Oui exactement. Contrairement aux apparences, la forme des films de Burton évolue et vit à travers ses premiers films : elle ne se sclérose qu'ensuite, quand elle devient signature. Y a un moment où Burton humainement change, dans le sens où il commence à nous raconter autre chose, se réconciliant avec la famille (et notamment avec son père), et où la forme continue à vide d'être celle d'un adolescent introverti, misanthrope, en colère et se sentant étranger au monde : y a un hiatus qui fait que les films ne fonctionnent plus.
Imaginons un spectateur qui n'a vu aucun Burton avant Frankenweenie, que je n'aime guère. Peut-être qu'il percevra lui la beauté et l'originalité de l'univers burtonien.
Inscription: 25 Nov 2005, 00:46 Messages: 86810 Localisation: Fortress of Précarité
L'inculture d'un spectateur n'est pas un argument en faveur d'une oeuvre.
Et surtout, ton argument marche aussi pour nous : un novice n'est pas lassé mais surtout il ne saura pas que Burton se répète. Mais ça n'empêche pas la répétition. C'est donc pas une question de lassitude.
La répétition, elle gêne personne quand elle concerne des auteurs inspirés. Le problème de Burton, Gilliam ou Jeunet, c'est aussi que le numérique a mis fin à leur capacité de chef décorateur. Elle a rendu caduque la création d'univers - surtout qu'en plus, en numérique, c'est devenu d'une laideur, parfois...
Et la pub, les clips... ont beaucoup recyclé leurs tics formelles jusqu'à l'overdose.
Pour l'instant, je trouve que Wes Anderson réussit à rester inventif narrativement et visuellement...
Dans le cas de Jeunet, j'ai pas vu le dernier, mais le problème de Micmac c'est moins le numérique (qui en est quasiment absent) que l'autisme total, le repli. Et pour le coup, la logique antiquaire y est menée jusqu'au bout (le mot est peut-être trop vague, mais disons une imagerie popu-bizarre-rétro pour unique finalité).
Y a clairement un truc chez lui avec le réalisme poétique, dans les acteurs à gueule, le plaisir de la réplique et le folklore parisien. Après, est-ce que c'est si fondamental... Je veux dire par là : est-ce que c'est pas juste parce qu'il est français, et que c'est ce qu'il a sous la main. Un truc comme Un long dimanche de fiançailles (qu'avec le recul je considère de très loin comme son meilleur film) semble assez s'en détacher pour fétichiser le passé lui-même, sans passer par cet intermédiaire (ou alors s'il y retient des choses du réalisme poétique, c'est plutôt les côtés intéressants : le parfum de malédiction sur le peuple, par exemple).
Jeunet a quand même une différence avec les 4 autres (ou 3, selon qu'on zappe ou pas Gondry) : c'est le seul qui ripoline. Tu sens ailleurs qu'il y a une sorte d'antidote intégrée au processus, que le regard en arrière ne peut se départir d'un côté dépressif et un peu mortifère, délavé, impassible : quelque chose qui prend la mesure de l'écart, de son absurdité. Jeunet, une fois séparé de Caro, c'est la fiesta totalement inconsciente, ça brille, c'est bariolé, ça célèbre aveuglément.
Disons que Les choristes et cie, j'ai le sentiment qu'ils se placent là-dedans parce que c'est un créneau simple à occuper, comme quelqu'un en charge de célébrer la France irait te foutre des bérets et des accordéons parce que c'est synonyme de bon vieil âge d'or dans l'inconscient collectif fané. Je trouve qu'il y a chez Jeunet quelque chose de plus, de presque pathologique oui, tout comme le "rangement" des breloques dans les plans d'Anderson, tout en symétrie, a quelque chose de pathologique.
Il y a un truc fétichiste et lié aussi au cadrage chez Wes Anderson qui est assez différent encore je trouve, associé effectivement à ce côté rangement et almanach... C'était amusant au départ en le liant à ses personnages, mais bon. On se rend compte aussi que ça c'est profondément accentué. Bottle Rocket est un premier film très différent de ça même si on retrouve d'autres éléments de sa filmo, et dans Rushmore c'est assez naturel. Jusqu'à Life Aquatic, je trouve limite que le côté pathologique apporte quelque chose, ça reste un style qui arrive à s'amplifier... Hôtel Chevalier est un truc atroce qui est un vrai tournant je trouve, un côté ostensiblement chic et plus poseur, je ne sais pas...
