Emilio Gómez Muriel et Fred Zinnemann de leur nom complet
(+ Paul Strand, le chef-op, co-réal officieux)
Redes en VO,
The Wave à l'international.
Miro, pêcheur pauvre, doit enterrer son fils qu’il n’a pas pu soigner. Mais lorsque le poisson revient en abondance sur les côtes, le salaire versé aux pêcheurs d'Avaraldo s'avère ridicule. Furieux, Miro pousse ses collègues à la révolte.Encore un film sud-américain tout calme et tout doux, décidément... Voire limite abstrait par moments, le jeu à l'ouest des comédiens amateurs, tout comme leur post-synchronisation, donnant un aspect particulièrement théorique à tous les échanges dialogués. Cette histoire de révolte de pêcheurs, dont on connaît toutes les étapes obligées, surprend du coup d'abord par cette étrangeté-là : une façon de rester à distance polie de personnages croqués à peu de traits, réduits à des figures, existant d'abord en fonction du combat social qui tient lieu de sujet au film (aucune familiarité, aucun à-côté, aucune petite échappée). Via cette épure, via une durée très courte, via des hors-champ et ellipses inattendus (l'enfant mourant qu'on ne verra pas, la confrontation finale seulement amorcée), l'ensemble dessine une narration à la simplicité ambiguë, qui pourrait relever tout à la fois du film militant et de la fable.
L'apaisement bienveillant avec lequel on déroule cette histoire vient également calmer la tentation "réaliste" à observer les hommes au travail, toutes ces descriptions Flahertiennes un peu ronflantes du geste artisanal (qu'on pourrait d'ailleurs aussi comprendre comme un néo-réalisme avant l'heure). Ces séquences existent, mais sont baignées d'un lyrisme doux qui en contredit presque l'approche documentaire (avec par exemple toujours cet amour fasciné et bien peu prosaïque pour les ciels immenses : les trois quarts du film sont en contre-plongées). Souvenir, par exemple, des poissons balancés par dessus le filet, et qu'on observe longtemps danser dans l'air, contre le ciel, comme ça, gratuitement, comme pour un curieux ballet... Ça tient visiblement à une influence soviétique (pour la fascination des hommes au travail, pour les petites percées de montage typiques), et ce n'est pas une grosse surprise de voir que ces réals sont finalement bien plus à l'aise dans les scènes intégralement muettes, vraiment conçues et pensées comme des segments entiers sans paroles. Au-delà du déploiement plastique, on repère en effet dans le film une narration épurée vraiment pas dégueu, de petites histoires purement visuelles : le flot de pêcheurs qui s'écoule de l'assemblée lorsque le politicien prend la parole, les barques qui se rassemblent sans mot dire à la fin... Il y a une survivance de cinéma muet par ces petites touches qui n'est pas désagréable du tout.
C'est un peu trop désincarné pour réellement marquer, mais ça vaut la vision : le film est formellement solide, et beaucoup moins aride que ses modèles et héritiers - le néoréalisme à venir comme les montages eisensteiniens.
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Le DVD (Carlotta) : malgré tous les soins d'une restauration qu'on devine drastique, la copie a l'âge qu'elle a, et les rayures sont donc abondantes, même si jamais franchement gênantes. Sur quelques très rares plans, une autre copie a visiblement été utilisée, avec un son très abimé (et une image en déca). Mais dans l'ensemble c'est du très bon boulot, et la compression est impeccable. C'est marrant de voir qu'il est finalement pas très difficile de reconnaître une ligne éditoriale propre à Scorsese dans les sélections de sa fondation, que ce soit demandé ou implicite : des films très formels, assez flamboyants avec plusieurs passage tour-de-force, ni naturalistes ni austères...