Forum de FilmDeCulte

Affiche qui n'a rien à voir avec le film et qui montre bien qu'ils savaient pas du tout comment le vendre.

Guiraudie change de braquet avec ce film et décide de quitter son univers rural pour un film urbain en forme de vaudeville avec ses histoires de coucheries et de mari jaloux sur fond d'attentat terroriste. Bon on va pas y aller par quatre chemins on frôle la catastrophe. La comédie est affreusement sinistre où le principal ressort comique c'est Lvovsky qui crie quand elle baise et tout le rapport à l'actualité, à la France des attentats islamistes, le film ne le traite pas vraiment et en fait une vague toile de fond. Le film part peu à peu dans tous les sens dans son récit pas du tout tenu et qui avance à vue mais toujours dans cette ambiance de comédie de boomer ringarde et sinistre. Visuellement je me demande comment on peut passer de L'inconnu du lac à ça, c'est moche, c'est platement filmé, tout étriqué.

Alors le film évite la catastrophe absolue en nous surprenant soudain avec l'habituelle douceur grivoise du réalisateur quand les personnages tombent tous amoureux les uns des autres (sans que ça n'ait grand sens) et dans cette vision de ces voisins évidemment d'abord vus comme des racistes bas du front mais qui vont s'avérer plus complexes et plus surprenants dans leurs réactions (notamment le typique "beauf" dont l'inclinaison vers la violence est plus forte que la xénophobie).

Cependant le film est un peu lâche dans son sujet, les attentats sont islamistes mais en fait non, ils ont pas dit "Allah Akhbar" et le personnage du jeune maghrébin est à peine esquissé avec une homosexualité sortie de nulle part. Bon et je ne parle pas d'une scène de rêve embarrassante de nullité où le personnage voit des islamistes partout dans son appart. Dans le rôle principal, Jean-Charles Clichet, le Vincent Macaigne du pauvre trimballe sa nonchalance droopyesque un peu à l'image du film, sans entrain et sans joie.

Bref pas grand chose à sauver de ce projet ringard qui sent bon le boomer faussement libéré. Ca m'a fait penser à du Larrieu dans ce genre de comédie grivoise toute vieillotte. A moins d'avoir envie de voir Noémie Lvovsky se faire bouffer la chatte trois ou quatre fois aucun intérêt et gros ratage de Guiraudie.

2/6 gentil

_________________
CroqAnimement votre

Effectivement les attentats ne sont pas le sujet mais le révélateur des ressorts profonds de la société qui vont se faire jour. A plusieurs reprise tu parles de ringardise, sans que je sache si je l'interprète correctement (et parce que j'ai vu le même reproche être fait par ailleurs), j'imagine que cela concerne l'imagerie utilisée par Guiraudie pour représenter cette France blanche de province, qui semble parfois toute droit sortie d'un film des années 80 (le pute au grand cœur, le raciste de base, l'immigré intégré). Mais c'est le but, en la représentant ainsi il se représente lui et sa génération, c'est la France qui a connu la libération sexuelle des années 60-70, qui s'est auto-convaincu de sa très grande ouverture d'esprit et se retrouve face à ses contradictions aux moments des attentats. Parce qu'on a beau faire preuve de la plus grande ouverture d'esprit possible, militer pour l'accueil des populations immigrées, être pour l'amour de son prochain quelles que soient sa couleur de peau, black-blanc-beur touche pas à mon pote et tout le toutim, une fois que 2/3 illuminés d'Allah ont fait péter leur bombe le prochain arabe que l'on croise avec un air un peu louche, la première bande de mecs arabes/noirs casquettes/jogging (pire s'ils remontent l'une des deux jambes du pantalon sur leur tibia), on va tout de même avoir un court instant de flip.

Je ne vois personnellement aucune ringardise dans tout cela, mais une manière de jouer et de pervertir les clichés, de tous bords. Parce que le film n'est au final que cela, il n'y a pas une seule situation ni aucun personnage qui n'aient d'autre but que de saper nos convictions. Personne n'est là où on l'attend véritablement (la bande de jeunes à cagoule, le vieux qui a récupéré la savonnette de shit, l'arabe intégré qui à l'inverse de ce qu'il avance offre une burqa à sa femme, le flic qui plutôt que de poursuivre le proxénète s'assure que personne n'importune sa prostituée de voisine etc etc). Et le choix du vaudeville me semble en parfaite adéquation avec le fond, pour mieux accentuer le ridicule de l'ensemble. On adhère ou pas, en tout cas le film est loin d'être une catastrophe à mes yeux, et je n'ai pas non plus trouvé que les seuls moments comiques se circonscrivaient aux seuls hurlements de plaisirs de Lvovsky (d'ailleurs petit aparté, heureusement qu'il y a des Guiraudie pour nous rappeler que les quinqua - ou plus - ont aussi le droit de baiser et de prendre du plaisir, et tant pis pour les pisse-froid à qui la gueule de Lvovsky ne revient pas). Le film me semble au contraire parsemé de touches comiques bien senties (le vieux à l'accueil avec sa stagiaire de 3ème que rien n'émeut, Clichet qui passe tout le film à faire son footing - pour moi c'est une révélation à la hauteur de celle de Bonnard dans Rester Vertical -, allez oui on peut faire la fine bouche sur le perso de Doria Tillier). Sans soucis l'un des tous meilleurs vus depuis le début de l'année.

