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MessagePosté: 13 Avr 2014, 23:33 
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Sürü en VO. Si j'ai bien suivi :
Yılmaz Güney = scénarise et donne ses directives de mise en scène depuis sa cellule de prison.
Zeki Ökten = tourne concrètement le film.

Image

Dans les steppes d'Anatolie, deux familles de bergers se livrent une sanglante vendetta depuis des décennies. Berivan, du clan Halilan, a été offerte comme épouse à un homme du clan Veysikan, pour officialiser une trêve. Mais elle est malade, et ses enfants meurent tous à la naissance. Soucieux de la protéger contre les attaques de son propre clan, son mari décide de partir pour Ankara...


Je retrouve toutes les qualités de Güney, c'est à dire un cinéma hyper-narratif, rapide, anti-décoratif et anti-exotique au possible, où chaque plan raconte quelque chose, où tout est "utilitaire". Ça donne un film narrativement très dense, ce qui se voit avec d'autant plus d'évidence que le film, qui va au plus efficace, est bien peu soigné (monté à la machette, post-synchronisé à la bûcheronne...).

Comme pour la plupart des cinémas "du sud" (tant est que ça puisse vouloir dire quelque chose : disons plutôt les cinémas ayant réellement émergé dans les années 60/70 dans des pays alors en développement), l'urgence du propos social ou politique a le visage d'un piège, tout prêt à sacrifier à sa cause récit et personnages, et à transformer le film en machine démonstrative. Les thèmes habituels sont là, lisibles : confrontation du monde rural traditionnel et de la grande cité moderne inégalitaire, le combat de quelques rares personnages éveillés contre les préceptes et superstitions des anciens, un certain dégoût pour la foule urbaine anonyme... Mais c'est plutôt bien géré ici, l'histoire passant par deux filtres qui lui donnent une direction plus universelle. Le western déjà, dès la première scène de confrontation Leonienne (d'où la sensation d'une terre encore archaïque, d'une nation encore en gestation, bouillonnante et dangereuse) et la tragédie grecque ensuite, qui préfère le fatalisme - et son mystère - au pathétique (la confrontation père-fils, la femme maudite qui tue tout autour d'elle, etc). Posée au milieu de ce grand chassé-croisé, l'énigme ambulante de ce personnage féminin muet joue le rôle de fil rouge salvateur, la pureté de sa trajectoire en chute libre redonnant régulièrement un sens au film qui se disperse parfois de manière assez bordélique.

Ça marche très bien dans la première partie, la meilleure, sans doute parce que les personnages sont isolés dans cet espace vide et abstrait de la steppe, ce qui fait que la dramaturgie s'y présente de manière très pure. Le deuxième tiers est plus décontenançant : elliptique et fragmentaire, au bord d'un train qui file à toute vitesse, il enchaîne les micro-situations en sautant sans cesse d'un wagon à l'autre, avec pour seule ligne continue la mort progressive des moutons. L'allégorie de toute une société turque (riches, pauvres, citadins, paysans, arnaqueurs, vendeurs, jeunes, putes...) entassée dans un train bordélique qui file à toute vitesse, est une image évidente et belle, mais si le passage intrigue (dans le bon sens : ça alerte), le brouillon désintéressé de la forme se fait ici plus problématique, le manque de précision affectant la qualité de la narration. La troisième partie enfin, plus classique, voit un peu la démonstration reprendre le dessus sur les personnages, et si Güney peint très bien la disparition (métaphorique et littérale) des représentants de l'ancien monde dans la grande ville, il faut vraiment s'accrocher au personnage féminin pour ne pas avoir l'impression d'avoir complètement basculé dans le film à thèse, arc-bouté sur son symbolisme.

Je continue à aimer la rage narrative de Güney, le côté entraînant et anti-chichiteux des films, son côté "droit au but" qui se joue aussi dans le tournage brut d'Ökten et dans le jeu affirmé de ses comédiens... Mais je trouve quand même Yol (du moins les souvenirs que j'en garde) franchement plus réussi.

Un extrait, plus tard, si j'ai la motiv.



Concernant le DVD : définition de l'image tout de même un peu molle, et les sous-titres, même anglais, sont une horreur, si certains d'entre vous veulent y tenter une excursion... Vaut mieux attendre une diff ciné, ou une éventuelle édition en France.


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MessagePosté: 14 Avr 2014, 17:38 
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Et comme promis, l'extrait douche froide !



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MessagePosté: 14 Avr 2014, 17:57 
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Tom a écrit:

Image



Concernant le DVD : définition de l'image tout de même un peu molle


MAIS NOOOOOON PAS DU TOUUUUUUT


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MessagePosté: 16 Avr 2014, 16:43 
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Oh tu sais, pour un éditeur à l'arrache venu de nulle part, c'est le haut du panier, là. Les films sont parfois réellement flous. Y a qu'à voir certains Bach Films ou FSF en France...


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MessagePosté: 20 Jan 2020, 08:32 
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https://www.lesinrocks.com/1996/04/17/c ... nema-turc/

Cet article sur le cinéma turc affirme sans précautions que Yilmaz Güney a bien commis le meurtre qui lui a valu d'être emprisonné en 1974.

Citation:
A ce moment-là, Güney était prisonnier de droit commun pour avoir dézingué un soir de 1974 un juge réactionnaire qui, invoquant les discours communautaires de Güney, l'avait prié de lui prêter sa femme ; propos que le maniaque de la gâchette qu'était le cinéaste ne lui laissa pas le temps de regretter. Personnage courageux et mégalo, devenu superstar en interprétant des centaines de rôles de paysans castagneurs au grand c'ur puis en réalisant des films de plus en plus ambitieux et engagés, Güney, moderne dans ses revendications et archaïque dans ses modes d'action, fait penser à ces personnages que l'on croise dans les aventures de Corto Maltese. De ce meurtre, personne à Cannes n'a soufflé mot, trop fier qu'on était d'exhiber son prisonnier politique. Güney n'a pas purgé les cent ans de peine auxquels il était condamné. En 1981, il s'enfuit de la cage dorée où il recevait amis et collaborateurs, dirigeait ses affaires et supervisait les films qu'il réalisait en sous-traitance, pour concourir au Festival avec ce fameux Yol qu'il n'avait qu'écrit et monté, réalisé en fait par Serif Gören. Dans la foulée, il tourne Le Mur, mais sa tête de Turc est passée de mode et le film fait un bide. Güney meurt d'un cancer un an plus tard, à Paris.


Wikipedia (qui n'existait pas quand l'article fut rédigé) en anglais ou français, évoque à peine cet épisode, en suggérant qu'il avait été victime d'un complot. Personne ne me répondra, mais si quelqu'un avait quelques éléments sources sur cette affaire...


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