Forum de FilmDeCulte

aka Des Teufels Bad



1750. Haute-Autriche. Agnes, une jeune mariée, se sent une étrangère dans le monde rural et froid de son mari. Très croyante et sensible, elle se replie progressivement sur elle-même. Sa prison intérieure devient écrasante, sa mélancolie insurmontable.

Troisième long métrage du tandem derrière Goodnight Mommy, passé par Berlin et sélectionné par l'Autriche pour concourir à l'Oscar du Meilleur Film en Langue étrangère, Des Teufels Bad, expression évoquant la dépression, creuse une fois de plus le sillon d'une horreur psychologique cette fois complètement défaite de toute nature fantastique mais explore en l'occurrence non pas le contraste des points de vue entre des enfants et leur mère mais celle d'une femme qui n'arrive pas à l'être à une époque où c'est tout ce qu'elle croit devoir être.

Le dispositif du film consiste à commencer par une scène-choc qui doit nous paraître inhumaine puis de dérouler la trajectoire d'un autre personnage de manière à rendre le geste compréhensible et la toute fin est indéniablement forte dans l'acte commis, dans la confession finale, dans les conséquences, mais pour en arriver là, il faut se farcir près de deux heures de trois fois rien où le triste sort d'une fermière autrichienne croyante du XVIIIe siècle nous est exposé par le biais de séquences somme toute déjà vues dans moult drames de femme au foyer prisonnière du carcan des impositions sociales (généralement dans les années 50, bah là c'est MILLESEPTCENT50).

Par conséquent, je me suis beaucoup ennuyé. J'ai toujours trouvé qu'il était difficile de montrer la dépression au cinéma en général, de réussir à éveiller l'empathie (la mienne en tout cas) et ce film ne déroge pas à la règle. Mais je suis peut-être pas une référence, ma femme a été incroyablement touchée par la tristesse du personnage et du film. C'est sorti mercredi 2 et ça ne passe déjà pas dans beaucoup de salles donc si ça vous intrigue, go.

Pour les autres qui veulent savoir de quoi ça parle :

_________________

J'avais très envie de le voir mais je sens que je vais le rater.

_________________
CroqAnimement votre

Il est sur Kg donc je le verrai mais je sens que je vais regretter…

Vrai film à voir au cinéma, la photo est sublime, les cadres acérés. Plus de mal avec le scénario doloriste à souhait.

Très bien foutu, mais scénario totalement répugnant (la réal est la femme et scénariste occasionnelle de Seidl...). Contrairement à ce qu'on peut lire un peu partout, il ne s'agit pas du tout d'une critique de la société religieuse dans laquelle se déroule l'histoire.

Le film te montre quand même que la meuf, parce qu'elle est croyante, estime que c'est son seul recours. Si ce ne sont pas les diktats de sa religion qui l'ont mené à faire ce qu'elle a fait, je vois pas c'est quoi.

_________________

Je vois surtout une femme mélancolique, voire hystérique, parce que frustrée car non satisfaite par un mari qui bande pas au lit (il est dit dans les commentaires d'IMDB qu'il serait homo, ce qui rendrait le film encore plus réac, même si c'est pas super évident dans le film). Autrement dit son problème principal qui la pousse vers l'autodestruction c'est pas du tout la religion, c'est d'avoir épousé un "faux homme", un homme dépourvu de virilité (soutenu par sa mère) qui accessoirement pourra pas lui donner d'enfant.

Ce qui la tue, c'est pas d'avoir épousé un faux homme mais de pas pouvoir accomplir la seule chose que pouvait faire une femme à cette époque : être une bonne mère au foyer, qui met les casseroles au bon endroit et pond un bébé comme il se doit (jamais personne n'envisage que ce n'est pas uniquement de son fait si elle n'en a pas, c'est la femme qui est blâmée comme seule responsable).
Ce qui la tue c'est le poids des impositions patriarcales.
Et ce qui la mène à faire ce qu'elle fait, c'est le poids des impositions religieuses.

