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MessagePosté: 12 Aoû 2021, 14:18 
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Sir Flashball
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Très étrange trouvaille que ce sommet du néo-réalisme italien dont Martin Scorsese est fan, qui se propose de raconter l'histoire de la Sicile à la fin de la seconde guerre mondiale par le prisme d'un chef de bandits de montagnes. Etrange, déjà, parce que le personnage éponyme est finalement un élément très secondaire de la narration : il est soit filmé de loin soit de dos, soit se limite à une voix soit... à un cadavre. C'est très déroutant, mais finalement, c'est un dispositif fort, qui sert le propos politique du film : celui de la monstration d'une époque où tout le monde est coupable ou complice, où les frontières entre forces de l'ordre et criminalité se floutent, et qu'il n'est finalement pas possible d'expliquer en se cantonnant aux figures historiques les plus connues.
Film étrange, également, parce que dans sa première heure, de loin la plus réussie (fantastique scène de l'arrestation de tous les hommes d'un village), il est plus documentaire que fiction, la caméra se promenant d'un personnage à l'autre sans leur donner aucune substance fictionnelle : ils servent à décrire un lieu, une époque, des circonstances, et c'est par bribes qu'on commence à comprendre la réalité historique que Rosi cherche à construire. Et malheureusement, dans sa deuxième heure, il abandonne cette démarche et transforme son intrigue en un film de procès certes intéressant (et bougrement bien filmé), mais beaucoup moins fort que ce qui précédait.

C'est dommage, parce qu'il y avait de quoi faire l'un des plus grands films politiques du siècle passé. Ca reste hautement recommandable.

4,5/6

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MessagePosté: 12 Aoû 2021, 17:29 
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Castorp a écrit:
C'est très déroutant, mais finalement, c'est un dispositif fort, qui sert le propos politique du film : celui de la monstration d'une époque où tout le monde est coupable ou complice, où les frontières entre forces de l'ordre et criminalité se floutent, et qu'il n'est finalement pas possible d'expliquer en se cantonnant aux figures historiques les plus connues.


Le film décrit en effet un système, mais je ne suis pas sûr que l'idée soit que tout le monde est complice. Une des scènes les plus significatives, en miroir du procès, est quand-même celle de l'attaque des paysans communistes (situées entre les deux parties du film que tu décrits). C'est la seule où l'on voit le visage de Giuliano si mes souvenirs sont bons. A la limite d'un point de vue historique, le film indiquerait plutôt que la mafia doit être lié un phénomène relativement récent en Sicile, lié à des structures politiques plutôt récentes que traditionnelles, en train de se mettre en place, qui prolongent le climat de la seconde guerre mondiale en temps de paix (l'arrestation de masse en effet), et transforment même ces réminiscences de la guerre en phénomène culturel.
C'est vrai que formellement le film est très fort pour donner l'illusion à la fois du temps réel et de l'anonymat, les articuler ensemble, de manière plus efficace que des films américains récents qui s'en inspirent comme Syriana ou Traffic. L'anonymat est recherché par les maffieux car c'est de lui qu'ils tirent leur force politique, il leur permet aussi de passer pour des figures folkloriques immémoriales, alors que leur racket permet au contraire de capter les ressources des paysans de façon extérieure. Mais ce même anonymat implique par ailleurs une tension entre leur efficacité politique, de la transformation du consensus culturel en terreur qu'ils organisent, et la rigidité hiérarchique de leur organisation, que le mensonge sur l'image de Robin de Bois de Salvatore voile (cette hiérarchie n'est visible dans le film que dans la scène du poison, elle ne peut être visible que pour tuer). C'est bien cela que montre le film : ce qui précède la terreur, la prépare sans être encore compromise et s'y identifier, un anonymat qui se confond avec le désir de fiction éprouvé par le réel et même les institutions.

Il est obligé d'avoir deux parties avec des temps différents car il montre un système en train de se constituer.
Le Rosi de cette époque est excellent, I Magliari a la même sensibilité politique, mais arrive à trouver un ton comique plus subtil que celui des cinéastes de la génération suivante.

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MessagePosté: 12 Aoû 2021, 19:57 
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Merci car du coup je viens de voir que Le Sicilien est dispo en bluray (toujours voir les deux en tandem, ah, ah) !... :shock: :mrgreen:

EDIT : il est effectivement dispo en bluray en version "director's cut" de 2h20mn, pas partout mais disons qu'en cherchant un peu on le trouve, voilà deux extraits de la qualité (dispo depuis 2016 !) :D

https://www.youtube.com/watch?v=vWRMK5FOrC4&t=17s

https://www.youtube.com/watch?v=wEae4CY9nw4&t=88s


Dernière édition par Postscriptom le 17 Aoû 2021, 15:03, édité 3 fois.

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MessagePosté: 12 Aoû 2021, 21:51 
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Il me semble qu’il n’est dispo qu’en DVD (du moins en France).
Mais ça ne devrait pas trop tarder, pour ce film et Sunchaser, vu que les autres Cimino ont tous bénéficié d’une sortie BR (dans une belle édition souvent).

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MessagePosté: 13 Aoû 2021, 12:07 
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Sir Flashball
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Vieux-Gontrand a écrit:
Une des scènes les plus significatives, en miroir du procès, est quand-même celle de l'attaque des paysans communistes (situées entre les deux parties du film que tu décrits). C'est la seule où l'on voit le visage de Giuliano si mes souvenirs sont bons.


La scène est très belle, mais elle se déroule un peu différemment de ton souvenir : Giuliano est filmé de loin, on distingue à peine son visage, et son statut de chef est simplement souligné par sa veste blanche. Rosi se focalise sur le recrutement d'un berger par les brigands.
Et ensuite, le massacre lui-même est filmé du point de vue des victimes, sans que l'on voie les assaillants.

Vieux-Gontrand a écrit:
L'anonymat est recherché par les maffieux car c'est de lui qu'ils tirent leur force politique, il leur permet aussi de passer pour des figures folkloriques immémoriales, alors que leur racket permet au contraire de capter les ressources des paysans de façon extérieure.


Ce que Rosi semble indiquer, c'est le convergence des intérêt des propriétaires terriens et de ces brigands, donc aussi une tentative de prolonger l'ordre féodal : une forme de réaction, donc.

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MessagePosté: 13 Aoû 2021, 12:17 
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C'est vrai que la mafia s'implante plus facilement dans des territoires où il y a traditionnellement beaucoup de métayage, comme en Italie et en Andalousie avec les caciques. Le film raconte aussi une reforme agraire ratée et sabotée.

Je me demande si cela est aussi le cas en Corse.

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