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MessagePosté: 06 Juin 2011, 02:15 
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Un aviateur et sa femme se retrouvent, de fil en aiguille, au centre des violents échanges boursiers de Paris.


Epstein a beau faire un cinéma qui séduit, qui motive et intrigue, c'est finalement ce film qui m'aura donné, le premier, un aperçu entièrement convaincant du cinéma impressionniste, résultat d'ailleurs curieusement très proche de certains films d'aujourd'hui. La modernité précoce d'un film a beau ne pas constituer une qualité en soi, elle est tout de même ici assez troublante...

La première étrangeté de ce film, c'est d'être un parlant réalisé au temps du muet : malgré la puissance graphique qui caractérise la plupart des scènes, le rythme est celui de superpositions et de recouvrements en série sachant pourtant se passer de ce partenaire idéal qu'est le son, dans une maîtrise qui laisse béat d'admiration - une guirlande purement visuelle de pendant que, alors que, et bientôt, sans le moindre début d'ombre de maladresse.

Armé d'un grand angle à la Soy Cuba, L'herbier met en scène la fourmillère boursière avec une urgence électrique, prélevant des points de vue dans tous les coins : si le film sait longtemps éviter l'écueil de la froideur du tour de force, c'est qu'il est toujours affairé à chopper les émotions de chacun, les peurs, à tisser un canevas de relations sans fin. Je pense par exemple à une scène superbe et vraiment émouvante, où le couple observe, impuissant derrière une vitre, l'annonce aux actionnaires du départ du mari, et où on parvient à nous faire partager tous les ressentis en même temps - celui du financier qui découvre l'annonce, celui de la femme qui comprend la nouvelle, celui du mari ayant provoqué la chose, et qui découvre comment sa femme y réagit... Une certaine poésie de la démesure dans l'approche, qui fonctionne très bien.

Quand il reste éparpillé dans l'énergie de la Bourse, à naviguer entre les personnages et à croiser leurs liens, le film est prenant, peut-être parfois un peu distant dans son exercice de virtuosité constante, mais sans cesse protégé par ce talent à focaliser sur les affects de chacun (et il faut saluer la troupe d'acteurs, jeu flamboyant et pourtant très fin, ils sont tous épatants). Mais en avançant vers son dernier tiers, lorsqu'il déplace sa démesure dans les décors gigantesque et la démonstration façon dissert, le film voit son impact s'envoler tout aussi vite qu'il s'était imposé...

Ça dit bien toute la paradoxale fragilité d'un cinéma-champagne qui fait facilement tourner la tête, mais dont l'effet ne tient finalement qu'à un fil : le réalisateur fête à chaque instant les possibilités de sa caméra, mais le fait toujours en déséquilibre sur la corde tendue, entre le froid produit expérimental et une réelle capacité à tirer de cette maestra une puissance narrative. La capacité du film à faire de cet univers financier une sorte de galaxie violente, angoissée et saillante, mais surtout de le donner finalement à voir comme un système dépassant l'ensemble de ses exécutants, finit plutôt par emporter le morceau, dressant un portrait fasciné et terrifié du capitalisme (occasion d'oublier le didactisme ronflant des leçons de morale martelées par les intertitres). Et de toute façon, avec assez d'évidence, on a là un phare indéniable dans l'Histoire du cinéma français, qui nous a décidément été racontée n'importe comment.


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MessagePosté: 06 Juin 2011, 07:04 
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Schtroumpf sodomite
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Inscription: 22 Mar 2006, 22:43
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Tu donnes grave envi.

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MessagePosté: 06 Juin 2011, 07:51 
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tape dans ses mains sur La Compagnie créole
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Inscription: 28 Juil 2005, 10:08
Messages: 22345
Localisation: 26, Rue du Labrador, Bruxelles
Ouais, c'est un peu longuet quand même, mais c'est impressionnant ce film (pour l'époque).

Ma maigre contribution.

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"


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MessagePosté: 06 Juin 2011, 09:11 
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Vaut mieux l'avoir en journal
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Inscription: 04 Juil 2005, 15:21
Messages: 22414
Localisation: Paris
Le film retranscrit assez bien la puissance du Zola, bouquin lui-même incroyablement moderne.

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Anthony Sitruk - Bien sûr, nous eûmes des orages
(168 pages, 14.00€)
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