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 Sujet du message: Re: L'horloge parlante
MessagePosté: 07 Oct 2024, 08:18 
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Ah yes pour fêter les 30 ans de Forrest Gump.

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 Sujet du message: Re: L'horloge parlante
MessagePosté: 07 Oct 2024, 08:22 
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Forrest Gimp, oui


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 Sujet du message: Re: L'horloge parlante
MessagePosté: 07 Oct 2024, 08:30 
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Oh merde, pas courant de laisser son pied derrière soit.

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 Sujet du message: Re: L'horloge parlante
MessagePosté: 07 Oct 2024, 08:36 
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tape dans ses mains sur La Compagnie créole
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Film Freak a écrit:
Ah yes pour fêter les 30 ans de Forrest Gump.

Ou les 32 ans du Bal des Casse-Pieds.

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"


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 Sujet du message: Re: L'horloge parlante
MessagePosté: 07 Oct 2024, 08:40 
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Aïe, c'est quelle partie qui a cassé là, ça tient juste avec de la colle ?


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 Sujet du message: Re: L'horloge parlante
MessagePosté: 07 Oct 2024, 08:46 
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Art Core a écrit:
Oh merde, pas courant de laisser son pied derrière soit.

Ça m'est déjà arrivé il y a une quinzaine d'années !
Donc on peut presque me suivre à la trace...
REP A SA PETIT POUCET !


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 Sujet du message: Re: L'horloge parlante
MessagePosté: 07 Oct 2024, 08:51 
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oeil-de-lynx a écrit:
Aïe, c'est quelle partie qui a cassé là, ça tient juste avec de la colle ?

Là oui, l'emboiture est juste collée sur la "cheville", car c'est des prothèses de test, vu qu'on est en train de les refaire. C'est nettement plus fragile que les prothèses finies. Mais normalement ça tient... et surtout c'est pas supposé casser juste en descendant d'un trottoir...
Le truc qui fait vraiment chier (en plus d'avoir dû emprunter des béquilles à la pharmacie voisine juste pour rentrer chez moi), c'est qu'il va sans doute falloir reprendre tous les réglages qu'on avait déjà faits.


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 Sujet du message: Re: L'horloge parlante
MessagePosté: 07 Oct 2024, 17:09 
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T'es un fan de Street Trash?

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 Sujet du message: Re: L'horloge parlante
MessagePosté: 10 Oct 2024, 14:42 
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Le psychiatre zinzin qui exerce au vu et au su de tous pendant des années, réaction délirante de l'un de ses collègues

Citation:
« À chaque fois, les accusations me paraissent farfelues, avance le Pr Azorin. Je garde un doute. Peut-être que je me trompe, peut-être que je suis aveuglé par le fait que c'est un type brillant. Mais, pour violer les personnes qu'il aurait violées, il faut avoir envie, quoi. Et puis, on voit mal, à moins d'être vraiment fou, un médecin violant des patientes. [sic]


Citation:
ENQUÊTE. Le Dr Marc Adida, considéré comme un génie de la psychiatrie, aurait violé et agressé sexuellement plusieurs jeunes patientes vulnérables. Incarcéré, il sera jugé en 2025.

Elle y retourne, ce soir-là. Elle ne sait pas pourquoi. De nouveau les portes automatiques de l'hôpital Sainte-Marguerite, à Marseille. De nouveau, au deuxième étage, le long couloir éclairé au néon, la petite salle d'attente, le bureau ensuite - semblable aux autres, en apparence, mais qu'un verrou permet de fermer de l'intérieur. Il est plus de 18 heures, les secrétaires sont parties.

Plus tôt dans la journée, la jeune fille s'est scarifié les cuisses. « Pas les poignets, comme je le faisais toujours. Je crois que j'espérais qu'il le verrait avant de me violer une nouvelle fois, que ça l'arrêterait. Mais il a recommencé. » Élise* a des yeux presque transparents à force d'être clairs, un bandeau noué au poignet gauche. Elle a 24 ans ; elle en avait 19 lorsqu'elle a consulté le psychiatre Marc Adida pour la première fois.

Le médecin de 51 ans, praticien à l'assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM), est accusé de viols et d'agressions sexuelles aggravés sur quatre anciennes patientes ; incarcéré depuis octobre 2020, il sera jugé au printemps 2025. Le dossier, hors norme, raconte dix ans d'abus et de folie couverts par l'institution médicale.

À LIRE AUSSI

EXCLUSIF. Les dossiers noirs d'un grand chirurgien de Strasbourg

« Les dysfonctionnements ont été nombreux, c'est une évidence », dit aujourd'hui François Crémieux, directeur général de l'AP-HM depuis 2021. La direction assure avoir découvert l'ampleur de l'affaire lorsque le quotidien La Provence l'a révélée au public, en mai 2024. Elle a annoncé, le 3 septembre dernier, son souhait de se constituer partie civile.

