Etes-vous resté dans le même milieu social que vos parents ou pensez-vous être un transfuge de classe (économiquement comme culturellement) ?Parents ouvriers. Mon père a commencé à travailler à 14 ans et ma mère à 16 ans. On est partis en vacances trois fois pendant mon enfance, dont deux fois en restant dans les limites de Rhône-Alpes. Côté culture, la cinéphilie de mon père est morte grosso-modo avec Sergio Leone, il recommence à lire depuis quelques mois seulement et mes parents vont au théâtre quand on leur achète des places avec ma sœur.
Je suis ingénieur et ma compagne est (pour l’instant encore) médecin généraliste, on a un temps fait parti des 10% des français les plus riches (
https://wid.world/fr/comparateur-de-revenus/), donc clairement transfuge. Et culturellement, la découverte de la médiathèque publique au collège a changé ma vie.
Vivez-vous les choses comme une ascension ou un déclassement ?Ascension, évidemment.
Comment est-ce arrivé, est-ce que c'était conscient ?C’était parfaitement conscient. Mes études secondaires ont commencé à peu près au moment où mes parents ont fini de rembourser leur emprunt immobilier, alors ils ont enchainé en payant tous mes frais : logement, nourriture, transports. J’ai jamais de ma vie pensé finir ingénieur : moi, mon plan, c’était d’avoir un DUT alimentaire pour pouvoir tenter le concours de La Femis (diplôme Bac+2 obligatoire). Sauf que j’ai tellement bien réussi mon DUT que mes profs ont parlé de continuer en école d’ingénieur, et là j’ai vu briller les yeux de mes parents. Je sais très bien qu’ils auraient payé quand-même si j’avais été à La Femis, mais j’ai consciemment privilégié leur fierté d'avoir un fils ingénieur.
Sentez-vous une barrière aujourd'hui avec vos parents ? En général comment vous comparez-vous à eux ? Pas du tout de barrière, en tout cas pas depuis que je gagne ma vie. Une barrière s’est montée d’elle-même quand je suis devenu lecteur puis cinéphile. Mon père m’a suivi un temps, mais quand mes goûts se sont émancipé des siens, il a lâché l’affaire. Économiquement, on leur paye des choses quand on en a envie, mais on s’est mis dans la merde en contractant nous-même un emprunt immobilier donc finalement, je me retrouve un peu dans la même situation que mes parents quand j’étais jeune
Et avec le reste de votre famille ou vos amis d'enfance ?Reste de la famille, exactement la même chose que pour mes parents.
Mes plus vieux amis datent du lycée, et on était déjà dans le même délire qui n’a pas changé. La barrière de l'éloignement géographique, à la rigueur.