Il ne faut pas grand-chose pour apprécier ce film à mon humble avis, si ce n’est accepter de prendre le temps de découvrir ses deux personnages, l’amitié qui les lie et (est peut-être aussi) ce qui les séparent, les différences qu’elles se découvrent, leurs perceptions de la morale. J’ai pris un énorme plaisir devant « 4 aventures de Reinette et Mirabelle », un film très charmant et attendrissant.
À vrai dire, des deux jeunes filles, c’est davantage Reinette qui porte l’intégralité du long-métrage, le personnage de Mirabelle semble être surtout présent afin d’extraire toute l’innocence, les comportements, la morale et les pensées de Reinette. Une claire opposition se dégage entre la villageoise Reinette et la citadine Mirabelle, les codes moraux divergeant, les perceptions qui changent, due évidemment au contexte de la ville. On ne peut qu’avoir une grande tendresse pour cette petite campagnarde avec son caractère et ses valeurs bien affirmées, sa gentillesse naturelle, majoritairement pétillante de vie, confrontée à la réalité de ce qui l’entoure, dans ce Paris bruyant allant à toute vitesse.
Divisé en 4 parties, seule la première se situe à la campagne, on a donc beaucoup moins le décalage de Mirabelle par rapport à son l’environnement de citadine. Cette première partie intitulé « L’heure Bleue » n’est – en réalité – que pour introduire Reinette dans sa vie rurale. Le film travaille la notion de perception du temps suivant l’environnement, qu’il soit rural ou citadin. Le temps et l’apaisement permet de profiter de moment de grâce, à l’instar de cette minute, juste avant l’aube, ou la nature se fait silencieuse : « L’heure bleue », cette minute, à l’aube du jour, ou le silence total envahit la nature. Cette minute extraordinaire, si précieuse qu’elle paraît être une heure, entière. Prendre le temps, celui que la nature impose. Le temps des citadins est celui que l’homme s’impose. Il impose la rapidité par ses propres structures productives et commerciales. Le temps passe aussi vite qu’il éreinte, la magie s’esquinte sur l’ennui dans un espace qui file au galop. C’est bien de cet antagonisme dont il est question, cette « confrontation » sur la justice et la morale entre Reinette et Mirabelle, après que la citadine Mirabelle aida une voleuse à l’étalage. Les structures et l’environnement modulent les comportements, la vision de la morale, les solutions apportés.
C’est toujours d’actualité cette incompréhension mutuelle de deux mondes qui ne vivent pas au même rythme
Des discussions sur la justice, sur l'art, la "vérité" le silence et l'expression. Des vrais moments de dialogues à savourer.
Le temps, tout comme les films de Rohmer, ce temps qu’il faut prendre pour savourer ces petites choses qui rendent la vie pleine de gaieté. C’est cette gaieté innocente que l’on observe découvrir un Paris en pleine ébullition. Tout ceci est d’un grand charme, le regard porté est très bienveillant et on suit avec bonheur, les joies et déconvenues de la jeune Reinette.
Ma partie favorite est "Le Mendiant, la Kleptomane et l'Arnaqueuse" sur le talion et l'origine du mal. L'enjeu est de comprendre pourquoi Reinette (la campagnarde) défend le talion et s'oppose à Mirabelle (la citadine) qui conçoit par justice par la recherche de l'origine du mal. Pour Reinette, il faut être un miroir pour les gens, afin de les aider "Le but est qu'ils ne recommencent plus". Le caractère pur et absolu de la justice de Reinette est absolu car non confronté en pratique dans son environnement rural. Elle ne conçoit donc pas qu'ils puissent être remis en question. Dans la séquence qui suit la discussion avec Mirabelle, Reinette se confronte à la réalité dans le métro. Une femme l'aborde et lui demande 6FR pour rejoindre un endroit, Reinette, soucieuse de venir en aide, lui donne. N'ayant plus de monnaie, elle tente ensuite de demander aux passants, mais sans succès, jusqu'à ce qu'un loubard lui prenne sa pièce et s'enfuie. Ensuite, elle confronte la femme qui tente d'abuser une autre personne avec la même histoire pour obtenir de l'argent. Finalement, la personne donne l'argent malgré tout, relativisant. En partant, dit à Reinette "Mais vous n'êtes pas de la police". Ensuite, Reinette demande à la femme de lui rendre son argent, non pour l'argent, mais pour le principe, arguant l'abus de confiance, qu'elle va recommencer ensuite. La femme se met à pleurer, Reinette, gêné, fini par ne lui demander qu'un 1FR pour qu'elle puisse prendre le métro. Elle vient de rompre avec ses principes et son absolutisme, confronté à l'origine du mal.
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