elle me fascine julia ducournau. c'est quand même très dur de trouver des gens à admirer dans le cinéma français actuel, les carrières sont globalement très formatées, le système n'encourage pas les chemins de travers, les films audacieux, nouveaux, tout ça. et cette fille, fille de dentiste sortie d'henry iv, au physique de mannequin, qui devient une réalisatrice star, reines de freaks, avec ses films qui bident, c'est quand même, à mes yeux, la seule carrière vraiment admirable et folle qui a emergé depuis 10, 15, 20 ans. y avait grave, un chef d'oeuvre à mes yeux à la première vision, puis en le revoyant. et au final, le films le plus impactant du cinéma français depuis 20 ans : je passe ma vie à me plaindre que le cinéma français répète sans fin la même identité de film, que le movieverse français est minuscule, et grave est quand même le seul film à avoir engendré autant de frères et soeurs, du haut de ses 140k. il y avait titane, ce film que j'ai trouvé raté, totalement bordelique, ses 300k piteux. et ce geste de cinéma encore une fois zinzin, qui n'appartient qu'à elle, ces défauts en cascade mais tellement compréhensible, et pour l'absurdité de cette palme d'or y avait cet accomplissement iconique de carrière. bref c'était mauvais mais je ne lui en voulais pas : 25 est moins bien que 21, c'est normal, mais c'est déjà tellement génial de justement ne pas avoir tenté de faire la même chose que les gens qui smashent avec un truc et succombent à la tentation de refaire la même chose mais avec plus de fric et de manière plus calculée. vraiment, la meuf est une popstar.
les reproches et le mauvais accueil cannois ne me laissaient guère d'espoir - c'était vraiment le même champ lexical que mes reproches à titane - mais ça n'empêchait pas que j'étais content, ça me donnait l'occasion de découvrir le pathé palace (cinéma absurde et la salle est pas folle, très froide) et suivi d'une rencontre avec julia.
et à l'issu de la soirée, son identité de popstar m'est apparu : c'est lady gaga en 2014, en fait.
donc le film en lui-même est un gros bordel. beaucoup trop long. en roue libre, clairement. blindé de trucs insupportables - tahar rahim qui en fait des patacaisses pour aller chercher un oscar en 1996, au secours. une auto-indulgence dans ce récit qui ne fonctionne absolument pas et s'auto-complait à être opaque sans raison. des trucs tape à l'oeil gratuits, juvéniles (les montages chansons...).
des décisions sûrement mûrement pensées mais incompréhensibles
le film fait manifestement référence au sida, avec l'homosexualité, l'héroine, la temporalité, le lien à la maladie etc etc... mais du coup pourquoi une maladie imaginaire ? si c'est une maladie imaginaire autant la faire vivre dans un monde / un temps imaginaire ou ancrée dans une réalité alternative, mais profondément pas compris la logique de ces références très réalistes, pour une maladie imaginaire, dans un monde réel.. de la même manière, ça se passe dans un famille kabyle avec un contexte familial très réaliste - la grand-mère très bledarde, la fête de famille de l'aid... (et tout ça en référence à sa propre famille, sa mère était kabyle est médecin, comme dans le film donc) mais dans un contexte de 2ème génération mega integrée dans un collège avec 50% de noirs et arabes au début des années 90...)... sans parler de l'histoire du tatoo, sûrement un vestige de son scrapped scénario post titane, mais dont j'ai eu du mal à comprendre la raison d'être à part son pur truc narratif de lancer l'alerte maladie mais qui me semble excessif du coup.