Dr Marc Adida, praticien hospitalier à l'assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM).

Mai 2020. Élise signale les viols sur la plateforme des violences sexuelles et sexistes de la police. Elle a hésité pendant des semaines, certaine que sa plainte serait classée sans suite. Elle ignore que, deux mois plus tôt, une autre patiente du Dr Adida a déposé plainte pour agression sexuelle. Le médecin, rapporte-t-elle, l'a embrassée sur la bouche par surprise, pendant leur second rendez-vous. Elle se dégage, il recule : « Ça ne vous plaît pas ? On aurait pu continuer une thérapie comme ça. »

Une consultation « dramatiquement ubuesque »

Au cours de l'information judiciaire, deux plaintes supplémentaires - pour des viols et des agressions sexuelles qui auraient été commis en 2016 et 2019 - seront jointes. Mais les enquêteurs mettent au jour plusieurs autres relations teintées d'emprise et d'abus. Ils découvrent aussi que le petit monde de la psychiatrie marseillaise s'inquiétait depuis des années du comportement de ce médecin, sans que rien n'ait été mis en oeuvre pour le tenir éloigné des patients.

« Tout aurait pu s'arrêter en février 2010 », soupire François Crémieux. Marc Adida travaille déjà sous contrat à l'hôpital Sainte-Marguerite - mais il n'est pas encore titularisé - lorsqu'une première alerte parvient à la direction de l'établissement ainsi qu'au conseil de l'ordre des médecins. Un courrier très circonstancié, où la mère d'une patiente décrit la consultation « dramatiquement ubuesque » vécue par sa fille de 17 ans. Le signalement est jugé assez inquiétant pour qu'une expertise psychiatrique, la première d'une très longue série, soit demandée. Toutefois, comme la plupart de celles qui suivront, elle le déclare apte à exercer.

Les confrères du praticien s'interrogent déjà sur les liens privilégiés qu'il semble entretenir avec les trois patrons de la psychiatrie marseillaise : les professeurs Jean Naudin, Christophe Lançon et Jean-Michel Azorin. « Alors que ces trois-là se menaient une guerre sans merci, Marc les mettait d'accord, témoigne la Pre Raphaëlle Richieri, ancienne collègue du Dr Adida. Ils le considéraient comme le nouveau génie de la discipline, il était devenu intouchable. Vous prenez un maniaque et vous le faites mousser, il se sent tout-puissant. »« Marc était très investi, toujours disponible, mais on voyait qu'il n'allait pas bien, soupire une ancienne collègue. Le midi, on avait parfois l'impression de déjeuner avec un patient. »

Le médecin marseillais, qui sera diagnostiqué bipolaire, a toujours contesté souffrir de la moindre affection psychiatrique : il ne se reconnaît qu'un trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Par ailleurs fasciné par le haut potentiel intellectuel (HPI), il se dit « brillantissime ». De fait, son parcours est impressionnant. Il a repris des études de médecine après un premier cursus d'ingénieur et soutenu une thèse de neuro-sciences.

Quasi inconsciente, shootée aux somnifères

Son ex-épouse, Cécile*, décrit un homme passionné mais très possessif qui, petit à petit, instaure avec elle une relation d'emprise. Où il l'isole de ses proches, la culpabilise, multiplie les gestes violents et les chantages au suicide. Où, aussi, il lui impose des traitements médicamenteux qui, parfois, la mènent jusqu'au black-out. Ce sera également le cas, plus tard, d'une autre de ses compagnes : une jeune interne qui rapportera avoir été harcelée, battue et violée alors qu'elle était quasi inconsciente, shootée aux somnifères.

Témoignage. Cécile, son ex-femme, elle-même psychiatre, dans sa maison à Cassis. Elle décrit une relation d'emprise marquée par la violence. - OLIVIER HERTEL

Marc Adida commence à absorber, en grandes quantités, de la Ritaline, un psychostimulant utilisé d'ordinaire dans le traitement du TDAH et classé parmi les stupéfiants. « Au-delà des doses recommandées, les effets indésirables croissent de manière exponentielle : augmentation des risques cardiovasculaires ou des troubles psychotiques, délires, hallucinations, etc. », commente le Dr François Montastruc, spécialiste en psychopharmacologie clinique et en pharmacovigilance au CHU de Toulouse.

Un soir du printemps 2013, en pleine décompensation maniaque, le psychiatre menace de tuer son épouse et leur fille de 2 ans. Lorsque Cécile parvient à s'échapper de la maison avec l'enfant, il a déjà disposé une chaise au milieu du salon pour y attacher sa femme et sorti les couteaux de cuisine ; les gendarmes seront contraints de le neutraliser de deux tirs de taser. Appelé sur les lieux, le Pr Jean Naudin, chef du service de psychiatrie de Sainte-Marguerite, demande une hospitalisation sous contrainte judiciaire à l'hôpital de Toulon.

