Forum de FilmDeCulte

En 1854, trois femmes ayant perdu la raison sont confiées à Mary Bee Cuddy, une pionnière forte et indépendante originaire du Nebraska.
Sur sa route vers l’Iowa, où ces femmes pourront trouver refuge, elle croise le chemin de George Briggs, un rustre vagabond qu’elle sauve d’une mort imminente. Ils décident de s'associer afin de faire face, ensemble, à la rudesse et aux dangers qui sévissent dans les vastes étendues de la Frontière.

La seconde réalisation de Tommy Lee Jones après 3 enterrements n'est ni complètement un western (une bande d'indiens n'y fait que passer avant de reprendre leur route) ni un dégraissage du genre façon La dernière piste de Kelly Reichardt tant Rodrigo Prieto, le chef op d'Inaritu, magnifie sa photo en convoquant les grands mythes de l'Ouest. D'ailleurs, les deux personnages principaux se voient sans cesse rappelés qu'ils ne sont pas à leur place ici, et dès qu'on croit s'acclimater à des décors archétypaux du western on les somme de dégager comme pour souligner ce refus d'un genre étiqueté. Ce classicisme qui affleure tout en s'échappant (par deux ou trois fois, quand on pense avoir saisi le sujet, la quête initiatique du film, il part déjà sur autre chose, sans tambour ni trompette) évite certains travers de l'académisme... Malheureusement TLJ donne davantage à contempler ces déserts de désolations élégiaques où les femmes semblent condamnées à la folie ou au désespoir qu'à nous passionner pour ses personnages ou son histoire, du coup certains passages donnent parfois l'impression d'avoir été conçus comme des tunnels pour aboutir à une image esthétiquement splendide, et au final le tragique n'empoigne seulement que par à coups fluets.
3/6

Oui voilà c'est ça. Le postulat est déjà atypique (une vieille fille qui recrute un vieux brigand pour escorter 3 folles) et permet à Jones de peindre un portrait de l'époque que je n'attendais pas (vulgairement, être une femme dans l'Old West, c'était pas facile), à l'instar de certains retournements.

Jones réussit aussi à trouver quelques fulgurances à son perso pour sortir un peu de son sempiternel rôle de vieux bougon.

Et c'est trop long.

_________________

J'ai trouvé ça faible, souvent fade et narrativement laborieux. Swank, qui y met tous ses efforts, n'a finalement pas un personnage si riche que ça à jouer. L'ambivalence morale et idéologique du film, et de certains de ses personnages, est juste posée là, à disposition, jamais Jones n'exploite cette ambiguïté (je me sens par exemple mal à l'aise, dans la séquence du retour à l'hôtel, de pas voir le réal poser un regard clair là-dessus, pour laisser Beltrami reprendre le sac de nœuds ensuite avec une musique gentille, comme si de rien n'était...). Plus globalement, quand on balaie ses "messages" que le film trimballe plutôt que d'incarner ("la misogynie c'est mal", "les inégalités et préjugés envers les bouseux c'est mal"), je me rend compte que la mise en scène de Jones n'a pas grand chose à dire.

C'est con parce que c'est un pitch superbe, et que le film, à part quelques coquetteries (les flash-backs, par exemple), n'en fait vraiment pas grand chose.

J'avais trouvé Trois enterrements prometteur, insatisfaisant mais Jones réal semblait avoir du potentiel ; là ça montre plutôt ses limites, je trouve, de manière assez définitive vu les efforts (jeu, lumière, reconstitution) mis pour accoucher d'une telle souris.

Il y a une idée que j'aime bien dans le film. C'est la manière dont la folie des trois femmes gangrène peu à peu tous les autres personnages et n'épargne personne. On a un peu l'impression que le film décrit un moment dans l'histoire où l'humain a été tellement bafoué, la valeur de la vie tellement réduite à rien que la folie est la seule échappatoire. Jones oppose la maladie mentale manifeste et justifiée (c'est le cas des trois femmes) à une folie sociale et conjoncturelle. C'est du coup quand les personnages principaux y sombrent que le film devient passionnant
Mais oui je trouve qu'il y avait un sujet à la Impitoyable, les ingrédients parfait du fameux "western crépusculaire" mais Jones échoue un peu à donner une ampleur dramatique à l'ensemble et se contente d'enfiler ses micro-péripéties sans grande conviction. Reste une belle photo de Prieto (magnifique scène d'errance nocturne). Mais c'est peu.

3/6

_________________
CroqAnimement votre

J'ai l'impression que l'approche libertarienne du film vous a glissé dessus. Le film décrit dans un somptueux mouvement Ouest-Est l'avancée de la civilisation (et du capitalisme, surtout), avec comme tête de pont l'église.

Les pistes que vous proposez chacun, Art et Karloff, sont toutes deux passionnantes, mais je les trouve pas vraiment mises en scène par le film. Effectivement, ça m'a pas frappé, je le vois en repensant au script mais si c'est l'intention je trouve ça mal géré.

Il y a plein de détails pourtant, le coup des billets de banque, les rues, la question de la propriété au début du film.

Tout à fait d'accord, je trouve d'ailleurs que le film n'a rien de plus fort que dans le dernier tiers où règne plus une forme de désespoir sur le far west qui se fait civiliser par la religion et l'argent. Le film a pas mal de faiblesses, pour ma part je trouve que le deuxième tiers accuse un sacré coup de mou et je trouve le revirement narratif moyennement géré mais TLJ inscrit dans son film des embardées qui me séduisent. J'aime beaucoup le côté abrupt et sauvage du film lors des flash-backs et tout le passage à l'hôtel. La richesse thématique du film est assez séduisante sur le papier, après c'est frustrant de voir à quel point le traitement du cinéaste est inégal. Mais bon ça vaut quand-même le coup d'oeil.

4/6