Je me demande en fait si Michael a compris ou s'il a pas compris.
On va dire que je dénote une évidence mais c'est à croire que seuls les robots l'intéressent. Ca peut paraître con à dire comme ça, parce qu'au sein du public inévitablement divisé en deux par les films de l'auteur, et encore plus par ses trois derniers films, les amateurs vous diront qu'eux aussi, seuls les robots les intéressent. Je veux dire, c'est pour ça qu'on va les voir, ces films. Pour toutes ces séquences avec des robots. Des robots qui se transforment, des robots qui se foutent sur la gueule, des robots qui volent, etc. Et quand tu vois l'évolution entre chaque film de la trilogie, il y a UN domaine sur lequel le réalisateur et son équipe n'ont cessé de s'améliorer, c'est tout ce qui tourne autour des robots, à commencer par la caméra. Les SFX étaient déjà parfaits dans le premier, le design était à tomber, et après un deuxième épisode qui venait corriger l'un des défauts du précédent, à savoir une mise en scène parfois confuse de l'action, ce troisième volet parvient à enterrer les morceaux de bravoure des deux précédents.
Là-dessus, y a pas de doute, il a compris. Il a compris qu'il fallait filmer moins serré, il a compris qu'il fallait se renouveller, etc.
Ce qu'il a pas compris, c'est qu'on en a un peu rien à foutre du reste. On vient pas voir des scènes de comédie facile en roue libre. On vient pas voir des scènes d'exposition à rallonge.
Ca restera à jamais le problème de cette franchise, ce trop-plein de tout (personnages secondaires, humour hors sujet, fausse complexité de l'intrigue), quelque part entre le calibrage et la générosité, qui rend le temps de plus en plus long entre chaque scène de robot BADASS. Parce qu'à la limite, je suis prêt à tolérer cette auto-indulgence - d'autant que ça me fait plutôt rire (parfois avec le film et parfois avec du recul genre "WTF?") - si au moins c'était mieux équilibré.
Le premier, malgré ses défauts, est bien mieux rythmé à ce niveau. L'alternance "comédie/action" était mieux gérée, mieux répartie. Y avait déjà des digressions et des personnages inutiles (y a un ou deux gros allers-retours qui sont intégralement coupables - dans tous les sens du terme - notamment le personnage de gros hacker joué par le comique black Anthony Anderson) mais jamais le récit ne s'interrompait sur une longue plage de temps pour ne se concentrer que sur UN des aspects, comédie ou intrigue, comme c'était le cas dans la suite (interminable scène à la fac, avec la mère défoncée et le coloc relou ; absence totale d'action pendant 45 minutes dans le 2e acte pour du sous-Indiana Jones).
Ce troisième volet reproduit malheureusement ces défauts. Perso, je trouve l'humour (qui s'appuie encore sur des acteurs coenien - McDormand, Malkovich, Turturro - ou de la nouvelle génération - Ken Jeong) moins pourri ici, mais toujours aussi superflu (l'inclusion du personnage de Malkovich dans certaines scènes est juste interdite), et je trouve également l'intrigue plus intéressante (étendant une fois de plus la mythologie de cet univers), même si de longues plages d'exposition ne s'imposaient pas (le personnage de Patrick Dempsey, peu crédible et inutile).
Résultat, le film fait 2h37.
Mais dans ces 2h37, y a 1h30 qui tue.
Ca commence avec l'excellente introduction, aperçue dans le premier teaser, qui donne le ton avec un ancrage historique qui lie l'Histoire des Transformers et celle des humains, le tout traité de manière sérieuse, commençant carrément avec du space opera, osant l'iconique Armageddonien sans trop en faire (Maison Blanche, décollage de la fusée) avant de virer dans du thriller SF. A ce moment-là, je me suis dit "si tout le film est comme ça, c'est chef d'oeuvre". Les scènes d'ouverture de chaque film de la trilogie gagnent en ampleur à chaque fois et je trouve l'ancrage historique plus puissant ici que pour le précédent (avec les hommes pré-historiques là).
Ce que j'adore, c'est comment chaque film, tout en flirtant avec des genres communs à chaque fois (SF, film-catastrophe, kaiju), parvient à se positionner dans un genre dominant différent à chaque fois. Le premier adoptait un aspect Amblin à la E.T. (un ado et sa première voiture, le merveilleux de la découverte des Autobots) qui y est pour beaucoup dans la pérennité du film à mes yeux : je vais pas parler d'émotion, mais y a du coeur, et l'humour s'intégrait mieux dans le récit de par l'âge du protagoniste. Ca fait le charme du film et c'est ça qui fait qu'il tient encore le coup malgré ses défauts (comme l'action parfois confuse donc). Le second abandonnait cette approche au profit d'une dimension épique (intrigue internationale, climax SUR LA PYRAMIDE tsais) et d'une aventure à la Indiana Jones (la quête du McGuffin dans le 2e acte). Dans cette surenchère, le film gagnait en ampleur et l'univers en richesse mais perdait en charme. Et c'est ça qui fait qu'il vieillit mal malgré ses qualités (comme l'action très réussie).
