Forum de FilmDeCulte

C'est un film où ça dépasse presque la possibilité critique qui peut s'appliquer à toute oeuvre. Que peut-on dire ? Que c'est répétitif, que le montage aurait pu être plus resseré ? Ce serait presque indécent.

Quand on rentre dans la salle de cinéma on sait ce qu'on va voir. On va voir le portrait d'une personne qui a été tuée après le tournage dans une guerre qui n'est toujours pas terminée et qui ne semble pas prête de l'être.

Tout le film n'est qu'une succession de discussions vidéos Whatsapp où la réalisatrice rencontre Fatima Hassouna via un contact et entretient avec elle une relation d'abord purement journalistique avant de devenir une relation quasiment amicale. Fatima sous les questions de Sepideh nous raconte son quotidien dans un anglais approximatif et la vidéo instable souvent interrompue et plus les jours, les semaines et les mois passent, plus leur situation est intenable. Plus de nourriture, obligés de bouger sans cesse, la mort d'une amie chère de Fatima, l'évocation d'une dépression qui gronde etc..

Mais malgré tout ça, cette femme est incroyable. Elle a un sourire permanent qui illumine l'écran et qui devrait à lui seul mettre fin à cette guerre absurde. Elle déclare son amour pour Gaza, qu'elle n'a jamais quitté et son désir de voyager et de sortir de cet enclave qui est une véritable prison à ciel ouvert. La fin du film est terrible, alors que Sepideh lui annonce que le film est séléctionné à Cannes et qu'elle l'invite à venir (on peut douter du fait qu'elle aurait réussi à sortir de Gaza) et quelques jours plus tard un bombardement la tue elle et dix membres de sa famille. C'est au delà du déchirant, c'est littéralement insupportable.

En parallèle on peut admirer son travail de photographe, elle qui n'a cessé de documenter la vie quotidienne en temps de guerre, les enfants, les rues et la ville bombardées. Avec ce parallèle presuqe intolérable de la réalisatrice (qui semble en avoir conscience) elle dans sa vie bourgeoise, son grand appartement parisien, dont la seule préoccupation est d'aller ouvrir la porte au chat qui gratte, elle qui voyage sans cesse, à Florence, dans une maison de vacances au bord de la mer etc... Et en face la même désolation, les bombes qui tombent, la faim, la fatigue, le désespoirpourtant accueillis à chaque reprise avec le même sourire lumineux et regard curieux.

Bref un film très plombant, pas facile mais ô combien nécessaire dans l'époque actuelle et je ne vois pas comment on peut continuer à soutenir Israël quand on voit ça, ces morts inutiles, ces morts injustes, ces morts qui n'ont aucun sens.

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CroqAnimement votre

J’ai trouvé le film mauvais ça me dérange qu’on place la critique sur le plan de l’indécence.

Si la fille en question ne meurt pas, quel regard porterait on sur le dispositif répétitif et égocentrique utilisé ?

Quand tu vois la qualité des docs ukrainiens qui sortent dans l'anonymat total…

oui je sors de trois jours de débat sur Hind Rajab. Si maintenant on juge les films au sujet en évoquant les films nécessaires on arrête la critique,c’est fini

J'avoue j'ai pas de point de comparaison.
Mais même si elle meurt pas je trouve que ça reste un témoignage de l'intérieur auquel finalement on n'a pas du tout accès.

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CroqAnimement votre

Pour le coup et c’est ce qui rend l’inaction politique révoltante c’est qu’il s’agit du conflit le plus documenté

De l'intérieur de Gaza ? Je ne trouve pas tellement justement. Mais oui je suis d'accord que le film met mal à l'aise sur le côté égo de la réal même si elle s'en tire bien sur la fin (j'avais peur qu'elle se filme en larmes ou que sais-je, elle garde la bonne distance, avec des cartons simples, sans affect).

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CroqAnimement votre

A Paris Match, on a longtemps eu un des prêtres de Gaza, d'ailleurs il se filmait face cam, on n'a pas eu l'idée d'en faire quelque chose, la difficulté est de trouver une personne d'une neutralité absolue (d'ailleurs c'est un peu le problème de la famille de Fatima Hassouna mais est-on responsable des agissements de membre de sa famille ?).

Je trouve le film en tant que documentaire pas très bon, le dispositif est répétif, ça manque d'idée de mise en scène, quelque part de travail sur la forme, je trouve. Après il est incontestable d'un point de vue éthique (alors que Hind Rajab, c'est chaud).

C'est justement le problème de beaucoup des docu ukrainien dont tu te plains qu'ils sortent dans l'anonymat, il y a une excessive attention portée à la forme, ce qui donne l'impression de voir sortir en batterie des films commandités par la main du pouvoir actuellement en place (la BA de celui qui sort cette semaine, franchement non merci). Parce que le problème est effectivement qu'en plus il y en a beaucoup trop. Mais pas assez de mise en scène et pas assez de travail sur la forme, pour un documentaire qui ambitionne de faire ressentir l'urgence ce qui se passe actuellement à Gaza (ou n'importe où ailleurs), ça n'est absolument pas un problème, et je pense même que c'est au contraire un gage d'authenticité.

Tu parles desquels ? Car L'Invasion de Loznitsa c'est juste extraordinaire.

Et sur le deuxième point, je ne suis pas du tout d'accord, c'est un renoncement à chercher autre chose qu'un sujet.

