Il Cristo proibito en VO.
Fin de la seconde guerre mondiale. Bruno, prisonnier des Russes, rentre dans sa Toscane natale. Très vite, il cherche à savoir qui a trahi son frère, qui a été fusillé. Mais tous, jusqu'à sa mère, refusent de lui en dévoiler l'identité, pour ne pas ébranler la paix fragile que le village est parvenu à retrouver.Je me rend compte que devant les films passés entre les mailles du tri historique et cinéphile, pour lesquels il n'y a pas d'avis global ou même de débat, je me retrouve complètement démuni. Tout con. C'est misérable, mais c'est comme ça : quand je n'ai pas de référent face auquel me positionner (que ce soit pour ou contre), je ne sais pas exactement quoi en penser. Ce qui craint quand même un peu.
Pour ma défense, le film n'a rien d'évident. Le sujet, typiquement néoréaliste, est approché avec une grande préciosité (hyper-scénarisé, lumière ultra-travaillée, maniérisme des cadres). Contradiction déjà déstabilisante, notamment dans les 15 premières minutes qui crient leur artificialité à pleins poumons, et qui laissent immédiatement le sentiment que cette forme brute, le néoréalisme (que j'affectionne pourtant peu) n'était pas un hasard : c'était juste la façon logique de réagir aux évènements d'alors. La condamnation du fascisme, que le film opère dans les mots, se double ainsi de ce lyrisme formel, mais aussi d'une exaltation des mères et de la religion, qui y font parfois étrangement écho. Il y a à la base un problème, et un malaise.
En tant que spectateur on est pourtant comblé. C'est sur-écrit, c'est souvent lourd, mais Malaparte nous trimbale avec une maîtrise totale, au rythme de dialogues savants et de confrontations fortes, et on lâche très vite prise, sans essayer de dénouer les raisons de situations manifestement symboliques, ni les rouages d'une mise en scène qui sait visiblement où elle va et ce qu'elle veut. On sent très bien la configuration qui en ressort, et c'est le principal : cette paix sous forme d'amnésie étouffante et intolérable, ce village qui n'attend qu'une étincelle pour exploser.
Mais comme Malaparte se place sur le plan des idées, assez lourdement souvent, dans une emphase oppressante (du premier plan où l'on anone son avis, jusqu'au dernier où on le beugle littéralement), on est bien obligés de s'interroger sur celles qui travaillent le film sous le flot de paroles. Malaparte ne nous met pas à une place qui nous permettrait d'observer à distance le bordel idéologique de cette après-guerre : il participe aux discussions, tape du poing sur la table, gueule avec les poissonniers, vient prendre position et nous demande d'adhérer, d'être convaincus. Position bizarre dans laquelle se retrouve le spectateur, comme sommé une fois de plus d'adhérer à un discours lyrique, à ce moment-même de l'Histoire où ces discours lyriques, auxquels on est priés d'adhérer, ont mené au pire.
Ce qui reste de la vision du film, sous sa pompe, et au-delà de cet inconfort, c'est donc surtout ce sentiment de violence ambiante, de la tension sourde et invisible liée à la primauté de la communauté et à la confusion des idées. Les meilleurs passages du film sont peut-être ceux où l'on partage avec le héros ce besoin viscéral de s'isoler du groupe - la première nuit dans le village, la marche à l'écart de la procession religieuse, la fuite de la fête aux vignes. Le film réussit cela : le portrait de cette oppression continuelle, qui fait que même les scènes trop emphatiques trouvent une porte de sortie dans la cristallisation soudaine de ce climat intolérable (le face à face avec la mère de l'ami, par exemple, pourtant mal parti).
Pour le reste (et ce texte bien confus doit bien le montrer), je ne sais donc pas trop quoi en penser.