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 Sujet du message: Comrades (Bill Douglas - 1986)
MessagePosté: 30 Aoû 2014, 18:21 
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Grande-Bretagne, Dorset, 1834. George Loveless et ses amis, laboureurs à Tolpuddle, sont exploités par les propriétaires terriens, avec la complicité du clergé. Ils s’organisent pour revendiquer des hausses de salaires, et fondent une Amicale secrète...


Mais on pourrait tout aussi bien faire un autre résumé, tant cette intrigue sociale est réfractée de mille façons, comme à travers un prisme qui en ferait résonner toutes les approches possibles, créant autant de pistes et de films dans le film. S'il fait le tableau d'un XIXè siècle de misère, si sa reconstitution fidèle aligne les détails crades et les trognes ravagées, Bill Douglas est aussi ce cinéaste qui ouvre son film par les déambulations d'un montreur d'ombres : illusion, étrangeté, magie, onirisme, sont en fait les principales saveurs qui restent en bouche.

Le film se présente presque comme une charade, très elliptique : bout de scène dont on nous charge de deviner le début ou la fin, un dialogue par-ci, un visage par-là, une chanson qu'on entonne, un paysage... Comme un grand puzzle. Ce n'est pas spécialement appuyé ou mis en avant (comme on le dirait d'un film dont ce serait le parti-pris formel "officiel"), ça tient plutôt de la tendance. Ce mille-feuille se fait sans doute un peu plus linéaire dans la deuxième partie (alors que c'est paradoxalement le moment où les héros sont séparés), mais le changement de décor crée aussi une grande respiration inattendue et bienvenue. Cette façon de sauter d'une scène courte à une autre, comme on tournerait les pages d'un livre d'images, pose parfois quelques difficultés de compréhension, mais permet aussi de ne pas voir le temps passer, et de ne pas s'ennuyer une seconde sur les trois heures.

On peut regretter que le film se termine focalisé sur son propos politique, quand tout ce qui précède n'a consisté qu'à le transcender de toutes les façons possibles. Plus qu'un plaidoyer égalitaire, le mille-feuille du film est surtout l'occasion de montrer les innombrables facettes des rapports humains : de la camaraderie, de l'amitié, de l'amour, même du désir. Toujours autour des questions de rapports de domination, certes, mais c'est je trouve la grande force du film, ainsi que sa dimension "poétique", d'être inrésumable à ce qui fait son pitch.


Voilà, courez-y, c'est souvent inattendu, étrange - souvent beau aussi, les visages particulièrement, tant les personnages sont filmés avec une belle attention... Pour ceux qui n'ont pas peur des trois heures, c'est clairement l'une des découvertes de l'année à ne pas rater (et la meilleure antidote possible au dernier film de Ken Loach).


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MessagePosté: 30 Aoû 2014, 18:36 
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Et chez Chro (pour changer), une petite phrase qui résume tout à fait ce qui fait la singularité et la beauté frappante du film, et ce qui en fait un film profondément politique sans jamais le laisser sentir :

Raphaël Nieuwjaer a écrit:
Le labeur et la misère n'étouffent pas la richesse sensible du monde, qui jaillit partout, s'éprouvant autant dans les spectacles visuels que lors d'une promenade à la campagne, un chant partagé ou, durant le travail même, par la vision des cieux mordorés suspendus au-dessus d'un champs de cailloux. Une révolution a déjà lieu dans l'affirmation de cette multitude de sensations, de gestes, d'expériences qui trament une nouvelle réalité où tout un chacun peut se constituer un corps qui ne soit plus uniquement fait pour subir la domination.


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MessagePosté: 30 Aoû 2014, 19:15 
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Localisation: In the Oniric Quest of the Unknown Kadath
Oui faut que je me bouge pour y aller.

EDIT : vu le nombre de séances qui restent sur Paris c'est pas gagné :(

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CroqAnimement votre


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MessagePosté: 02 Sep 2014, 11:10 
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Ça repasse à la Clef (tous les jours), et à l'Entrepot et au Louxor (certains jours) la semaine prochaine. Allez-y !


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MessagePosté: 02 Sep 2014, 11:36 
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Faut que je réussisse à me bouger. D'autant que j'avais beaucoup aimé sa trilogie ressortie l'année dernière aussi. Je sais pas si tu l'as vu Tom
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Une sorte d'enfance nue en plus poétique tourné avec trois fois rien


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MessagePosté: 02 Sep 2014, 11:48 
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Non justement, j'avais eu la flemme vu de loin (je l'ai toujours un peu d'ailleurs) !


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MessagePosté: 06 Déc 2020, 09:23 
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Je crois que je craignais, au vu du résumé, à un truc tendant vers du sous Ken Loach bien vermillon. Et si le film a quelques moments pas très fins (le curé qui picole en douce, le gardien du bagne qui se fait sucer par son chien), il est très réussi et dépasse largement le propos politique pour trouver son équilibre en abordant sans prétention les aspects quotidiens et métaphysiques de la vie, rien de moins.

Sur la forme, c'est effectivement assez déconcertant, l’enchaînement des scènes ne nous permettant jamais réellement de nous fixer sur des personnages, de les cerner complètement ni de mesurer totalement les enjeux ou la temporalité, mais le procédé est finalement efficace avec cette déconstruction qui permet de garder beaucoup de moments en mémoire, tel des instantanés de la vie. Je ne sais pas si j'ai trouvé la forme « belle » immédiatement, mais en tout cas j'ai été cueilli car les 3 heures sont passées très vite (bon je mentirais si je disais que je n'ai ressenti aucune longueur mais globalement c'est très digeste).

Au final, ce qui pourrait passer pour de l'indolence et une certaine forme d'art brut m'a beaucoup fait penser au cinéma japonais, à du Kawase ou du Kore-eda par exemple, dans cette manière simple, mais en fait pleine de maîtrise et de sensibilité, d'aborder le sens de la vie et des relations humaines.

D'ailleurs je parle d'art brut mais le signe qui ne trompe pas est la présence, en fil rouge, des fonctions de l'image et de la narration (le conteur avec sa lanterne magiques, les jeux d'ombres, le photographe), véritable ode au pouvoir de la représentation et à la force de la circulation des idées.

Une belle découverte.


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