Encore heureux que les personnages ne sont pas ce qu'on attend d'eux, c'est la base et évidemment que Guiraudie allait pas faire un vaudeville basique "ciel mon mari", c'est la moindre des choses. Tout ce que tu dis est vrai mais c'est purement théorique, ça n'en fait absolument pas un bon film. Tout simpelemnt parce que la mise ne scène de Guiraudie est très faible, parce que son récit n'a aucun intérêt et surtout, surtout, parce que sa comédie n'est absolument jamais drôle. C'est ça qui est ringard, cet humour poussiéreux et embarassant en permanence. A part pour le public Télérama qui rigole pour un rien dès qu'il y a deux "T" sur la critique. Je retrouve dans ce que tu dis les mêmes discussions qu'on a pu avoir autour du Radu Jude. De vieux réalisateurs qui se croient pertinents et qui sont juste déjà dépassés.

_________________
CroqAnimement votre

Bien aimé pour ma part, mais encore une fois je ne comprends pas ta dernière réflexion, Art Core. En quoi les réflexions d'Alain Guiraudie, Radu Jude, Yannick Vély seraient moins valables que celles d'artistes de 25 ans ? On vit dans le même monde, hein.

Et si les gens de plus de 50 ans rient au situation et pas un jeune de 25 ans, quel est le problème ?

Oui j'allais aussi dire que ça frisait l'anti-âgisme
"Dépassé" par quoi?

Pour le coup, dans la salle du MK2 Bastille où je l'ai vu (copieusement garnie et avec un spectre large en terme d'âges), le public était très réactif et pas seulement les vieux. Et en parcourant rapidement Twitter, les retour sont globalement (très) positifs, le seul négatif qui fait tâche c'est celui d'Art Core . Mais finalement je me suis dit que c'était dans l'ordre des choses, Il n'a pas aimé France, ni le dernier Radu Jude, pas plus celui-ci, et ils ont un point commun : ils sont profondément politique et ils ne cherchent pas à brosser le spectateur dans le sens du poil. Il serait dans l'ordre des choses que Le Genou d'Ahed subisse le même sort.

Je ne juge pas leur âge, je m'en fiche royalement, je juge cette approche prétendument comique par rapport à l'époque. Et cette approche est catastrophique de ringardise pas drôle, c'est tout. Là dans Viens je t'emmène, il y a un gag pathétique où on apprend à un moment que les terroristes ne criaient pas "Allah Akhbar" mais "Allez Omar". Fin de la blague.

_________________
CroqAnimement votre

Ah oui sympa l'image que tu as de moi . Et non plein de gens très respectables n'aiment pas le film, notamment l'excellent Marin Gérard : https://www.critikat.com/actualite-cine ... e-temmene/ (sans parler de Jericho la légende avec lequel je suis pourtant rarement d'accord).

_________________
CroqAnimement votre

Qui cite comme meilleur scène du film celle que tu estimes être la pire

Sinon Marin a déjà écrit de bien meilleures critiques. A mon tour de dégainer, celle de l'excellente revue Débordement : https://www.debordements.fr/Viens-je-t-emmene-Alain-Guiraudie

Et je recommande le très bel entretien de Hors Série (mais c'est payant) : https://www.hors-serie.net/Dans-Le-Film/2022-03-05/Viens-je-t-emmene-id487

Texte très moyen qui encore une fois ne parle que théorie, ne parle pas cinéma ou bien trop peu. Puis finir sur une comparaison avec Tati et Jerry Lewis il faut quand même oser. La France et la politique des auteurs c'est quelque chose quand même.

Sinon tiens oublier de préciser et le texte me le rappelle, le film fait pour moi une faute assez impardonnable quand il montre le personnage de Méderic regarder des vidéos de l'état islamiste ou un homme se fait jeter d'un toit.

_________________
CroqAnimement votre

Tu sais quoi ? C'est arrivé plein de fois en vrai. Pas Allez Omar, mais quelque chose de différent (je me souviens d'un Allez l'om d'une voiture qui a mangé une terrasse sans faire exprès bien sûr)

Oui mais là c'est traité comme un gag, annoncé par BFM TV, trois jours après les faits. Mais plus largement Guiraudie ne sais du tout quoi en faire de cet attentat, c'est un point de départ qui finit par le gêner plus qu'autre chose alors il est dans l'esquive.

_________________
CroqAnimement votre

Je trouve au contraire le rapprochement avec Tati plutôt bien senti. Il y a une vraie dimension burlesque dans le film, le rapport au corps de Mederic en particulier, dans ses moments de filatures (autour de la maison de Lvovsky, lorsqu’il va épier les jeunes en banlieue), et le moment où il disparaît suite à l’intrusion du policier pour réapparaître dans une énième séance de footing, c’est identique au moment où Sellers de retrouve à l’autre bout de la piscine après avoir tirer une fléchette en plastique dans la tête du cow-boy dans The Party.