairement une tare de la période. A cause des problèmes lié à la prise de son, mais aussi parce qu'on s'est mis à adapter des pièces de théâtre à tout va sans trop réfléchir... Les cinéphiles américains adorent le pré-code parce qu'ils y re-découvrent avec fierté un hollywood subversif, mais je trouve que ça pèse pas des masses face au déficit artistique qui caractérise la mouvance (je parle des films estampillés pré-code dans l'esprit, qui appartiennent à cette "mode", car pour le reste beaucoup de cinéastes font déjà leurs armes de manière tout à fait convaincante dans ce laps de temps).

Mr Chow a écrit:
Mais au-delà du film de moeurs aguicheur, on s'aperçoit que le propos sur le couple proposé reste au finish assez convenu

Je trouve aussi. Les cahiers, dans leur grand dossier sur le pré-code il y a quelques mois, avaient essayé de relativiser la chose, de montrer que c'est pas si simple, mais bon... Il y a des femmes fortes, certes. Mais j'ai un peu l'impression qu'elles n'ont pas d'autre destin possibles que d'être rachetées ou détruites (me souviens d'un film de la période où une prostituée, au moment où elle acceptait d'épouser son soldat éperdu lors d'un raid londonien, se prenant littéralement un missile sur la gueule comme punition).


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MessagePosté: 13 Avr 2015, 14:38 
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Tom a écrit:
Mr Chow a écrit:
la mise en scène se révèle comme interdite dans un dispositif de "théâtre filmé" d'une grande platitude, où j'ai du m'y prendre à deux fois pour finir les 80 minutes. Je ne sais pas si on peut dire que c'est symptomatique du début du parlant, mais le récit (une pièce jamais montée) semble à peine adapté, rythmé et chapitré à coups d'inserts sur des articles du type "gotha".

Si, c'est clairement une tare de la période. A cause des problèmes lié à la prise de son, mais aussi parce qu'on s'est mis à adapter des pièces de théâtre à tout va sans trop réfléchir... Les cinéphiles américains adorent le pré-code parce qu'ils y re-découvrent avec fierté un hollywood subversif, mais je trouve que ça pèse pas des masses face au déficit artistique qui caractérise la mouvance (je parle des films estampillés pré-code dans l'esprit, qui appartiennent à cette "mode", car pour le reste beaucoup de cinéastes font déjà leurs armes de manière tout à fait convaincante dans ce laps de temps).


Reste aussi que je me demande si ce n'est pas la nature "théâtrale" (pour ne pas dire de boulevard) de ces adaptations à tout va du début du parlant comme tu dis, qui amèneraient aussi ces éléments plus aguicheurs sur le plan des moeurs. C'est vrai qu'on peut fabriquer un micro-genre à posteriori sur des films très différents, qui n'ont que pour dénominateur commun d'avoir juste précédé ce code de censure. Mais d'une manière plus large, Illicit est sans doute surtout une mauvaise comédie "du remariage", orientée à scandale chez la jet set et exploitant un pseudo-féminisme d'apparence pour sa star, mais qui ne se retrouve jamais impliqué dans sa mise en scène... Et aujourd'hui que ces codes de censures sont passés (enfin reste ce que la MPAA tolère pour avoir un PG13 ou R ou NC-17) il faut bien avouer qu'on voit encore beaucoup de comédies tapageuses confrontées, plus brutalement que d'autres encore, à leur conformisme final (le débat de la morale dans les prods Appatow and co).


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MessagePosté: 13 Avr 2015, 20:03 
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Bon, j'avais fait des recherches once upon a time là-dessus pour mes cours, donc désolé d'avance si ça fait digest...


Mr Chow a écrit:
Reste aussi que je me demande si ce n'est pas la nature "théâtrale" (pour ne pas dire de boulevard) de ces adaptations à tout va du début du parlant comme tu dis, qui amèneraient aussi ces éléments plus aguicheurs sur le plan des moeurs.