Je l'ai arrêté au bout de 30min tellement ça m'a gonflé, je l'ai trouvé sans intérêt. 20 jours à Marioupol sinon, le meilleur reste Interceptés, surtout pour sa bande son qui justement n'est nullement mise en scène, certaines des séquences filmées étant par ailleurs parfois un peu trop manichéennes.


L'authenticité n'est pas quelque chose que l'on obtient et que l'on peut retranscrire si facilement. No other land ne brille pas particulièrement par sa mise en scène. Certains des films d'Avi Mograbi non plus (et ce sont ceux qui sont le moins mis en scène qui sont les meilleurs).

Top 3 assuré de l'année et son effet se joue dans la longueur, sans doute.




Ce n'est pas que la mise en scène, c'est difficile à expliquer, j'ai besoin d'un travail, de quelque chose de plus que l'enregistrement brut. Dans le cas du film de Sepideh Farsi, j'ai vraiment eu l'impression de voir un bout à bout à peine monté.

Tiens un bon exemple de ce que j'aime, c'est le travail de Wang Bing, je trouve au-delà de l'enregistrement d'une situation, ça devient du cinéma, par son cadrage, la répétition presque musicale des séquences, ça transcende le discours du film.

Je pense qu'il y a beaucoup à en dire, et positivement. Que Fatima Hassouna ait été assassinée la nuit suivant l'annonce de la sélection à Cannes ajoute nécessairement une dimension tragique supplémentaire, mais pour autant je ne pense pas que cela affecte particulièrement la réception que l'on en a. En tout cas je n'ai pas passé le temps de la projection avec une arrière pensée que l'on assistait à une sorte d’œuvre testamentaire. Parce qu'elle est trop lumineuse, que sa parole est juste et mesurée, et que la tragédie à laquelle on assiste sur près de deux heures se suffit amplement à elle-même (il n'y a qu'à l'entendre par ailleurs parler des proches qu'elle a perdu depuis le début du conflit pour comprendre que c'est malheureusement une triste routine à Gaza, et que n'importe lequel des survivants est un potentiel suivant sur la liste).

Pour ce qui est de sa forme, je l'ai personnellement trouvé irréprochable. On est dans le pur journal filmé, que je rapprocherai de No Sex Last Night, Route One USA ou Sherman's March. Aucun ne brille particulièrement par la qualité de sa mise en scène pour reprendre les mots de Karloff, le montage y est par contre crucial pour créer une trajectoire lisible à partir de très nombreuses heures d'enregistrement, on est dans tous les cas sur un matériau très brut, mais ça n'est pas là que se situe leur intérêt respectif (et ce sont tous de bons voir très bons films). Et dans le cas particulier du film de Farsi, il répond très exactement à la question de comment faire un film sur un territoire où l'on ne peut se rendre, ici en passant par un intermédiaire sur place, qui est par ailleurs photographe, donc qui sera justement à même de pouvoir transmettre les images que la réalisatrice ne peut pas capter. D'une certaine manière cela rejoint les éléments de Grand Tour tourné en Asie où Gomes ne pouvait se rendre pendant la pandémie. Et c'est aussi une réponse, un contre-champs donné à l'impuissance de Lapid dans Oui (et qui ne fait que me convaincre encore plus de l'indécence de cette séquence).


Ces petits apartés me semblent cruciaux, j'aurai trouvé le regard de la réalisatrice beaucoup plus intolérable sans cette conscience affichée du décalage entre sa (et notre) situation et celle de Fatima Hassouna. Elles en parle même franchement entre elles, Hassouna évoque à un moment qu'elle n'est pas une personne normale parce qu'elle ne peut rien faire de ce que n'importe qui ailleurs sur le globe est libre de faire. Et dans le même temps on sent que ces apartés sont aussi des fenêtres vers l'extérieur, une sorte d'échappatoire, voir le chat de Farsi, l'entendre parler des lieux où elle n'ira jamais. Dans tous les cas il y a forcément une telle injustice dans ces échanges, un tel sentiment d'impuissance, qu'il était nécessaire d'en rendre compte plutôt que tenter maladroitement de le dissimuler.


Je reviens sur ce point parce que décidément ça ne passe pas. Bien sûr que la qualité d'un documentaire passe par l'intérêt que suscite son sujet et la qualité de ses intervenants. Et la forme peu bien être extrêmement répétitive et limitée en terme de mise en scène que ça n'en affectera pas pour autant la qualité du film. Le plus important (comme toujours), c'est que cette mise en scène soit au diapason des intentions de la réalisatrice ou du réalisateur. Puisque tu mentionnes Wang Bing, que penses-tu des Âmes mortes (9 heures d'entretien face caméra avec des personnes ayant survécues aux purges maoïstes) ? Ou aux Quatre sœurs de Lanzmann ?

J'espère ne pas perturber ta digestion du poulet du dimanche tout de même. Pas vu les deux exemples que tu cites, mais je sais pourquoi je n'ai pas vu les âmes mortes : justement pour ce dispositif qui ne m'intéresse pas beaucoup et qui ne produit pas chez moi quelque chose au-delà du sujet traité. Dans le cas du Sepideh Farsi, ce qui me dérange beaucoup, c'est la manière justement dont elle ramène tout à elle, produisant un curieux sentiment d'égocentrisme. Et après, j'aurais aimé que ce ne soit pas que "elle n'a plus de réseau, ça a coupé, mon chat est plus libre que toi, hola que tal".

Après, tu as le droit que trouver ce doc meilleur que celui de Loznitsa, les bras m'en tombent un peu mais j'ai passé l'âge de croire mon avis universel.