Forum de FilmDeCulte

#10 - Faut-il brûler les antiquaires ?

Wes Anderson, Jean-Pierre Jeunet, Michel Gondry, Sylvain Chomet, Aki Kaurismäki : cinq noms, au moins, qui portent haut l'étendard d'une tendance pernicieuse qui s'est empressée d'infuser le cinéma contemporain, à commencer par des centaines de courts-métrages en manque d'inspiration. Soit un amour du vieux, de l'ancien, de la recup, moins nostalgique d'une époque dorée, que fétichiste de tout ce qui a déjà vécu. Et un cinéma qu'on serait tout prêt à promettre aux flammes de l'enfer.

Problème : les cinéastes incarnant cette tendance sont loin d'être négligeables, et avec un matériau commun, ils explorent des voies bien différentes. Une absurdité à la Tati pour Chomet, une obession de maîtrise maniaque pour Jeunet ou Anderson, un baroque à la Gilliam pour Gondry, un monde désanchanté à la Fassbinder pour Kaurismäki... Ces tendances sont-elles aléatoires, ou sont-elles autant d'extensions logique de ce fétichisme ? La fibre antiquaire de ces réalisateurs n'est-elle qu'une pellicule de surface ? Un petit hobby sans conséquence, derrière lequel un cinéma tout à fait personnel et indépendant s'ébrouerait sans dommage... Ou est-ce quelque chose de plus profond, de plus problématique ? Quelque chose qui conditionne la narration, la manière, la façon d'approcher le monde, et qui condamnerait ces films à l'échec ?

Et surtout : est-ce que le cinéma des antiquaires nous mène quelque part ? Est-ce que de ce terreau régressif va fleurir quelque chose dont l'Histoire du ciné contemporain a besoin ?


> Sommaire

Gondry est sans doute bricoleur, mais est-il antiquaire?? Le frelon vert ou Human nature, tu trouve que ça tiens de l'antiquaire?

Ils ont tous des exceptions : Jeunet a fait Alien...
Je trouve quand même qu'il y a chez Gondry un goût assez net de l'usé, mêlé à un truc régressif nostalgique de l'enfance, mais tu as peut-être raison.

Quand j'entends "à la Tati" ou "tatiesque", je fuis car j'ai appris à comprendre que c'est pour évoquer un film qui à mille lieues de la modernité de Playtime ou Mon Oncle.

Mais sinon, que vient faire Wes Anderson dans cette liste ? Chez Wes Anderson, il y a une vraie invention, il y a du worldbuilding. C'est coloré et fantaisiste mais ça ne se limite jamais à des gadgets ici et là comme chez Jeunet. On n'est jamais dans le cliché chez lui, il va systématiquement ailleurs.

Ah non mais pour moi les exceptions ce serait 90% de sa filmo alors!
L'enfance ou une certaine naïveté, je suis d'accord, la nostalgie des cabanes en carton limite, mais de l'usé ou des vieux meubles, des vieux vêtements, des villes éternelles, je ne suis vraiment pas sur...
Regarde ses clips aussi : ça ne respire pas vraiment l'antiquité

http://www.topito.com/top-meilleurs-clips-gondry

Oui.

_________________
Netflix les gars, Netflix.

Certes, mais ce n'est pas forcément ce qui est retenu de Tati - tout comme Jeunet ne va pas retenir le meilleur du réalisme poétique... On pourrait faire une question des influences de Tati d'ailleurs, c'est un empire, et à chaque fois infusé d'un aspect différent de son cinéma : j'en retrouve chez Sulieman, chez Tsai-Ming Liang, même dans Yi Yi...


Mais la qualité et l'inspiration des films n'est pas tellement la question ici (je pourrais très bien défendre Jeunet, par ailleurs). Il reste qu'il y a chez Anderson (au moins dans son dernier film, qui en fait presque le sujet), un amour de l'usé, du vieux - quoiqu'il en fasse, après.

Oui, je me suis peut-être gouré. Faut dire aussi que j'ai du mal à pas voir une forme de régression dans la célébration du bricolage, comme une fin en soi.

Un autre nom d'ailleurs qu'on pourrait rajouter à la liste (je vais le faire dans le message de tête, tiens) : Kaurismaki.

Une "célébration" ça me semble un peu abuser, c'est sans doute plus un fonctionnement assez naturel chez lui je trouve, et de nombreux travaux signés de sa part en sont même dépourvus... dans "Soyez sympas, Rembobinez", ou dans certaines scènes de "La science des rêves" ça atteint une certaine limite, on peut s'énerver de ce qu'il fait en se mettant en scène dans son doc sur Chomsky, mais ça a peu à voir avec l'antiquité je trouve. Puis c'est quand même aussi un vendeur de machine espresso Il y a clairement une fascination pour les objets et l'idée de manufacture, l'artisanat, mais ça peut aussi se faire dans un cadre de modernité, il n'y a qu'à voir le sketch de Tokyo avec la fille .



L'antiquaire, même Jeunet quand il est avec Caro c'est nettement moins le cas je trouve, ça vaut surtout pour "Amélie Poulain" et la suite le côté pathologique. Gilliam joue parfois d'un côté steampunk qui appuie plus sur le rétro en filigrane que sur le futuriste, mais bon c'est très difficile à systématiser. A la limite sont surtout concerné les films types "Les choristes" ou "Le petit Nicolas", qui s'appuient un peu sur Jeunet peut-être, mais aussi sur d'autres éléments qui ne s'arrêtent sans doute pas au cinéma.

Non pourquoi? Chacun a sa place voyons. Le problème tient plus de la répétition.

Disons que Les choristes et cie, j'ai le sentiment qu'ils se placent là-dedans parce que c'est un créneau simple à occuper, comme quelqu'un en charge de célébrer la France irait te foutre des bérets et des accordéons parce que c'est synonyme de bon vieil âge d'or dans l'inconscient collectif fané. Je trouve qu'il y a chez Jeunet quelque chose de plus, de presque pathologique oui, tout comme le "rangement" des breloques dans les plans d'Anderson, tout en symétrie, a quelque chose de pathologique.

C'est ça. Leur style est tellement marqué, tellement particulier, qu'il tend à perdre de son originalité avec le temps et si en plus les mecs peine à trouver de nouvelles choses à raconter, ils tournent vite en rond et/ou tombent dans l'auto-caricature.

_________________

Après c'est toujours la même histoire: est ce eux qui tournent en rond ou nous qui nous lassons, assoifés de nouveautés que nous sommes.

Non ça pour le coup je ne pense pas : l'usure des cinéastes qui n'ont plus rien à dire, ou qui n'ont plus rien à travailler de leur petit monde, je trouve que ça s'incarne assez nettement à l'écran. Quand Ozu fait 20 fois le même film, ce n'est pas lassant.

#Burton

_________________