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Film étrange et inconfortable, ce qui en soi est une qualité.

Dans la première partie, un prêtre danois de la fin du XIXe siècle entreprend un voyage en Islande pour y implanter une église. Le périple dangereux qu'il s'impose (et qu'il impose à toute une équipe) dans une nature hostile et magnifique est spectaculaire. Le rythme est certes lent mais chaque plan possède une sensualité captivante. Palmason se focalise avec un certain brio sur la classique dichotomie entre une nature indifférente et les hommes faibles qui l'arpentent tant bien que mal. Ce faisant il sème les indices de la moralité douteuse de son protagoniste.

La deuxième partie est plus contrastée. Un beau panoramique dépeint en un instant la vitalité et la richesse humaine d'une communauté qui s'éveille autour de l'église - belle idée de faire que les personnages investissent l'édifice encore en construction, ce qui permet à la fois de figurer cette idée de nouveau départ fragile et de tout simplement pouvoir saisir en un mouvement de caméra l'extérieur et l'intérieur de l'église.

Mais le côté complètement antipathique du prêtre et de son antagoniste islandais, un vieux rustre qui déteste les Danois, amènent le film sur des rails amers et violents qui rappellent There Will Be Blood. Et là Palmason me semble manquer cruellement de souffle et de hauteur de vue. Que faut-il comprendre de la corruption morale du prêtre? Son destin est tracé, nulle place au suspense. Palmason semble ensuite vouloir boucler la boucle avec le montage des saisons qui défilent, prétexte à nouveau à de beaux paysages, mais ils sont cette fois statiques... et creux.

Premier film vu à Cannes, je ne savais absolument rien du film en entrant dans la salle donc énorme surprise en découvrant que c'est totalement ma came, du voyage au bout du monde en mode survival léger, format carré de rigueur et mise en scène ample et posée. On pense évidemment à Aguirre (en beaucoup moins fiévreux). Cependant j'ai déchanté devant la deuxième partie où l'aventure fait place à la sédentarité. Et je me suis pas mal emmerdé dans cette histoire qui se referme un peu trop sur un conflit en apparence assez minuscule et d'une lenteur rédhibitoire. Heureusement les derniers plans sublimes m'ont totalement enchantés et résume bien le projet même si oui il y a un côté clairement pictural gratos. Mais c'est un film que je conseillerai quand même, il y a un désir de grand cinéma indéniable.

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