et puis des choses très impressionnantes. cette force de cinéma viscérale, cette identité de film totalement unique dans le cinéma français en particulier et dans le cinéma mondial en générale, cette foi en elle-même, un travail de mise en scène perpetuellement spectaculaire - toute la mise en scène dans ses moindres aspects c'est vraiment une fille qui vit respire comprend le cinéma, elle est vraiment out of this world. des scènes puissantes. et puis, sans dec', ce cinéma de niche, qui parle des marginaux et des victimes du sida, qui va tout naturellement méga-bider, avec ces moyens, c'est du délire. impossible de ne pas être profondément admiratif de ce que j'étais en train de regarder, au moment même où je voyais qu'on en était qu'à 1h20 de film et que je me disais bordel mais c'est interminable et julia si tu as envie de de faire avancer ton récit pour me donner un vague indice sur ce que tu es en train de raconter n'hésite surtout pas, avant de lever les yeux au ciel devant le champ sur tahal avant de me dire "elle est vraiment formidable" devant le contre champ sur golshifesh.
et puis il y a eu ensuite le q&a. très généreux, 2 bonnes heures. et vraiment, lady gaga 2014. iconique. imblairable. impressionnante. insupportable. brillante. bullshiteuse 4000. une gigantesque bourgeoise, qui sur-joue l'intellectuelle (conséquence de devoir être prise au sérieux en ayant ce physique là ?), éternelle étudiante en art qui veut impressionner le jury, capable de te faire valoir une intention qui t'aurait sûrement touché si ça avait perceptible / compréhensible à un quelconque degré.
un truc marrant, c'est qu'un des (nombreux) problèmes du film ce sont les dialogues. on a très regulièrement des phrases bizarres, qu'on voit comme phrases écrites dans le scénario et qui ne fonctionnent pas du tout dans la bouche des acteurs. c'est vrai pour des scènes randoms, mais même dans les scènes plus émotionnelles ça ne marche pas de fou, on voit les intentions, l'effort. et quand quelqu'un dans le q&a lui a dit que les dialogues n'étaient pas toujours très réussis / fluides, elle a répondu en disant qu'elle écrivait ses dialogues en anglais avant de les traduire, et que si ça passait moyen ça lui allait : elle aime les trucs bizarres, décaler la normes un tout petit peu, déstabiliser le naturel pour créer un truc étrange. et c'était éloquent : déjà mon reproche formulé n'était donc pas absurde - les dialogues sont bien ratés, aucun bon dialogue sur cette planète n'a jamais été d'abord pensé dans une autre langue que la finale. ensuite, elle en fait son affaire dans une intention qui pourrait être intéressante - et explique d'autres reproches que j'ai à faire au film. pour un résultat qui n'est pas réussi, mais plein de volonté et de force artistique. ou alors elle est juste maîtresse bullshiteuse capable d'inventer une théorie à la con pour retourner le jury quand elle a foiré son devoir comme le dernier des architectes qui explique que quand le nouveau toit des halles faisait tomber des trombes d'eau pouvant briser la nusque du mec qui passe en dessous c'était pour symboliser le dialogue entre les éléments naturels et les activités de l'homme.
c'était vraiment interminable et par moments d'un ennui mortel donc pas sûr de le revoir avant 10 ans, mais je serai encore et toujours au taquet pour chaque nouvelle initiative de julia ducournau. elle est incroyable. et puis, après avoir haté de tout mon être lady gaga de the fame à artpop, je me refais une intégrale récemment et en revoyant toute cette période c'était totalement bordelique, n'importe quoi, chaque bonne idée était plombée par des trucs qui ne marchaient pas, l'oeuvre d'une fille en roue libre avec aucun feedback pertinent jamais donné, elle était absolument insupportable - mais je réalise aussi à quel point c'était une force de la nature iconique, la star absolue de sa génération, débordant d'énergie et de créativité et offrant un truc qui n'existe plus en général ni même chez elle - et qu'elle a depuis corrigé ses défauts mais du coup elle est devenue chiante.
donc continue de faire n'importe quoi julia, j'adore.
