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 Sujet du message: Seven Women (John Ford - 1966)
MessagePosté: 18 Fév 2011, 03:03 
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Frontière chinoise en VF. SPOILERS.

Pas de bonne photo en couleurs, mais le film l'est...

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1935, à la frontière entre la Chine et la Mongolie. Alors qu’hors des enceintes gronde un conflit barbare, une mission composée de femmes attend l’arrivée urgente du docteur Cartwright. Le médecin tant attendu finit par les rejoindre : c’est une femme.


Petite angoisse en lançant le film : peur d’être forcément déçu par le monument cinéphile obligatoire qu’est le dernier film de John Ford. Que ce soit conscient ou non, Seven Women joue à merveille son rôle de film-testament, avec l’aura si étrange qui émane des dernières œuvres de cinéastes – sachant qu’on peut y superposer ici sans trop forcer l’image d’un chant du cygne du western, comme du cinéma classique tout entier. Programme ambitieux dans la peau d’un petit film modeste par le budget et court par la durée, paradoxe logique comme la cinéphilie les adore, vraiment, tout y est.


Je vais montrer patte blanche et éviter de jouer la béatitude : je n’ai pas été transcendé.

Mais j’ai trouvé ça bon, surprenant, assez déroutant surtout. Cette transition d’une époque à une autre qui se pose (il me semble) comme l’objet du film, cet adieu au vieux monde pour venir embrasser le neuf, et ce évidemment non sans passage de témoin des valeurs morales… tout cela semble d’abord vouloir s’exercer comme prévu, et en douceur, dans une sorte d’épreuve collective qui ressoudera une communauté renouvelée.

Mais ce projet, qu’esquissent certaines scènes (la discussion sous l’arbre, par exemple) est très vite balayé avec une sécheresse définitive : il devient vite clair que cette filmographie ne mourra pas dans l’apaisement… Ce n’est pas une gentile transition qui nous fera passer de l’ancien monde au nouveau, mais un véritable exorcisme, tout en douleur, dans une mue qui fait mal, qui provoque morts et cris, qui gomme toute trace d’innocence jusqu’à la dernière goutte. Cette violence exutoire, le film la provoque en poussant contre toute attente chacun de ses persos jusqu’à l’extrême de sa caricature, fonçant droit dans le cliché phobique qu’on pensait justement voir déconstruit : la religieuse traditionnaliste mais humaniste devient une espèce de bigote folle irrécupérable de film d’horreur bis, la moderne aventurière aux mœurs libre épouse l’imagerie puritaine qui en fait une barbare jusqu’à devenir la reine pute.

Écartelant ses personnages jusqu’aux extrêmes, refermant progressivement l’espace comme un piège, Ford opère un geste cinématographique colérique et bizarre, qui plonge le lieu protecteur aux enfers avec une assurance étrange, le faisant descendre au fond, tout au fond, dans l’imagerie archaïque la plus fantasmatique, seule condition semble-t-il pour en expulser in extremis ce noyau de survivante brisées et désillusionnées, qui auront pour mission d’aller bâtir la suite de l’Histoire avec un bébé sous les bras. Mais rien à sauver du camp : politique de la terre brûlée pour Ford, qui fait disparaître avec le décor aimé d’un monde daté (le film, ne serait-ce que formellement, est lui-même un délicieux anachronisme) tout ce que ce réal y a aimé, les utopies et les valeurs morales, la communauté et le vivre ensemble. Plus d’armée (partie), plus d’extérieur (une lueur rougeoyante à peine entrevue le met en pièce), plus de loi, plus d’horizon : le fondu au noir final, en emportant la dernière femme comme pour un sacrifice paradoxal (la plus moderne des demoiselles pour disparaître dans le feu d’un monde réactionnaire qui meurt), semble tout engloutir avec lui.


Bon voilà, quoi, ça envoie du bois, c’est beau. Pourquoi je suis pas transcendé, du coup ?

C’est quasi le premier Ford en couleur que je vois ; le premier en cinémascope aussi. Impression formelle de quelque chose d’un peu pâteux, et d’un peu amolli… Ce que j’aime chez Ford c’est ce côté aiguisé, ciselé, vertical, précision scalpel et élégance saillante, qui rend son cinéma si vivifiant malgré le calme relatif qui imprègne ses films (l’utopie d’un tranquille vivre ensemble, encore). J’ai du mal à retrouver ce plaisir ici : si j'apprécie l’extrême aisance d’un cinéaste sur ses vieux jours (tout une description d’un massacre lointain réglé par un simple contrechamp, les mains dans les poches…), cette simplicité extrême m’apparaît un peu sèche. Je sais que c’est aussi la beauté de ce film de fin d’avoir les contours d’une petite série B, de faire œuvre de pauvreté, et de ne pas exploser à la gloire du cinéma façon grande fresque pompeuse. Mais il me manque quelque chose pour vraiment être ébloui : le film est trop inégal dans son exécution, trop fatigué pour maintenir l’étincelle tout le long, pour rester toujours précis dans son programme (à la limite, on y gagne un côté un peu sauvage/brouillon qui aide le film à mourir dans la fureur, mais bon…). J’applaudis le projet, j’applaudis la fin de filmographie, mais pour le reste, je retiens juste un très bon film – pas un chef d’œuvre à en pleurer toutes les larmes de son corps. Mais un très bon film, c’est bien aussi !