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Procès des viols de Mazan : « Il est impossible d'ignorer le rôle majeur de la domination masculine »

En reprenant le suivi de ses malades, les collègues de Marc Adida découvrent l'étendue du désastre. Un nombre faramineux d'entre eux ont reçu la même prescription : toujours de la Ritaline, associée à un régulateur de l'humeur, un neuroleptique et des antidépresseurs. « Un cocktail explosif, commente Raphaëlle Richieri, avec des posologies maximales, voire deux à trois fois supérieures aux doses recommandées. » Il reprend son travail, cependant. Et, très vite, de nouvelles alertes surviennent.

En juin 2014, il est accusé de prescription abusive de Ritaline par une patiente qui affirme, aujourd'hui, qu'il l'a également agressée sexuellement. Quelques mois plus tard, l'ordre des pharmaciens des Bouches-du-Rhône signale à l'ordre des médecins et au directeur de l'Agence régionale de santé (ARS) une multitude d'ordonnances de Ritaline émanant du même médecin, prescrites pour lui-même et sa famille.

« Un obscur complot sexuello-scientifique »

C'est cependant Marc Adida que choisit le Pr Azorin pour prendre la tête du centre Cassiopée, en octobre 2014. Cassiopée, c'est l'unité fermée de Sainte-Marguerite, celle où sont internés les malades les plus difficiles. Le 5 décembre 2013, une jeune fille de 20 ans, Camille V., s'y est pendue avec le haut de son pyjama. Une tragédie a priori sans lien avec le Dr Adida, qui n'est pas encore chef de l'unité. Mais la courte vie de la jeune femme est teintée d'un mystère : elle aurait porté plainte pour agression sexuelle contre le psychiatre, qui la suivait en consultation. Si le document reste aujourd'hui introuvable, l'ordonnance de mise en accusation tient la chose pour acquise. « Elle l'avait accusé de viol, c'est sûr », confirme au Point le Pr Azorin.

Lorsque Marc Adida est nommé, ses collègues ignorent tout de cette affaire. Mais ils s'alarment de voir une telle responsabilité confiée à un collègue aussi instable. Sans être entendus. « On m'a dit qu'il serait au contraire parfait dans le rôle, puisque lui-même avait eu l'expérience d'une unité fermée ! » rapporte un professeur de Sainte-Marguerite. « Il délirait sur les reptiliens, les Illuminatis et les anges, témoigne encore une collègue médecin. On pensait à chaque fois que quelqu'un interviendrait. Mais rien. »

Rien non plus après ces journées de décembre 2014 où Marc Adida envoie à la quasi-totalité de l'AP-HM, direction comprise, des e-mails évoquant, selon le résumé qu'en fera un expert psychiatre, « un obscur complot sexuello-scientifique ayant créé un réseau avec échanges de partenaires sexuelles ». Dans un autre courriel, adressé à une vingtaine de confrères, le psychiatre assure détenir la combinaison du prochain EuroMillions : « Faites jouer 2,5 euros à tous ceux que vous aimez et ceux que vous croyez ne pas aimer aussi : 01.05.14.18.19. Étoiles 07 09. » Sûr d'avoir découvert la martingale, il envoie aux uns et aux autres des chèques de 300 000 à 700 000 euros.

Une expertise psychiatrique du Dr Marc Adida demandée par le Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM) conclut, en octobre 2015, qu'il n'est « pas en état d'exercer la médecine ».

Quelques semaines après cet épisode, deux expertises psychiatriques sont diligentées. La première, menée pour le compte de l'ARS, estime que le Dr Adida est apte à exercer. La seconde, demandée par le Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom), est radicalement différente. L'expert note l'intelligence remarquable du sujet et sa faculté à dissimuler son état. Mais « une impression globale d'étrangeté mécanique et d'automate intelligent et averti se dégage de cette rencontre, écrit-il. La dimension clairement psychopathologique du fonctionnement de son esprit apparaît bien établie ». Conclusion : il n'est « pas en état » d'exercer la médecine.

« Je lui ai demandé d'arrêter »

Ce second rapport est remis au Cnom le 6 octobre 2015, près de six mois après l'examen. Que devient-il ? À qui est-il transmis ? Dans une réponse sibylline à nos demandes de précisions, l'Ordre nous a assuré n'avoir « jamais eu à connaître du comportement disciplinaire de ce praticien ». Quoi qu'il en soit, le Dr Adida poursuit ses consultations. Il aurait agressé Marie*, une autre de ses patientes, trois semaines après l'envoi du document.

