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 Sujet du message: Félicité (Alain Gomis, 2017)
MessagePosté: 13 Mai 2017, 10:15 
Kinshasa, de nos jours. Félicité est une femme, dans la fin de trentaine d'années , qui chante dans les bars animés de la nuit kinoise. Son allure à la fois énergique, réservée et secrète tranche avec ce milieu coloré et nerveux, et lui confère un magnétisme paradoxal. Elle a un fils d'une quinzaine d'années qu'elle élève seul. Lorsque celui-ci est grièvement blessé dans un accident de moto, elle va devoir se battre avec ses armes afin de lui éviter le pire et payer les soins, dans un pays où il n'y a aucun filet de protection sociale. Dans le même temps, elle se rapproche de Tabu, l'homme à tout faire du quartier, à la fois maladroit, hâbleur et charismatique.
Le film est scandé par des interludes décrivant les rêves de Félicité, ainsi que des scènes de l'orchestre symphonique de Kinshasa répétant diverses pièces d'Arvo Pärt.


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Je ne connais pas le cinéma d'Alain Gomis, et ce que j'ai lu sur lui m'attirait, mais ce film est pour ma part, une déception. Même si certains aspects de Kinshasa sont bien rendus (la beauté du Lingala, langue souvent traitée avec dénigrement par les occidentaux, même familiers de la région), je trouve qu'il verse dpans un symbolisme condescendant qu'on a pu imputer à Orfeo Negro dans les années 1950.
Le film commet l'erreur (qui est aussi l'angle principal de David van Reybrouck dans son livre) de croire que l'on valorise le Congo et plus généralement l'Afrique en les traitant uniquement comme le réceptacle d'une culture, qui serait à la fois un folklore et le continuateur de notre la partie la plus aiguisée de la modernité occidentale maintenant en crise voire passée (le Congo est il est vrai très marqué par les combats politiques des années 1960, même Debord a écrit des textes intéressants sur les guerres post-indépendances), au détriment d'autres aspects, notamment le présent politique très conflictuel de Kinshasa, et du Congo, qui sont complètement évincés...alors que des gimmicks qui permettent de dater le film sont montrés, comme les fameux feux-rouge/robots gris argent.

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Le film est la projection d'un archétype culturel brechtien ("Mère Courage") sur l'Afrique. et on peut aussi penser à Flaubert à cause du titre (le perroquet est remplacé par un frigo éternellement en panne) : il s'agît bien de l'héroïsme d'un "coeur simple" et d'un éloge d'une abnégation secrète, le destin d'une vertu plus que d'un personnage. Mais hors de ces référence sj'ai trouvé que les personnages existaient peu. Il est un peu paradoxal de se contenter de suivre 3 personnes dans une ville de 12 millions d'habitants. Du coup comme spectateur, je me suis senti comme l'enfant du film (qui n'existe pas avant d'être blessé par ailleurs): d'abord un enjeu central, qu'il s'agît de sauver et de faire vivre, puis le spectateur silencieux, fragile mais un peu goguenard de la mini-intrigue amoureuse qui se noue sous ses yeux et n'a plus vraiment besoin de lui. A travers cet enfant, l'enjeu du film est avant tout de montrer la création de son propre public potentiel, sans embrayer ensuite sur une autre perspective.

Le film est beau mais formellement assez hétéroclite: un début à la frères Dardenne, quelque chose de Wenders dans la manière de filmer les musiciens (d'ailleurs sous-utilisés), de Bresson dans la circulation de l'argent comme synonyme de la faute originelle, une fin qui peut faire penser à du Pedro Costa, des aspects qui pourraient faire penser à Lino Brocka dans les scène savec le personnel hospitalier (pour ma part celles que j'ai trouvé les plus intéressantes, car l'hôpital à Kin est un lieu peu montré et d'une certaine façon immontrable, alors qu'ici on le sent accessible paradoxalement rassurant comme institution, mais avec un personnel monstrueux, complètement "adapté" au fantasme que l'on se fait du lieu et en jouant pour régner) , il manque d'unité, difficile de lui rattacher un regard.

Il ne s'agît d'ailleurs pas d'un film africain donc je compare des choses différentes, mais je suis plus intéressé par l'angle choisi par le tchadien Saleh Haroun ou Sissako pour filmer l'Afrique. Haroun joue plutôt avec les conventions internes au genre cinématographique (le polar, le film noir) pour élargir le récit, ou plutôt partir du conte pour arriver au récit alors que Gomis fait le trajet inverse. Le genre cinématographique confronte les personnages à une question universelle : accepter une dévalorisation individuelle (lié à l'aspect codé et prévisible de l'intrigue, qui n'aboutit d'ailleurs pas vraiment non plus) pour exister ensuite collectivement, en tentant d'annuler ou de surmonter cette diminution, la tension contrainte et incertaine vers le groupe permettant d'ajouter de l'imprévu sans lequel il n'y aurait pas de démocratie. Ici c'est l'inverse, le film s'enferme de plus en plus sur ses personnages et rejette le monde à l'extérieur. A jn moment Tabu se met à faire sortir le fils de son coma à coup de monologues claudeliend, ce qui est à la fois beau et ridicule. Kinshasa semble être ici un réservoir de psychologies intéressantes pour un avatar moderne du théâtre symboliste. Mais ce n'est pas cela, Kinshasa.

Par ailleurs le film prétend quand-même épuiser la psyché ou la vérité anthropologique de la ville, dans une scène douteuse de lynchage de voleurs de marché. Et on se prend à regretter la grandiloquence de la veine poétique qui semblait finalement plus réaliste que ce type de scène.

Apparemment le film a été très bien reçu par la presse européenne mais a bidé au Fespaco, tout en étant primé, ce qui n'est pas étonnant.

Je serai curieux de savoir s'il s'agit de la veine habituelle de Gomis. Le synopsis de ses films précédents semblait plus singulier, moins ken loachien.


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