Le troisième troque tout ça pour un mégamix qui passe du film de complot (je kiffe les accents Guerre Froide du début, avec la course à l'espace et la centrale en Ukraine, puis la traque des survivants par des robots) au film d'horreur (épatante scène avec Laserbeak dans la maison, violente dans les faits et atypique dans le montage) au film de guerre urbaine (l'heure finale jouissive à la Black Hawk Down). Y a un côté dark et une photo souvent froide qui changent des deux précédents volets.
Ce qui change aussi des deux précédents volets, c'est la 3D. Pour tous ceux qui ont été appâtés par la 3D de Beowulf et Avatar mais déçus par les blockbusters convertis en 3D qui ont suivi, ce film devrait vous satisfaire. Le truc c'est que Michael Bay tournait déjà en 3D. Depuis ses débuts, il y a un sens de la composition du cadre et du mouvement de la caméra qui maximise le dynamisme. Tous ces travellings amples qui placent le sujet/l'objet toujours au centre du cadre, net, mais en passant derrière tel ou tel élément de décor, accouchant d'une image en plusieurs strates (un lampadaire au premier plan, un robot au deuxième plan, un immeuble en arrière-plan) qui se retrouve alors surchargée en énergie kinétique. Cette impression de vitesse de l'action et de richesse de l'environnement que beaucoup trouvent confus, brouillon, c'est sa marque de fabrique. C'est pas pour rien si son plan-signature est un travelling circulaire ascendant sur un mec (ou deux, c'est encore mieux) en train de se relever au ralenti.
Il a beau avoir résisté un moment, la 3D était faite pour lui. Surtout qu'elle oblige le réalisateur a chorégraphier encore plus soigneusement l'action, prenant du recul sur le sujet, distinguant par couleurs les différentes strates, laissant les plans durer, etc. C'est d'une lisibilité et pourtant d'un dynamisme assez remarquable. Et quand au milieu de tout ça, il te glisse un ralenti sur une transformation inédite, alors là c'est le panard. Il a beau nous refaire une course-poursuite sur l'autoroute, il ne se repose pas pour autant sur ses lauriers, multipliant les idées de transformations, de confrontations, et d'iconisations (qui va se transformer où et comment afin d'éviter quoi et sous quel angle). Y a personne qui fait ça comme lui. PERSONNE.
Michael Bay est le seul réalisateur dont les films me donnent à chaque fois l'impression de ne jamais avoir vu ça.
Les mecs qui sautent et la caméra qui les suit quoi.
Et je persiste à trouver que le mec s'améliore de film en film dans sa partie, dans ce qu'il fait le mieux, à savoir la mise en scène de l'action. Par exemple, dans le climax qui dure près d'une heure, il a l'intelligence cette fois-ci de procéder en micro-séquences, contrairement au climax d'une heure du deuxième film, où le montage alterné entre les différents combats menés par les personnages était frénétique et où chaque affront été réglé en quelques minutes. Ici, il prend davantage son temps, et ça n'en est que plus jubilatoire. Cf. la scène dans l'immeuble de bureaux, qui passe du suspense à la Jurassic Park, à du film-catastrophe façon Tremblement de terre, pour exploser dans un final entre SF, kaiju et film de super-héros. C'EST LA TEUF.
Et au milieu de ça, t'as des conneries de raccourcis scénaristiques comme Optimus coincé dans des filins desquels on met 20 minutes à la sortir parce qu'évidemment, dès qu'il intervient pour se battre, il couche les enfants comme de Ligonnès.
C'est ça qui est dommage...Bay décrit le film comme "Black Hawk Down avec des aliens", mais ça c'est seulement la dernière heure et pour arriver à ce pitch, il faut 1h30 de blablagues avec quelques scènes d'action géniales parsemées de ci de là. Y a un mec devenu célèbres y a quelques années pour avoir remonté La Menace Fantôme en zappant tous les trucs les plus superflus ou nuls (presque tout Jar-Jar, les conneries genre "y a toujours un plus gros poisson", etc.) et les trois Transformers se prêtent plus que jamais à cet exercice. Y aurait moyen d'avoir un fillm d'action bourrin épuré qui assumerait encore plus son parti-pris décomplexé (parce qu'encore une fois, ça l'est, cf. la réplique "comme dans un mauvais film de SF" ou le premier plan sur le cul de la Megan Fox british blonde qui témoignant d'un film toujours conscient de soi).
Mais bon...peut-être y aura-t-on droit maintenant qu'il en a fini avec cette série, mais quand tu vois que même un film comme Bad Boys II (aka un film sans univers, sans richesse mythologique, sans robots géants qui imposent une certaine ampleur) dure 2h30 et est bourré d'auto-indulgence... Faut refaire du The Rock/The Island là. Un scénar carré et efficace avec quelques idées et au service de l'action.
4/6 de fan qui est acquis au cinéma de Bay où toutes les meufs sont bonnes, où tous les blacks sont comiques, où les placements de produits se font en mode "pas de race", où la réalité est soit suspensdue soit augmentée.
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