Un bon 5/6


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MessagePosté: 18 Fév 2011, 07:15 
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La fin de ce film c'est un peu l'idéal pour achever une filmo

So long, you basterd


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MessagePosté: 18 Fév 2011, 08:45 
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Faut vraiment qu'on lance le top John Ford là !
Beau texte sinon, chouette analyse.

Tom a écrit:
Mais il me manque quelque chose pour vraiment être ébloui


Le regard d'Anne Bancroft à la fin aurait dû te suffire.

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MessagePosté: 18 Fév 2011, 10:26 
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Découvert il y a peu au ciné. Il y a Anne Bancroft, des personnages superbes, un sens du cadre extraordinaire, une photo magnifique, plusieurs scènes bouleversantes, mais je ne suis pas à fond du début à la fin, alors que je pensais franchement l'être. Je me contenterai donc de lui attribuer un petit 5,5/6.
J'essaie d'ouvrir un top Ford dans la journée.


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MessagePosté: 18 Fév 2011, 10:45 
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Citation:
Le regard d'Anne Bancroft à la fin aurait dû te suffire.

Ah ça la fin est parfaite, fin de filmo parfaite aussi comme dit Mr.Chow, je reviens pas là-dessus. Maaaaais un regard ne fait pas un film entier.

Citation:
So long, you basterd

Ou comment je viens seulement de comprendre que cette phrase venait de ce film...

Marlo a écrit:
J'essaie d'ouvrir un top Ford dans la journée.

Je suis pas prêêêêt ! En plus je les ai là sous la main... Donnez-moi une semaine.


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MessagePosté: 18 Fév 2011, 12:23 
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Schtroumpf sodomite
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Tom a écrit:
Maaaaais un regard ne fait pas un film entier.


Je crois qu'un film entier peut être fait juste pour un regard.

Citation:
Je suis pas prêêêêt ! En plus je les ai là sous la main... Donnez-moi une semaine.


Tu complèteras. Balance Marlo !

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MessagePosté: 18 Fév 2011, 13:20 
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Citation:
Je crois qu'un film entier peut être fait juste pour un regard.

Hey, regarde, on vient d'inventer une maxime cinéphile !

« Un film entier peut-être fait pour un regard, mais un regard ne fait pas un film entier »

On dirait La cité de la peur, je suis si fier.


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MessagePosté: 18 Fév 2011, 13:36 
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Putain, sérieux mec
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Inscription: 24 Juin 2009, 12:09
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Chais pas si on a déjà interragi, mais j'aime ce que t'écris et comment tu le défends, Tom.

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MessagePosté: 18 Fév 2011, 16:25 
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Puck a écrit:
Chais pas si on a déjà interragi

PD.


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MessagePosté: 18 Fév 2011, 22:11 
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Inscription: 13 Mai 2010, 11:50
Messages: 11667
Puck a écrit:
Chais pas si on a déjà interragi

Et ben effectivement, non !
Merci en tout cas, c'est super sympa !

Oncletom a écrit:
PD.

Oncletom > oncle -tom > tonton > tata > tantouze, HAHAAAA, DANS TON CUL !


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MessagePosté: 12 Juil 2011, 16:58 
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Inscription: 22 Fév 2011, 18:24
Messages: 413
Revu hier et mes souvenirs n'étaient pas très frais.

La mise en place des personnages et des situations (grosso modo la première partie jusqu'à l'arrivée des missionnnaires anglaises), les conflits entre Cartwright et la responsable de la mission (j'adore le découpage de ces scènes, c'est toujours d'une immense limpidité), cette façon de parler de l'Amérique des années 60 tout en situant l'action dans la Chine des années 30, la beautré d'Anne Bancroft et de son personnage, tout cela est absolument fantastique. 45 premières minutes en lévitation.

Ensuite ou le film s'essouffle et l'attention commence à vaciller pour plein de raisons dont par exemple le coté cheap des décors (On sent vraiment qu'on les a relégués dans un coin des studios MGM avec interdiction d'en sortir - malheureusement ça finit par se voir) ou le coté extrêmement caricatural des guerriers chinois (A peine 2 ans après Cheyenne Autumn, cette régression dans la présentation de l'Autre me laisse très perplexe).

Et puis bon les actrices sont soit très mal castées (on a droit à une explication un peu lourdingue au début sur la raison pour laquelle la femme enceinte a décidé d'avoir un enfant si tard - mais surtout elle a l'air d'avoir 50 ans et les a probablement) soit très mauvaises : il y a un plan magnifique de la très mignonne Sue Lyon dans la charette avec le bébé à la fin, qu'elle gâche dès qu'elle ouvre la bouche...

mais le début est très beau et la fin classe...


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