5 Broken Cameras en VO.
Emad, paysan et père de famille, vit à Bil’in en Cisjordanie. Il y a cinq ans, au milieu du village, Israël a élevé un "mur de séparation" qui exproprie les 1700 habitants de la moitié de leurs terres, pour "protéger" la colonie juive de Modi’in Illit, prévue pour 150 000 résidents. Les village organise alors une manifestation. La première d'une longue série...Je sais pas trop où me poser par rapport au film, comme si j'avais toujours l'impression de me faire avoir d'une manière ou d'une autre. Y a un truc qui cloche.
Louons déjà son originalité : celle d'être un film sur le conflit israëlo-palestinien vu de l'intérieur. Pas le point de vue d'un réal venu de l'étranger. Pas même celui d'un étudiant en ciné revenu chez papa et maman. Emad est un villageois comme les autres, et se retrouve avec sa première caméra dans les mains en même temps qu'apparaissent les premières images du film, sans savoir encore ce qu'il doit en faire. Quand bien même le montage rétrospectif prend tout cela très en charge, on assiste à travers le film à une sorte de naissance du geste documentaire, du simple besoin compulsif d'enregistrement à la chronique, de la chronique au souci de témoignage, du témoignage à un projet conscient. Et ça c'est plutôt beau.
Témoin de cette évolution, les premières années du dernier enfant, fil rouge qui de bébé à bambin donne à la lutte une temporalité, une mesure des années qui épuisent, mais aussi un visage et une âme. C'est là où ça commence déjà à coincer : pointer l'innocence de l'enfant, le pousser devant la caméra, l'emmener manifester, le montrer énoncer le discours de ses aînés... bref, l'utiliser comme étendard, et un étendard qui vient nous prendre par les émotions d'autant plus (qui va en gros assimiler le projet politique et le projet cinématographique), c'est quelque peu malaisant.
Plus globalement, les codes de la manifestation que le village découvre, adopte, adapte puis s'approprie peu à peu, déteignent gentiment sur la forme même du film. Ce n'est pas tant la nécessité du point de vue israëlien qu'on demande au film de montrer (après tout, effectivement, ce serait jouer l'équité hypocrite), que celle de construire un regard sur ces évènements qui soit autre chose que didactique. Chaque manif, pour caricaturer, se résume grosso-modo à une série de "preuves" : trois plans d'israëliens violents, un plan de palestinien qui crie, un plan de palestinien qui roule par terre. Rien qui vienne réellement dessiner le déroulement de cette attente et ce face à face tendu, la façon dont la violence éclate, le fonctionnement si particulier du rapport de force. La démarche, au final, restera toujours militante.
Qu'on s'entende : il n'y a rien ici pour sauver la politique israélienne, on ne pouvait pas trouver pire exemple. La question n'est pas là, elle n'est pas dans le camp à choisir. Elle est dans la façon dont on nous parle.
Car malgré tous les dispositifs séduisants qui romancent et donnent une certaine grandeur à ce combat en forme de surplace (ne serait-ce que le décompte des 5 caméras), il ressort trop régulièrement l'impression que le film essaie de nous "convaincre", quand les faits nus suffiraient amplement. Le film semble parfois nous parler comme le ferait un tract, et cela vient je trouve un peu trop souvent prendre le pas sur le déploiement sincère de la douleur du père de famille qui voit son monde se détruire petit à petit autour de lui.