_________________

Beaucoup aimé, c'est vraiment ma came ce genre de film à la croisée du folk horror et du film historique minimaliste rural et forestier. J'ai beaucoup pensé à Bruno Reidal dont la construction est assez similaire (scène choc et la suite qui tend à expliciter le geste) mais aussi au Chemin du serpent de Bo Widerberg qui montrait une famille paysanne sombrer peu à peu dans la mort et la folie et également à ce film qui j'ai adoré et que personne n'a vu You won't be alone de Goran Stolevski. Au delà du fait que j'ai trouvé le film absolument splendide visuellement (quel travail de lumière), le parcours de cette femme qui se perd peu à peu dans une vie qui n'est pas la sienne et qui ne lui apporte pas ce qu'elle est supposée en attendre par les canons de la religion et des conventions est bouleversant dans sa lente dégénérescence. L'actrice qui est aussi la compositrice de l'excellente musique du film est incroyable (et dont j'ai découvert halluciné après la projection que c'était la chanteuse de Soap&Skin, que j'adore et que j'ai vu en concert mais je l'avais pas reconnu). Le film est présenté partout comme un film d'horreur et je vois pas du tout en quoi, ce qu'il présente est évidemment horrible mais c'est plus un drame psychologique (comme l'était Bruno Reidal). D'ailleurs je trouve le regard des cinéastes parfaitement placé, jamais dans la complaisance ou le choc gratuit mais bien plus dans l'empathie. Le carton final qui explique un peu tout apporte un véritable éclairage nouveau au film et lui donne même une dimension dramatique supplémentaire. Non vraiment beaucoup aimé, il sera dans mon top. Je vais rattraper leurs films précédents.

5/6

_________________
CroqAnimement votre

Lohmann, au secours !

_________________

Quand je l’ai vu je savais qu’Art Core aimerait. C’est typiquement cet angle mort qu’il adore et que j’abhorre. Si je devais écrire dessus je serais plus dur que toi encore, mais ça serait lui accorder trop de crédits, de toutes façons j’ai mieux à faire.

Allez on veut du sang!

_________________

Non mais du mal a comprendre le rejet. Qu'on s'y ennuie je veux bien mais pour le reste...

_________________
CroqAnimement votre

Art Core veut que tu dises tout.

_________________

Message avec pleins de spoilers.


Pour faire simple, je pense très exactement l'inverse. On pense effectivement à Bruno Reidal (et à Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, mes frères et mes sœurs...), mais ça n'est clairement pas à l'avantage de ce film. A Midsommar aussi (pour le coup que je n'aime guère plus que celui-là pour à peu près les mêmes raisons). Comme tu (et Karloff) le fait remarquer sa plastique est irréprochable, mais j'aurai tendance à dire que c'est bien là le problème. Ce qui semble intéresser les réals, c'est bien plus leur image léchée que le sujet qu'il traite. Parce que des images chocs ou marquantes, le film n'en manque vraiment pas (les éclairages nocturnes éclairés au feu de bois, les poissons dans le seau, le cadavre de la précédente meurtrière, la foule qui se repait de son sang lorsque sa tête est coupée...).

Le sujet aurait pourtant pu être intéressant s'ils avaient essayé de saisir le tourment véritable de ces femmes meurtrières (j'imagine que l'on ne décide pas de tuer pour que l'on soit exécutée sans mûrement réfléchir son acte). Encore aurait-il fallu que la raison d'un tel geste ne se réduise pas à un chapelet de poncifs comme c'est le cas ici, la belle-doche envahissante qui impose à sa bru sa manière de mener le logis, le mari homo refoulé qui ne veut pas baiser sa femme (c'est effectivement une évidence, qu'il la retourne le premier soir pour essayer de bander en ne voyant que son cul et non ce qui en fait une femme, les soirées avinées où il veut embrasser tous ses potes). Franchement la situation sent tellement la facilité et est traitée de manière si caricaturale qu'il est pour moi évident que dans le fond ce n'était nullement le sujet qui les intéressait mais uniquement les images qu'ils pourraient en tirer. C'est très exactement ce que je déteste le plus au cinéma, une profonde insincérité.