Chère Némésis, je ne laisserai pas ton premier top sans réponse. La liste complète des films, quand même, si quelqu'un a besoin :
Haneke est un cinéaste dont je me méfie. Coincé quelque part entre le mépris que m'inspire ce cinéma très moral et démonstratif (pas aidé par les interviews de l'homme et sa cinéphilie étriquée) et l'impression forte laissée par des films qui, ne lui en déplaisent, fonctionnent comme un excellent prolongement du cinéma d'horreur. La tension, l'angoisse, l'atmosphère à couper au couteau... Il y a un véritable talent à investir le quotidien (social, notamment) d'un parfum de terreur, ou plutôt d'en révéler toute la dimension angoissante, qui fait que je vais toujours voir ses films avec enthousiasme. Pas sûr néanmoins que sa filmographie impose la distance à l'horreur qu'elle recherche (ça fait un peu modernité cheap, quand même, à coup de dispositifs et de clichés - plans forcément rigides qui durent forcément longtemps), et les discours sociologiques que les films renferment malgré eux (sur la vidéo, sur les origines du mal) sont passablement ras-du-plancher. Bref, presque l'impression d'un cinéaste bon malgré lui... Mais il faudrait vraiment que je vois sa période autrichienne, il me manque la moitié du tableau.
1 -
Le Ruban blanc Je trouve que son cinéma s'ouvre à beaucoup de choses avec ce film. Le cinéma de genre honni semble enfin intégré (même si c'est inconscient), les personnages deviennent autre chose que des pantins, il y a un relatif humanisme qui émane du film ; un regard soucieux, qui pourrait se résumer au personnage de l'instituteur : pas d'émotion, pas de complaisance, mais une sobre inquiétude. Le passage avec le gamin sur le pont, par exemple, me semble surprenant chez lui. Le film parvient à faire un portrait presque mythologique de l'Allemagne "des origines", d'avant ce que l'Histoire retiendra d'elle : un côté ancestral, primal, dans la façon de peindre la terre qui enfantera le mal. Et puis un noir et blanc comme j'en ai rarement vu, surprenant, saillant, éblouissant, d'une pureté malaisante... Bref, j'en garde de très bons souvenirs, même si je trouve qu'il manque un dernier acte.
2 -
CachéLa PianisteCode inconnuLe premier est ultra-efficace, mais aussi ultra-carré et hyper peu surprenant - j'aime bien la façon dont ça va quand même filmer la France et son passé colonial, c'est discret, à peine effleuré, et ça marche bien. Le second a une beauté glacée que je trouve très séduisante, la prétention aussi à raconter une histoire d'amour, et une Annie Girardot en forme, mais il se coltine aussi un amas d'archétypes de film d'auteur glauque débiles (c'est un peu du Isabelle Huppert movie puissance 1000). Le dernier recèle de superbe pépites (le plan-séquence, la scène d'ouverture), mais l'ensemble est moyennement convaincant et manque d'ampleur - dans le genre cours du prof Haneke, on fait difficilement mieux aussi (ces derniers plans, voyons...). Bref, trois films qui se tiennent très bien, plutôt solides, agréables.
3 -
Le Temps du loupC'est raté mais passionnant. Y a des choses qui donnent l'impression que c'est un étudiant qui a pris la caméra (la fille qui écrit sa lettre à son père !), y a aucun scénar, c'est mou et pas très bien fixé dans la forme... Mais ça m'a énormément marqué et inspiré. Cette vision de fin du monde "a minima", appliquée à notre civilisation, est hyper forte. Les crépuscules et nuits ternes, sans réelles lumières, le sont également. Y a un projet pour le fantastique qui est un peu resté lettre morte, qui était voisin en un sens du
Trouble Every Day de Denis, que je trouve très motivant. Et le plan de fin, pour une fois, ressemble pas à une leçon de morale austère.
4 -
Le ChâteauChiant, de souvenir, même si élégant. Faudrait le revoir, j'étais jeune.
Funny Games je l'ai vu que par bouts, et pas tous en même temps, et même si je pense bien en avoir vu l'intégralité au final, je m'abstiendrais donc d'avoir un avis définitif dessus. De loin ça a quand même l'air détestable...
Cinéaste dont j'attends pas de miracle, mais des films solides. Il me fait un peu penser aux Coen (bien meilleurs et pas vraiment comparables, certes) : toujours l'assurance d'un service minimum.