(chromatica elle était en depression profonde, elle a supervisé les productions finales d'une oreille distraite du fond de son lit, donc je le compte un peu à part.) mais sinon c'est ce que je dis : joanne est plus carré, focus, issu d'un processus beaucoup plus normal. et c'est chiant, quoi. le mess integral d'un artpop au final ça a plus de souffle.
donc je fais le parallèle avec cet alpha qui est vraiment elle en roue libre, défoncée à son propre cerveau comme gaga l'était aux drogues dures en faisant artpop. et elle a fait le femis section scénario, je ne doute pas qu'elle est capable de refaire un truc d'1h45 avec un récit tenant plus ou moins debout, en prenant vaguement compte le feedback que quelqu'un aurait eu l'opportunité de lui faire dans le processus... mais ça donnera joanne quoi.
Inscription: 25 Nov 2005, 00:46 Messages: 88394 Localisation: Fortress of Précarité
More like beta, j'ai pas raison la team?
J'apprécie toujours autant la volonté de genre assumée de Ducournau, et ce dès l'apparition du titre, bien plus série B que le reste du film, tout comme la représentation de la maladie, mais c'est encore un beau bordel par la suite. Enfin plus un bazar qu'un bordel. Parce que le film n'est pas si fouillis ni même réellement opaque, même avec son inutile twist du dernier tiers et donc sa tentative de mindfuck ratée, il est juste thématiquement alambiqué, sa main essayant d'attraper non pas un mais 4 ou 5 pompons différents dans le manège sans jamais ne faire plus qu'effleurer chacun d'entre eux.
Dès la première scène, assez jolie, la cinéaste montre son héroïne relier les points au sens propre, annonçant qu'elle devra le faire au sens figuré par la suite (et nous encore plus). Le souci, c'est que l'image finale ne ressemble pas à grand chose. Sans vouloir minimiser la maladie, une métaphore du SIDA en grand 2025, ça ne me paraît pas giga-pertinent - Titane était tout aussi fouillis mais sa réflexion sur le genre était beaucoup plus actuelle, moderne et porteuse - alors ce n'est pas vraiment le cœur du film, Ducournau étant une fois de plus davantage intéressée par une cellule familiale dysfonctionnelle mais là aussi, entre la crise adolescente de l'une, l'addiction de l'autre et le maternalisme parano de la troisième, c'est à la fois vaguement banal et trouvant sa force dans le cumul dramaturgique. Pour autant, je trouve que certaines grosses scènes ne sont pas méritées (comme ce premier hug dans la chambre entre Alpha et Amin, pourtant une séquence réussie en soi) ou sont trop clichés (leur évasion nocturne) pour réellement émouvoir, au même titre que la fin, qui révèle soudainement que tout était (aussi) une histoire de deuil impossible, trop masquée pour toucher in extremis. Ça m'a laissé de marbre quoi LOOOOOOL VOUS L'AVEZ? Et au milieu, est également laissé en friche tout ce qui touche à l'immigration, la superstition, l'assimilation...
Formellement aussi, je trouve pas ça jojo. La mise en scène en soi est assez sensible, avec toujours cette capacité à faire ressentir la douleur corporelle, qu'elle soit réaliste (les aiguilles) ou fantastique (la pierre qui s'effondre soudainement) - d'ailleurs, il y a une sorte de dissonance cognitive dans l'esthétisme de cette maladie même si j'imagine qu'aux yeux de Ducournau, il s'agit d'illustrer la façon dont les morts sont figés dans le temps - mais la photo m'a paru assez moche, avec son grain un peu chiqué et son gimmick passé/présent un peu hors sujet (pourquoi le passé, déjà tragique, est en couleurs chaudes?).
C'est pas la catastrophe évoquée par les avis cannois mais ça semble faire de Ducournau la Neill Blomkamp française.
J'hésite à lui envoyer ton texte Finger.... Je connais pas du tout Lady Gaga mais je vois très bien ce que tu veux décrire. Julia Ducournau, c'est un albatros, une Virginie Despentes du cinéma.
Sinon je l'ai interviewée récemment et pas du tout l'image que je m'en faisais, nana hyper sympa, blagueuse, Elle était totalement open sur les remarques même semi-négatives que je lui ai faites. Sur Alpha, le film est objectivement malade de plein de trucs, mais c'est pourtant comme tu le dis par un souffle de cinéma unique et casse-gueule.
