Brewster MCCloud
4.5/6
Film composite, mi comédie policière (tournant en dérision Bullitt), mi fable philosophique et écologique (qui peut faire penser à certains aspects du romantisme allemand, par le fait de faire de la mort le résultat d'une logique de sens, qui s'épuise et non d'un événement ou d'un accident, Goethe n'est pas cité pour rien).
Troublant de voir une esthétique proche du cinéma du réel (long plans, bruit de fond mixé très en avant, attention envers les lieux et la ville très forte) servir une histoire parfois proche de la farce à la ZAZ. Le même écart, voire la même contradiction se retrouve dans l'écart entre l'idéologie du film d'une part, assez proche de celle du moment hippie, à la fois libertaire et collective, réussissant à interroger de manière fine les notions de dérision et d'ordre, et la vision morale d'Altman (on sent déjà une certaine forme de cynisme et de misogynie, que la beauté des actrices renforce). Même tension dans le fait de ridiculiser la mentalité texanne (tout en la faisant comprendre), mais en filmant la ville de Houston avec une forme d'amour. Au cœur de ces contradictions se trouve la figure de l'ange : sa protection , son amour et même sa cruauté relèvent d'une sorte de contrat, résiliable à tout moment, qui remplace le destin personnel des élus. Un lien existe entre l'importance de l'ange vexé (l'ange déçu plutôt que déchu) et l'idée que l'on ne parvient jamais qu'à subvertir que la sens des choses, mais pas leur apparence extérieure.
Des belles choses : la fin (sous forme de parade-spectacle chatoyante et morbide) est superbe. La poésie de la machine à voler (le film anticipe sur la Royal de Luxe, mais avec une cruauté qui s'oppose à l'abandon complet dans l'imaginaire, en neutralise la part symbolique). Les plans sur le visage de Bud Cod et son cri à la fin sont émotionnellement très forts, d'autant que le seul autre personnage à mourir, le flic, le fait dans un suicide filmé comme une farce : pour le policier la mort est une punition, pour l'idealiste Brewster, à la fois innocent et cynique, la punition et la négation de soi tiennent déjà dans le fait de parler : il aspire dans le même temps à la toute-puissance et au silence. C'est une tentative désespérée de se placée en dehors de toute fiction, le silence indique que le réel a lui-même choisi d'être hors-champ la figure du test remplace celle du doute, même au sein de la contestation de l'idéologie américaine.
Premier film de Shelley Duvall qui est très bonne (dont j'ai lu qu'elle était devenue récemment psychotique, disant dans des interviews qu'elle avait été violée par la Shérif de Nottingham, ce qui m'a attristé - la part I
inventive et poétique de la maladie est déplacée, d'autant moins reconnue et comprise qu'elle ressemble à une intention).
Et pour la petite histoire "Charlie" des livres pour enfants "Où est Charlie" , c'est Bud Cod en fait.
Moins tenu que The Long Goodbye mais plus riche en idées.
Bien envie de voir Nashville et la série Tanner 88