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MessagePosté: 23 Aoû 2016, 09:52 
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Successful superfucker
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Samuele a 12 ans et vit sur une île au milieu de la mer. Il va à l'école, adore tirer et chasser avec sa fronde. Il aime les jeux terrestres, même si tout autour de lui parle de la mer et des hommes, des femmes, des enfants qui tentent de la traverser pour rejoindre son île. Car il n'est pas sur une île comme les autres. Cette île s'appelle Lampedusa et c'est une frontière hautement symbolique de l'Europe, traversée ces 20 dernières années par des milliers de migrants en quête de liberté.

Enchaînant un ours (il est vrai que voir le sélectionneur déclarer le sujet du documentaire comme thématique officielle de la dernière Berlinale tombe à pic) et un lion d'or il y a trois ans, Gianfranco Rosi réussit à traiter les drames migratoires sous une approche différente que les flots de films de festival avec des histoires de passeur ou d'illégalité, en se gardant d'ajouter tout commentaire extérieur. Les scènes de sauvetage sur les embarcations de fortune surchargées saisissent d'ailleurs par leur fatalité, ne rajoutant ni à l'humiliation ou à la compassion de la situation, même en filmant les centres de détention dans lesquels ils sont ensuite parqués en évitant le manichéisme, montrant aussi les efforts d'hébergement et de soin et en se gardant de tout débordement raciste où les migrants seraient vus comme des intrus. Rosi filme également Lampedusa, comme un ilôt de tradition maritime perdu dans une routine ancestrale, où une mama écoute les disques à la demande sur son vieux transistor en préparant le repas et aussi les aventures façons 400 coups d'un gamin gouailleur qui n'a pas l'air de se rendre compte qu'à quelques kilomètres s'entassent ces situations d'urgence absolue, au risque d'une impression de redondance voire même d'interchangeabilité avec ce choix délibéré de ne pas l'intercaler sur des scènes de secours autrement plus bouleversantes.
4/6


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MessagePosté: 23 Aoû 2016, 13:47 
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Antichrist
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Inscription: 04 Juil 2005, 21:36
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superbe affiche

avec le temps, le film a fait son effet, je le préfère aujourd'hui qu'à Berlin où je l'avais trouvé un peu trop fabriqué.


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MessagePosté: 01 Oct 2016, 16:49 
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Karloff a écrit:
superbe affiche

avec le temps, le film a fait son effet, je le préfère aujourd'hui qu'à Berlin où je l'avais trouvé un peu trop fabriqué.

C'est effectivement l'effet qu'il m'a fait, en particulier dans la scène de l'affiche (trop symbolique pour ne pas avoir été montée de toute pièce), très explicite lors de la descente du plongeur du haut de la falaise (filmé en trois endroits différents).

Je peux comprendre ceux qui rejette le film, parce que l'on peut s'étonner du point de vue de Rosi. Je m'attendais à un film traitant principalement des réfugiés, et au premier abord il apparaît plutôt comme un documentaire sur Lampedusa, sa population autochtone, et à la marge ces intrus que sont les réfugiés (très peu présents au début du film, évoqués par des dialogues échangés avec les gardes côtes, l'annonce faite à la radio). In fine j'ai cru deviner là où Rosi voulait en venir, nous représenter au travers de ce gamin à l’œil paresseux, indifférent à la crise humanitaire qui se passe à proximité. Et pour y parvenir, Rosi utilise justement à l'excès ce gamin pour lequel on ne peut s'empêcher d'avoir de l'empathie, intercalant des séquences sur les réfugiés jusqu'à la dernière - horrible - où l'on commence par entasser les malheureux qui ont survécus à l'étouffement comme on empilerait des poissons au fond d'une barque, pour finir par filmer l'entassement des corps de ceux qui n'ont pas survécus, sans que l'on ressente une once d'émotion. Soit, nous sommes donc devenus insensibles à la misère de ces gens, habitués que nous sommes à entendre les nouvelles d'un nouveau bateau ayant coulé en méditerranée. Mais plutôt que ce simple état des lieux, j'aurais préféré que Rosi cherche justement à donner une voix, un nom, à ces anonymes.

Rosi a un vrai talent de metteur en scène (au propre comme au figuré, au point que je me demande s'il ne ferait pas mieux de faire de la fiction), le gamin a un capital sympathie énorme, mais je trouve que son film rate au final sa cible.


