Forum de FilmDeCulte

oui, c'est d'autant plus le cas que, ayant vu le film en Chine à sa sortie, ma critique a été publiée début décembre, avant donc toutes les critiques pro et l'ouverture de ce topic. Tu perds une nouvelle occasion de te taire, mais on ne les compte plus...

J'y ai aussi plutôt vu à minima un regard désabusé sur la Chine d'aujourd'hui. Qu'on pourrait même étendre à l'occident, sauf que la Chine a vécu sur le temps d'une vie, ce que l'occident à vécu sur une période un peu plus longue.

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Pour moi c'est ni plus ni moins l'équivalent cinématographique de ce type de croûte : https://edition.cnn.com/style/article/b ... index.html, le rapprochement est d'autant plus approprié que le segment est muet et d'une grande mollesse. Je pense que ce genre de peinture ferait au minimum sourire à peu près tout le monde, mais bizarrement ça passe très bien au cinéma quand c'est JZK derrière la caméra.

Le fait que la dernière partie se passe sur un marché super clean surveillé par des caméras ne doit sans doute rien au hasard, puisque le début de la pandémie en Chine (pour ailleurs on ne saura probablement jamais) reste lié aux condions sanitaires du marché de Wuhan. Il s'agit avant tout de changer l'image des marchés chinois, c'est précisément ce que j'appelle une opération publicitaire. Est-ce que cela représente la nouvelle réalité de la Chine, oui et non. Si dans les grandes villes, beaucoup de marchés ont depuis été fermés ou mis aux normes, ce n'est pas vrai du tout dès qu'on quitte ces grandes villes, donc dans la majorité du pays. Quant aux lieux de vie underground et trash fréquentés par les jeunes et moins jeunes, ils n'ont pas été rayés de la carte, c'est tout simplement que JZK en faux punk à chaussures cirées a décidé de ne plus s'y intéresser pour diffuser une vision partielle du pays où la normalisation intégrale de l'individu et de son cadre de vie ont gagné.

Sur la partie recyclage, je rejoins Baptiste, je suis loin de trouver le procédé mauvais par principe. Déjà c'est bien mieux que de remonter son film ad nauseam et de nous en ressortir une litanie de versions, ou de venir le retoucher numériquement lors d'une restauration ultérieure. Les coupables se reconnaitront. J'aime l'idée qu'un film est à l'image de l'époque où il a été tourné/monté et qu'il devrait rester pour toujours en l'état. Ce que fais Jia Zhang-ke est tout autre, réutiliser des rushs non retenus dans le montage final, ça me semble tout à fait pertinent, une bien meilleure manière de marquer le passage du temps, des éléments qui 25 ans plus tôt n'avaient pas retenu son attention mais qui plus tard prennent finalement une résonance particulière. J'ai le tort de ne pas avoir vu les deux films dont sont issus ces rushs, difficile donc d'en apprécier leur pleine portée, voir même de savoir s'il s'agit d'une autre prise d'une scène précédemment utilisée, mais en l'état j'apprécie plutôt le geste, celui d'une filmographie qui sur le temps long se tient et se nourrit de son propre passé. Et puis cela permet quelque chose d'assez unique, à la manière du Boyhood de Linklater, bien plus poignant que du vieillissement numérique ou par maquillage, c'est que sur quasiment deux heures on voit effectivement les effets du temps sur le visage et le corps des acteurs, c'est d'ailleurs surtout pour cela que la dernière partie est digne d'intérêt de mon point de vue.

Sinon pour en revenir aux motivations de JZK au sujet de cette dernière partie, je pense que l'image qu'il donne de la gestion de crise COVID par l'état chinois il s'en cogne complétement. Et ce que l'on voit n'est ni positif ni négatif, c'est plutôt extrêmement neutre (et j'espère que c'est le dernier film tourné en condition COVID, parce qu'au final ça n'a pas donné cinématographiquement grand chose d'intéressant). Les danseurs de la dernière partie répondent juste aux chanteuses qui ouvrent le film. Ce qui marque bien plus, c'est la résignation qui hante ce dernier tiers, celle de Bin qui revient la queue entre les jambes à Datong parce que l'appel de ville natale est irrépressible, Qiaoqiao qui a un boulot de merde et certainement très éloigné de ses ambitions passées, les deux semblant prêt à se ré-acoquiner avec une absence totale d'enthousiasme. Résignation qui se double d'une certaine désillusion, ne serait-ce que technologique, le robot entrevu dans Still life était doué de capacité époustouflante, au lieu de ça aujourd'hui on se retrouve avec un erstaz de R2D2 aux capacités apparemment assez limité. Les glorieuses promesses du début du siècle se sont concrétisées dans des objets assez minable au final. Le footing final, où Qiaoqiao rejoint une masse qui se meut à un rythme quasi martial, rappel les fondements communistes de la Chine actuel, et qu'il est préférable de se fondre dans le groupe sans faire de vague plutôt que de jouer la tête brulée (probablement à l'image de l'évolution du rapport de JGK avec son pays natal).

Moi non plus, je n'ai rien contre par principe, tout dépend ce qu'on en fait. À partir du moment où ce choix est fait, il faut désormais de façon critique interroger le montage (en faisant abstraction des propos de JZK qui nous dit s'être abîmé là vue à monter son film, y avoir passé des années, blablabla). Là en l'occurence, je vois pas l'intérêt du tout : ça n'apporte rien scénaristiquement ni "documentairement" parlant aux films précédents, c'est 10 fois trop long donc mal monté (en particulier les rushs de Still Life qui semblent même pas être des rushs mais des morceaux du film), ça reprend une nième fois les personnages de Qiao et Bin de façon en plus contradictoire avec Les Éternels (film que tout le monde semble avoir oublié au passage), l'aspect chronologique du montage est finalement très scolaire, etc. Pourquoi ne pas faire un film se passant intégralement dans la Chine contemporaine et les spectateurs de faire eux-mêmes s'ils le souhaitent des relations avec les films passés, puisque le montage du film en lui-même ne créé rien ou pas grand chose ? Pour le public chinois, il me semble également curieux d'avoir des extraits de films (tournés dans des conditions totalement différentes, sans autorisations) qui ne passèrent jamais au cinéma à l'époque en raison de la censure. N'est-ce pas une manière de tout égaliser in fine quand il les colle à cette dernière partie bien acceptable sous tous rapports (tournage, diffusion), donc une autre forme de lifting des images anciennes qui firent face à la censure en leur temps.

Au contraire de toi je dirais que le grand film sur la politique zéro covid en Chine reste à faire, même si qq documentaires de cinéastes plus courageux que JZK ont déjà posé qq premières pierres intéressantes...