Bon, j'avais fait des recherches once upon a time là-dessus pour mes cours, donc désolé d'avance si ça fait digest...
Mr Chow a écrit:
Reste aussi que je me demande si ce n'est pas la nature "théâtrale" (pour ne pas dire de boulevard) de ces adaptations à tout va du début du parlant comme tu dis, qui amèneraient aussi ces éléments plus aguicheurs sur le plan des moeurs.
Je ne sais pas. Ce qui est sûr c'est que, dans l'urgence de produire du contenu pour les cinémas parlants tous neufs, on adapte des pièces de théâtre, on importe des comédiens de théâtre, et on engage des metteurs en scènes de théâtre (qui n'entendent pas grand chose à la mise en scène de cinéma). Ce qui explique en partie la forme des films. Mais est-ce que les mœurs subversives arrivent avec... Aucune idée, je ne connais pas du tout la nature du théâtre de l'époque.
Je doute quand même que cela ne tienne qu'à l'origine théâtrale. Quitte à encore partir dans des débats qu'on aura la flemme de poursuive
, je pense qu'avec le parlant, c'est d'abord un équilibre esthétique qui se brise. Si on considère le cinéma classique hollywoodien qui se bâtissait alors depuis 15 ans comme un équilibre trouvé entre le réalisme et l'idée (déformer assez le monde pour qu'il fasse sens, mais pas assez pour qu'on y croie plus), on comprend que le parlant et sa concrétude viennent casser quelque chose, pencher trop brutalement la balance d'un côté.
Car au-delà de la sexualité, ce qui est frappant dans les premiers films du précode c'est surtout leur trivialité (celle des enjeux, des préoccupations, mais aussi du ton, de la forme). Les chefs-d’œuvre de la fin du muet baignaient dans une abstraction majestueuse de fable, de conte, de mythe (deux humains à l'unisson avec les éléments, etc). Dans certains films précode il y a un truc beaucoup plus pragmatique, jusque dans la gestuelle bien moins chorégraphiée (on se bouscule, on se touche, le corps existe), et en nommant les choses directement on passe de l'abstrait au littéral. C'est d'ailleurs ça qu'interdit le code en grande partie : le littéral. Des images et des mots. Si on veut être un peu provocateur, on pourrait dire que le code a été salvateur, en ramenant de force un certain degré d'abstraction dans le cinéma hollywoodien, reprenant l'art du cinéma classique là où on l'avait abandonné à la fin des années 20.
Autre chose pour expliquer les mœurs volages : le code est écrit et connu dès 1930, et on sait qu'il va finir par être appliqué. Le précode est en fait avant tout la période de conscience de transgression d'un interdit, donc ça joue peut-être aussi sur ce ton particulier, de défoulement avant le couperet.
Mr Chow a écrit:
C'est vrai qu'on peut fabriquer un micro-genre à posteriori sur des films très différents, qui n'ont que pour dénominateur commun d'avoir juste précédé ce code de censure. Mais d'une manière plus large, Illicit est sans doute surtout une mauvaise comédie "du remariage", orientée à scandale chez la jet set et exploitant un pseudo-féminisme d'apparence pour sa star, mais qui ne se retrouve jamais impliqué dans sa mise en scène...
Je trouve quand même qu'il y a un truc assez visible qui parcourt les films, et qui tient aussi pour beaucoup dans le cynisme et la désillusion qui suit la crise de 29, ou dans l'impression d'un arrière-monde vicié et criminel lié aux dernières années de la prohibition. Tout cela (parlant en 27, crise en 29, code en 30, fin de la prohibition en 33, application du code en 34) crée une période extrêmement cohérente, avec quand même des manies, des motifs, et des figures types (la femme en position dominante, le businessman avare, le gangster mi-héroïsé, la foule furieuse...) qui dépassent la piètre qualité artistique d'une partie de la production.
Je le pense pas comme un genre non plus, plutôt comme l'occasion d'une série de genres spécifiques, ou en tout cas particulièrement en forme durant cette période. Le film de prison ou le film de gangster sont quand même assez franchement délimités à ces 4 années. Le film d'horreur, sous cette forme précise également.
Pour
Illicit, vu ce que tu en décris, je me demande s'il ne rentre pas dans la mouvance des "sex films", genre très commenté outre-atlantique (de mes souvenirs un peu lointains de recherche sur la question, en tout cas), mais dont je n'ai jamais réussi à bien piger les contours (n'en ayant quasiment pas vu). Ça tiendrait à des films sur des femmes libérées mais du coup en partie mauvaises, avec quelques jambes dénudées ou avec bas visibles, et dont le sujet tourne autour de la séduction et/ou d'adultère.
Ça me pose d'ailleurs pas mal problèmes dans mon topic de rangement, là...