Je ne sais pas. Ce qui est sûr c'est que, dans l'urgence de produire du contenu pour les cinémas parlants tous neufs, on adapte des pièces de théâtre, on importe des comédiens de théâtre, et on engage des metteurs en scènes de théâtre (qui n'entendent pas grand chose à la mise en scène de cinéma). Ce qui explique en partie la forme des films. Mais est-ce que les mœurs subversives arrivent avec... Aucune idée, je ne connais pas du tout la nature du théâtre de l'époque.

Je doute quand même que cela ne tienne qu'à l'origine théâtrale. Quitte à encore partir dans des débats qu'on aura la flemme de poursuive :mrgreen:, je pense qu'avec le parlant, c'est d'abord un équilibre esthétique qui se brise. Si on considère le cinéma classique hollywoodien qui se bâtissait alors depuis 15 ans comme un équilibre trouvé entre le réalisme et l'idée (déformer assez le monde pour qu'il fasse sens, mais pas assez pour qu'on y croie plus), on comprend que le parlant et sa concrétude viennent casser quelque chose, pencher trop brutalement la balance d'un côté.

Car au-delà de la sexualité, ce qui est frappant dans les premiers films du précode c'est surtout leur trivialité (celle des enjeux, des préoccupations, mais aussi du ton, de la forme). Les chefs-d’œuvre de la fin du muet baignaient dans une abstraction majestueuse de fable, de conte, de mythe (deux humains à l'unisson avec les éléments, etc). Dans certains films précode il y a un truc beaucoup plus pragmatique, jusque dans la gestuelle bien moins chorégraphiée (on se bouscule, on se touche, le corps existe), et en nommant les choses directement on passe de l'abstrait au littéral. C'est d'ailleurs ça qu'interdit le code en grande partie : le littéral. Des images et des mots. Si on veut être un peu provocateur, on pourrait dire que le code a été salvateur, en ramenant de force un certain degré d'abstraction dans le cinéma hollywoodien, reprenant l'art du cinéma classique là où on l'avait abandonné à la fin des années 20.

Autre chose pour expliquer les mœurs volages : le code est écrit et connu dès 1930, et on sait qu'il va finir par être appliqué. Le précode est en fait avant tout la période de conscience de transgression d'un interdit, donc ça joue peut-être aussi sur ce ton particulier, de défoulement avant le couperet.

Mr Chow a écrit:
C'est vrai qu'on peut fabriquer un micro-genre à posteriori sur des films très différents, qui n'ont que pour dénominateur commun d'avoir juste précédé ce code de censure. Mais d'une manière plus large, Illicit est sans doute surtout une mauvaise comédie "du remariage", orientée à scandale chez la jet set et exploitant un pseudo-féminisme d'apparence pour sa star, mais qui ne se retrouve jamais impliqué dans sa mise en scène...

Je trouve quand même qu'il y a un truc assez visible qui parcourt les films, et qui tient aussi pour beaucoup dans le cynisme et la désillusion qui suit la crise de 29, ou dans l'impression d'un arrière-monde vicié et criminel lié aux dernières années de la prohibition. Tout cela (parlant en 27, crise en 29, code en 30, fin de la prohibition en 33, application du code en 34) crée une période extrêmement cohérente, avec quand même des manies, des motifs, et des figures types (la femme en position dominante, le businessman avare, le gangster mi-héroïsé, la foule furieuse...) qui dépassent la piètre qualité artistique d'une partie de la production.

Je le pense pas comme un genre non plus, plutôt comme l'occasion d'une série de genres spécifiques, ou en tout cas particulièrement en forme durant cette période. Le film de prison ou le film de gangster sont quand même assez franchement délimités à ces 4 années. Le film d'horreur, sous cette forme précise également.

Pour Illicit, vu ce que tu en décris, je me demande s'il ne rentre pas dans la mouvance des "sex films", genre très commenté outre-atlantique (de mes souvenirs un peu lointains de recherche sur la question, en tout cas), mais dont je n'ai jamais réussi à bien piger les contours (n'en ayant quasiment pas vu). Ça tiendrait à des films sur des femmes libérées mais du coup en partie mauvaises, avec quelques jambes dénudées ou avec bas visibles, et dont le sujet tourne autour de la séduction et/ou d'adultère.

