VO: Mutiny on the BountyLe Bounty ramène de Tahiti des plants d'arbres à pain et les transporte en Jamaïque. A son bord, le cruel capitaine Bligh affame ses hommes et les maltraite. Le lieutenant Fletcher Christian va s'opposer à lui et organiser une mutinerie. Connu pour ses gigantesques débordements de budget, son changement de réalisateur en cours de route, son fiasco financier, les caprices de la star Marlon Brando, on oublie bien souvent ce qu'est avant tout ce film devenu un classique: un grand film d'aventures.
Inspiré de l'histoire vraie de mutins anglais au XVIIIème siècle, "Les révoltés du Bounty" avait déjà fait l'objet d'une adaptation en 1935, avec Clark Gable dans le rôle principal (je n'ai pas encore vu ce film malheureusement). La version de 1962 est, elle, bel et bien une superproduction pour l'époque: navire reconstruit à l'échelle, pléthore de figurants, casting de rêve... pour au total 2h50 de pellicules
en couleur!
Comme tout bon film d'aventures qui se respecte, ce film vaut particulièrement pour des ambiances formidablement reconstituées: scènes de tempêtes, neige, couchers de soleil sur l'océan, paysages idylliques d'îles volcaniques... Bref, une bonne dose d'ingrédients spectaculaires propres à nous en mettre "plein la vue". Ajoutez à cela de longues séquences "exotiques", comme les scènes de pêche et de danse à Tahiti, et ça y est: on s'y croit, dans cette Polynésie de rêve, celle du "bon sauvage" et du paradis sur terre...
Comment des marins martyrisés par un commandant tyrannique pourraient résister à la tentation de tout plaquer pour vivre eux aussi leur rêve océanien? De ce point de vue-là, le récit atteint son but, et nous fait progressivement prendre conscience de la situation insupportable instaurée sur le navire, et prendre parti pour les marins.
Et pour cause: sur les 2h50 de film, au moins les 3/4 sont consacrés à décrire la situation de pourrissement "pré-mutinerie". Ce pourrissement peut être vu principalement à travers le prisme de la dégradation progressive des rapports entre le capitaine Bligh et son second, le lieutement Christian, qui ne supporte plus les mauvais traitements (scènes terribles de fouettage, de privation d'eau) infligés par son supérieur à l'équipage.
De ce face à face qui vire à l'aigre, on peut retenir une interprétation très réussie de Trevor Howard en tyran psycho-rigide, dont on ne sait jamais si la cruauté parfois caustique est réfléchie ou aveugle. Mais le rôle principal est bien celui de Christian, interprété par Marlon Brandon. Et son interprétation est décisive, car étant donné que c'est l'évolution progressive de son comportement vis-à-vis de celui de son capitaine (lui ne changeant pas ou peu) qui va faire le "sel" du film pendant au moins 2h15, la crédibilité qu'il confère à son interprétation peut suffire à faire du film un navet ou une réussite.
De ce point de vue là, on peut dire que c'est "mission accomplie" pour Brando, qui, du snob un peu hautain qu'il est au début, révèle peu à peu son humanité, et multiplie des piques sarcastiques de plus en plus tranchantes envers son capitaine, jusqu'à une rupture finale assez convaincante, même si étonnammement elle privilégie le réalisme presque minimaliste au spectaculaire.
Mais le temps passé à décortiquer la mécanique de détérioration des rapports sur le Bounty finit forcément par empiéter sur la situation "post-mutinerie". Et il est vrai que la demi-heure qui reste pour décrire la fuite des mutins peut sembler bien courte, d'autant plus qu'elle aurait pu donner occasion à moultes rebondissements. La fin peut donc paraître bien abrupte, et c'est le principal reproche que j'adresse au film.
Aventure océanne, film de "confrontation",
Les révoltés du Bounty est surtout une interrogation sur l'autorité, mais plus profondément, sur la responsabilité individuelle de chacun face à des comprtements plus ou moins moralement acceptables. Faut-il à tout prix suivre la voix de sa conscience, au risque de tout perdre; respecter le formalisme de l'autorité et des codes, en certaines circonstances, est-il forcément synonyme de lâcheté?
Vaste sujet, mais le destin tragique du lieutement Christian, et plus globalement les différents choix des participants à l'épopée (ou l'enfer) du Bounty, ont le mérite de tracer la voie d'une réflexion à ce sujet.
4,5 - 5/6