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MessagePosté: 28 Avr 2012, 00:20 
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Autour du périmètre limité de sa maison, où une télévision passe en boucle certains de ses anciens films, Pollet adapte Francis Ponge, penché sur les objets les plus simples : pots, fruits, lampes, galets, qui constituent tous ensemble le "monde muet".


Je ne connais pas Ponge, et même si le film se charge en grande partie de nous en faire ressentir la pensée, même si la voix-off (Lonsdale, impec) nous en lit de nombreux textes, j'ai du coup un peu l'impression d'avoir loupé une partie du spectacle... Néanmoins, la patte de Pollet est toujours là, intacte (vu le matériau de base ultra-aride, on pourrait même dire qu'elle est ici à maturité) : lorsque la voix-off, après une heure de travellings sur des carafes, vient évoquer sommairement le projet du film, et la raison d'être de son dispositif, on se surprend à ne finalement pas avoir besoin de ce "mode d'emploi". L'idée est passée toute seule.

C'est ce qui me fait triper chez Pollet : le texte est tellement présent qu'on a d'abord l'impression que c'est lui qui nous ordonne ce qu'il faut comprendre, alors qu'il ne fait que participer à l'édification d'un ensemble qui porte bien plus loin. En l’occurrence, dans ce film, c'est la possibilité jamais dite de nous faire partager, profondément, la sensation d'arriver aux portes de la mort : sans jamais l'évoquer dans les mots, Dieu sait quoi tourne tout entier de l'accident qui paralysa son réalisateur.

De telle façon, en fait, que l'accident semble être le big bang du film, l'origine de ce monde-chaos immobile. "Notre territoire est très vaste", souffle à un moment la voix-off, quand la caméra peine à ne serait-ce que dépasser le périmètre du jardin. C'est que l'exploration se fait à présent via d'autres dimensions que l'espace : c'est la mue du regard qui constitue ici le vrai voyage... Un œil nouveau porté sur chaque chose, cassant la hiérarchie attendue des objets (tous ridicules, sciemment choisis pour leur humilité), nous les donnant à toucher en variant l'heure du jour et la météo, la lumière et ses reflets, les angles de vues (superbes travellings tournants) - un coté "film 3D avant l'heure". Comme si Pollet, physiquement diminué, cherchait à se définir une nouvelle position au sein du monde, d'où il pourrait observer celui-ci avec des yeux neufs.

L'histoire racontée, s'il faut en élire une, serait ainsi celle de cette métamorphose. Lors d'un passage, la télévision diffuse l'extrait d'un de ses anciens films : scène dans une voiture, regard droit sur la route, l’œil du conducteur dans le rétroviseur. Puis plus de TV, et plan suivant (contemporain) : des arbres vus d'en dessous, traversés par un véhicule en marche sans doute, longtemps observés. Par ce jeu de rime s'invite alors, subrepticement, la vision d'un Pollet à présent impuissant (couché ?) qui nous entraîne dans sa chute vers cette nouvelle vision des choses, désormais spectateur passif et partie prenante du défilement du monde, alors qu'une musique mystérieuse semble nous faire pénétrer au pays des merveilles... C'est ce genre de petites touches pudiques, peut-être inconscientes, qui en rattachant la mise en scène à l'angoisse intime de son réalisateur, empêchent l'exercice de tourner au dispositif sec : comme toujours, le cinéma de Pollet, en creux, reste immensément narratif.

Ce territoire nouveau au centre duquel trône Pollet immobile, lui aussi en passe de devenir objet, prêt à se fondre dans l'immobilité, cette impression de "royaume", est ce qui me restera du film.


Pour le reste, mes reproches ne concernent pas tant le projet que son exécution. C'est le même défaut que dans ses autres films : un ensemble parfois pas assez dense (on passe très rapidement du génial au chiant). Ça tient souvent à l'usage des répétitions, qui ne sont pas toujours si justifiées que cela (je ne pense pas tant aux passages TV, qui fonctionnent très bien, qu'à la répétition de certains textes, ou aux allers-retours caméras un peu frustrants) - bref, ça + quelques passages en automatique moins inspirés (la virée en ville sur musique atonale face aux affiches publicitaires, bof et facile). Mais globalement c'est grand et classe. Ça m'évoque d'ailleurs pas mal Des Pallières, de plus en plus l'impression qu'il y a une filiation entre ces deux là.

Toujours aussi peur d'aller voir ses fictions, par contre...


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