Ça me pose d'ailleurs pas mal problèmes dans mon topic de rangement, là...


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MessagePosté: 14 Avr 2015, 08:08 
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Tom a écrit:
Autre chose pour expliquer les mœurs volages : le code est écrit et connu dès 1930, et on sait qu'il va finir par être appliqué. Le précode est en fait avant tout la période de conscience de transgression d'un interdit, donc ça joue peut-être aussi sur ce ton particulier, de défoulement avant le couperet.


Ah oui c'est une donnée sur laquelle je ne m'étais pas penché et ça change tout effectivement

Tom a écrit:
Pour Illicit, vu ce que tu en décris, je me demande s'il ne rentre pas dans la mouvance des "sex films", genre très commenté outre-atlantique (de mes souvenirs un peu lointains de recherche sur la question, en tout cas), mais dont je n'ai jamais réussi à bien piger les contours (n'en ayant quasiment pas vu). Ça tiendrait à des films sur des femmes libérées mais du coup en partie mauvaises, avec quelques jambes dénudées ou avec bas visibles, et dont le sujet tourne autour de la séduction et/ou d'adultère.

Ça me pose d'ailleurs pas mal problèmes dans mon topic de rangement, là...


Il y a un peu de ça, le teasing de la séduction contre l'ennui, de la libéralisation par l'adultère, est exploité à l'écran mais vain au final. Par contre l'héroïne n'est pas mauvaise, elle cherche au fond à avoir une relation amoureuse assez simple en dehors de tout impératif social, et l'adultère vient en premier de l'homme, pas d'elle. La crainte du mariage et de ses conséquences semble même dans un premier temps pour l'héroïne se vérifier totalement (on reste en prime facilement de son côté au vu du personnage de son et de l'acteur médiocre qui l'interprête)... ensuite le film s'arrange progressivement pour que tout rentre dans l'ordre.

Ce que tu écris est très instructif et il faudra que j'en voie plus de la période, même si ça passe par quelques navets. Je ne suis pas trop sur le polar et l'horreur qui transgressent par nature, censure ou pas, c'est vrai que la comédie m'intéressait plus ici, pour voir justement si la transgression peut aller dans ce contexte plus léger.


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MessagePosté: 14 Avr 2015, 09:37 
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Mr Chow a écrit:
Ah oui c'est une donnée sur laquelle je ne m'étais pas penché et ça change tout effectivement

Quoiqu'à la réflexion, faudrait que je vérifie concrètement si on "croit" qu'il va être appliqué ou pas, je dis peut-être une connerie. Il est connu de tout le monde, le bureau échange au quotidien avec les prods et fait des rapports irrités et fatigués sur tous les films... Est-ce qu'ils savent vraiment que ça va finir par devenir obligatoire ? C'est peut être pas si évident. Faudrait dégoter ça dans les correspondances.

Tom a écrit:
il faudra que j'en voie plus de la période, même si ça passe par quelques navets.

C'est un peu ce qui me démotive aussi (ce que je t'ai écris là est très théorique, j'en ai peu vu), même si on peut regarder ça avec un oeil froid d'historien, mais bon... Les cahiers mettaient quelques titres de films en avant dans leur bilan, qu'ils piochaient dans la collection du DVD que tu as mis justement, si je retrouve le numéro je te les copie.

Tom a écrit:
Je ne suis pas trop sur le polar et l'horreur qui transgressent par nature, censure ou pas, c'est vrai que la comédie m'intéressait plus ici, pour voir justement si la transgression peut aller dans ce contexte plus léger.

Pour le film d'horreur, là encore, peut-être une connerie : en remplissant mon topic exploration (comme quoi ça sert finalement !), je me rends compte avec les topics de bliss qu'il y en a, des films d'horreur, entre 34 et les premiers Lewton (alors que j'avais l'impression d'un quasi-vide).


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