Sinon on oublie de parler de lui quand même tant qu'à faire dans les clichés, mince...
Dernière édition par Mr Chow le 21 Aoû 2014, 19:48, édité 1 fois.
Il y a un truc fétichiste et lié aussi au cadrage chez Wes Anderson qui est assez différent encore je trouve, associé effectivement à ce côté côté rangement et almanach... C'était amusant au départ en le liant à ses personnages, mais bon. On se rend compte aussi que ça c'est profond&ment accentué. Bottle Rocket est un premier film très différent de ça même si on retrouve d'autres éléments de sa filmo, et dans Rushmore c'est assez naturel. Jusqu'à Life Aquatic, je trouve limite que le côté pathologique apporte quelque chose, ça reste un style qui arrive à s'amplifier...
N'ayant pas vu ses premiers films, je peux pas trop rebondir là-dessus, même si j'ai aussi l'impression très nette d'une pente glissante, d'une maniaquerie grandissante qui bouffe peu à peu la filmo. Mais c'est justement pour cela (on en avait déjà un peu parlé dans le topic de son dernier) que je trouve que lorsqu'il l'assume totalement, lorsque ça devient non plus une déviance mais le but central, lorsqu'il va jusqu'au bout du délire, c'est plus motivant, plus intéressant. En gros, Jeunet est peut-être plus digeste quand il fait Amélie Poulain (où ce principe maniaque se systémise, devient limite sujet en soi) que ses deux suivants. Après je renie pas à ces deux cinéastes d'avoir autre chose à explorer que cette maniaquerie, mais dans cette veine, je préfère qu'ils y aillent à fond.
Il y a un truc fétichiste et lié aussi au cadrage chez Wes Anderson qui est assez différent encore je trouve, associé effectivement à ce côté côté rangement et almanach... C'était amusant au départ en le liant à ses personnages, mais bon. On se rend compte aussi que ça c'est profond&ment accentué. Bottle Rocket est un premier film très différent de ça même si on retrouve d'autres éléments de sa filmo, et dans Rushmore c'est assez naturel. Jusqu'à Life Aquatic, je trouve limite que le côté pathologique apporte quelque chose, ça reste un style qui arrive à s'amplifier...
N'ayant pas vu ses premiers films, je peux pas trop rebondir là-dessus, même si j'ai aussi l'impression très nette d'une pente glissante, d'une maniaquerie grandissante qui bouffe peu à peu la filmo. Mais c'est justement pour cela (on en avait déjà un peu parlé dans le topic de son dernier) que je trouve que lorsqu'il l'assume totalement, lorsque ça devient non plus une déviance mais le but central, lorsqu'il va jusqu'au bout du délire, c'est plus motivant, plus intéressant. En gros, Jeunet est peut-être plus digeste quand il fait Amélie Poulain (où ce principe maniaque se systémise, devient limite sujet en soi) que ses deux suivants. Après je renie pas à ces deux cinéastes d'avoir autre chose à explorer que cette maniaquerie, mais dans cette veine, je préfère qu'ils y aillent à fond.
Dans Rushmore, on sent un film qui tient quand même de l'autobio très sincère dans le personnage de Schwartzmann sans besoin d'en rajouter, c'est encore assez doux, il y a la co-écriture avec son ami d'enfance Owen Wilson qui a fait cette école de Rushmore comme Anderson qui donne un truc sans doute très juste... Les clins d'oeuil à Cousteau sont déjà là et tombe parfaitement aussi au détour d'un livre seulement... C'est vrai que l'évolution est déjà à mon sens radical avec les Tennenbaums dans l'amplification esthétique et le côté systmatique, mais ça arrive tellement tôt qu'on pourrait aussi tout faire débuter aux Tennebaums et trouver ses deux précédents plats, d'une certaine manière... Après je trouve que Life Aquatic et même Darjeeling Limited ont des ruptures de tons assez précieuses... Par contre les trois derniers sont d'une unité et d'une cohérence assez "brutales"
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