Inscription: 24 Nov 2007, 21:02 Messages: 29098 Localisation: In the Oniric Quest of the Unknown Kadath
SPOILERS
Pendant la première heure j'était sincèrement séduit et je me demandais un peu d'où venait le torrent de critiques assassines que s'étaient pris le film à Cannes. Puis j'ai peu à peu compris. D'une part nue fois que le film a étalé toutes ses cartes (et il en a de tout évidence beaucoup trop), tout ce qui suit est extrêmement décevant, les enjeux sont très faibles (est-elle contaminée ?), très mal branlées (on comprend rien au personnage d'Amin, pourquoi il est là, ce qu'il est supposé apporter ?) et évidemment toute cette métaphore du Sida lourdingue (tout le truc sur l'homosexualité du prof, était-ce vraiment nécessaire ?) à travers ce virus au traitement visuel génial est traitée par dessus la jambe, limite abandonnée en route. On ne sait plus très bien ce que veut raconter le film, coming of age, récit de harcèlement, film sur la dépendance... On se perd jusqu'à cette fin où là le film sombre littéralement dans le catastrophique en devenant soudainement tout bonnement incompréhensible.
Ducournau se met à mélanger les époques et balance un twist sorti de nulle part qui modifie totalement le point de vue du film. C'était donc un film du point de vue de la mère qui ne parvenait pas à faire le deuil de son frère ? Littéralement rien compris aux dernières scènes. Elles se reveillent dans une chambre d'hôtel (où ? On l'a vue avant ?), Alpha lui dit qu'elle est trop jeune (pour quoi ?) Sa mère lui dira plus tard qu'elle aussi elle était trop jeune (pour quoi ?). Du coup passé totalement à côté de l'émotion qu'aurait dû susciter le film et cette fin visuellement plutôt belle. J'ai fini le film franchement agacé devant un tel bordel scénaristique.
Et c'est dommage parce que je trouve qu'il y a quelque chose dans cette ambiance morose quasiment exclusivement intérieure. Comme un film mental (le rêve dans le rêve du poème à un moment) avec ce côté presque étouffant de cette chambre d'adolescente, lieu de tous les traumatismes. Et cette fuite initiale coupée dans son élan. Et cette très belle idée du personnage de la mère qui passe son temps à ressuciter son frère c'est très émouvant (sur le papier). Le personnage de Tahar Rahim est assez beau aussi (et il est excellent) mais il manque de profondeur, de quelque chose, on le connaît pas. Finalement le film est vraiment beaucoup trop touffu, beaucoup trop chargé, ça manque de liant de partout, la plupart des scènes semblent inutiles d'un point de vue du scénario alors qu'il manque tout le reste pour que cet univers prenne sens (ce virus présenté comme "nouveau" alors que le frère l'avait 8 ans avant...). Detesté aussi l'utilisation de la musique de Ducournau, passé le début avec Portishead j'avais l'impression que chaque choix musical était hors sujet ou en décalage (peut-être volontairement) pour un résultat, là encore chaotique (mais pas de le bon sens du terme).
Bref difficile de pas voir un ratage quasi total devant le film, comment les producteurs ont pu laisser passer un scénario aussi mal écrit, aussi confus ? C'est rageant parce que les graines d'un bon film sont là, les ingrédients avaient tout pour donner un résultat positif mais non c'est irrémédiablement raté.
alors dans l'absolu ce n'est pas illégitime de la laisser faire ce qu'elle veut comme elle veut après une palme...
... mais titane ne sentait pas exactement non plus être un scénario en béton armé fruit d'un processus de développement sain avec des feedbacks constructifs tout au long du processus...
... puis dans le q&a elle a dit qu'elle avait écrit un scénario post-titane qu'elle a jeté, elle le présente comme étant son choix par peur de la stagnation artistique mais dur de savoir les producteurs n'ont pas joué un rôle dedans non plus ! donc peut-être pas si fermée que ça aux retours...
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