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MessagePosté: 07 Oct 2016, 09:25 
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Lohmann a écrit:
j'ai cru deviner là où Rosi voulait en venir, nous représenter au travers de ce gamin à l’œil paresseux, indifférent à la crise humanitaire qui se passe à proximité.


Je pense que tu te fourvoies totalement.
Le film n'est en aucun cas un film à thèse sur les migrants, qui chercherait à pointer des responsables, à identifier des causes et des solutions possibles à leur situation.

Non, le film est bien différent. Je l'ai vraiment vu comme un poème sur cette île de Lampedusa et sur la mer qui nourrit autant qu'elle assassine. Un grand film sur la vie tout simplement, qui bourgeonne d'un côté et qui s'éteint de l'autre sans que l'on sache bien pourquoi. Si l'on me demandait de définir ce qu'est un documentaire de cinéma par rapport à un reportage télé, je montrerai ce film tellement j'y vois quelque chose de personnel, un regard singulier, une véritable proposition de cinéma. Rosi ne cherche jamais à comprendre ou a expliquer par les faits, par l'histoire, par la politique. Ça ne l’intéresse pas, ce n'est pas vraiment son rôle. Il cherche à dépasser cela, à replacer plus prosaïquement l'humain au centre de la situation. Pourquoi cet enfant là qui vit sa vie et joue à la guerre pendant que d'autres enfants meurent étouffés en tentant de fuir l'enfer de leur pays ? Il n'y a pas de réponses. Il n'y a qu'un regard qui ne peut être que celui de l'incompréhension la plus totale, la plus sincère (les passages avec le docteur, très concrets, sur les corps, sur la mort).

Pas grand chose à en dire d'autre en fait. Sinon que c'est superbe, que cet enfant qui fait les 400 coups avec sa sarbacane et le parfait miroir déformant de ces plans insoutenables dans les cales des bateaux où les cadavres s'entassent.

Un grand documentaire, digne et fort.

5/6

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MessagePosté: 07 Oct 2016, 09:57 
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Art Core a écrit:
Le film n'est en aucun cas un film à thèse sur les migrants, qui chercherait à pointer des responsables, à identifier des causes et des solutions possibles à leur situation.

A aucun moment je ne dis cela, mais justement l'inverse. C'est d'ailleurs ce que l'on peut lui reprocher, c'est un simple état des lieux, en signifiant (c'est du moins mon interprétation) que nous sommes insensibles à la catastrophe humanitaire qui se passe juste à côté de nous (ce qui ne fait en aucun cas de nous des coupables). Le fait que ce gamin ait un œil paresseux n'est tout de même pas anodin, vu le ton global de ce docu il y a bien une signification derrière cela.

Art Core a écrit:
Il cherche à dépasser cela, à replacer plus prosaïquement l'humain au centre de la situation.

Que les lampédusiens soient traités avec humanité il n'y a aucun doute là-dessus. Par contre les migrants n'ont pas de voix, aucune humanité, Rosi les filmant de la même manière que les autorités les traitent. C'est un choix de mise en scène certain, que personnellement je ne trouve pas heureux.


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MessagePosté: 07 Oct 2016, 10:26 
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A mon sens, leur donner une voix aurait fait totalement changer le film de sujet. Il ne peut raconter chaque histoire, chaque personne. Il ne peut qu'être là sur l'île, avec sa caméra et regarder ce que le monde lui apporte, en l'occurence des navires remplis d'êtres humains mortifiés et de cadavres. Pour moi son approche n'est en rien méprisante de ces populations. Rosi ne cherche pas à rentrer dans leur intimité. Il se place tel un habitant de l'île avec toute la detresse de son impuissance.

Quand à l'oeil paresseux, ça me semble un symbole bien grossier même si assez commode, surtout que Rosi ne pouvait pas vraiment prévoir cette "péripétie". Pour tout dire je n'y avais même pas pensé.

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MessagePosté: 07 Oct 2016, 10:38 
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J'ai vu El Sicario qui passait sur Arte cette semaine, dans l'un comme dans l'autre de ces deux documentaires je ne peux pas m'empêcher de me questionner sur la part de fiction qui y est contenue. Dans Lampedusa il y a un élément explicite (le plongeur qui est filmé en 3 endroits différents lors de sa descente du haut de la falaise), d'autre suspecté (pour moi toute la scène de l'affiche). Dans El Sicario le repenti est parfois dans un tel acting que l'on se demande à quel point il ne fabule pas. A partir de là, je me demande si l’œil paresseux de ce gamin n'est pas connu du réalisateur dès le début du tournage.


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