Marc Adida suit la jeune femme depuis cinq ans. Marie est amoureuse de lui, elle le lui a dit et écrit. Il est plus de 22 heures quand il la reçoit, ce vendredi 30 octobre 2015. Il est très agité, décrit-elle, parle de la fin du monde, des élus et des damnés, examine le fond de ses pupilles pour voir si elle est « un ange déchu ». Elle essaie de résister à son délire, puis s'y abandonne. Il la prend sur ses genoux, l'embrasse, insiste pour lui faire un cunnilingus. Il l'emmène plus tard dans un hôtel, où il la pénètre brutalement avant de la laisser seule ; il emporte avec lui sa carte SIM afin que, lui explique-t-il, « les anges » ne la contactent pas.

La semaine qui suit, Marie retourne à la consultation - dans l'idée, affirme-t-elle, de récupérer la puce de son téléphone. Il la déshabille. « Il me retourne et là, je ne gère plus rien. Il est grand et il m'abaisse, et là, c'est viol pour de bon, raconte-t-elle aux enquêteurs. Je lui ai demandé d'arrêter, mais il n'arrêtait pas. » Lorsque, ensuite, Marie essaie de récupérer sa carte, il la plaque au mur et menace de lui « éclater la cervelle contre la vitre ».

À LIRE AUSSI Affaire des « viols de Mazan » : qu'est-ce que la soumission chimique ?

La jeune femme porte plainte quelques mois plus tard, en janvier 2016. Une enquête préliminaire est ouverte et le psychiatre est suspendu - avant que Marie ne se rétracte. À la demande de Marc Adida lui-même, confie-t-elle au Point :« Il m'a parlé pendant des heures pour me signifier qu'il était un être bon et qu'il y avait une perversion dans ce monde, un réseau qui cherche à faire du mal aux honnêtes personnes que nous sommes, lui et moi. J'ai fait ce qu'il me demandait, j'ai écrit au procureur et à sa direction. » L'affaire en reste là. Marie déposera une nouvelle plainte avec constitution de partie civile trois ans plus tard, en 2019. Comment expliquer, cependant, que rien n'ait été mis en oeuvre, dans l'intervalle ?

Identifier d'autres victimes potentielles

« À chaque fois, les accusations me paraissent farfelues, avance le Pr Azorin. Je garde un doute. Peut-être que je me trompe, peut-être que je suis aveuglé par le fait que c'est un type brillant. Mais, pour violer les personnes qu'il aurait violées, il faut avoir envie, quoi. Et puis, on voit mal, à moins d'être vraiment fou, un médecin violant des patientes. [sic] »

Défense. Me Pinel, l'avocat de Marc Adida, dénonce les conditions de détention de son client. - OLIVIER HERTEL

Après l'incarcération du Dr Adida à la maison d'arrêt de Luynes, en octobre 2020, l'omerta règne à Sainte-Marguerite. Nul ne sait ce qu'est devenu le médecin, absent depuis des mois. Les nouvelles viennent de l'un de ses codétenus qui, lors d'une hospitalisation, lance aux équipes : « Au fait, vous avez le bonjour de Marc Adida ! » La nouvelle direction de l'AP-HM assure, aujourd'hui, vouloir en finir avec la culture du secret. Une cellule d'écoute doit notamment être mise sur pied au sein du pôle psychiatrie. Pour libérer la parole. Pour aider à identifier d'autres victimes potentielles de Marc Adida, aussi.

Certaines se sont tues, en effet. Vanessa Morin a rencontré le psychiatre alors qu'elle était infirmière à Cassiopée. Elle « adorait » Marc, dit-elle. Mais elle l'a vu basculer. Elle raconte ce jour où il s'est agenouillé au milieu du couloir, hurlant : « Si je suis un mauvais médecin, vous n'avez qu'à me couper la tête ! » Elle relate aussi cette soirée où il la suit sur le parking de Solaris et l'empêche de partir, insistant pour passer la nuit avec elle ; elle finit par demander l'intervention d'un agent de sécurité.

Il y a encore Anna*, 34 ans. Une jeune femme vive, sensible, intelligente. Lorsqu'elle a rencontré Marc Adida, en 2018, elle était si fragile, transbahutée depuis vingt ans de cabinets en hôpitaux, gavée d'antidépresseurs et d'anxiolytiques. Auprès d'elle, il cesse vite de jouer un rôle de médecin. Les consultations se transforment en rendez-vous amicaux, puis amoureux. Elle s'éprend de lui, finit par accepter la relation clandestine qu'il lui propose. À deux reprises, selon son récit, il essaie de la sodomiser de force, elle manque de s'évanouir. Si elle n'a pas porté plainte, elle dit que cette relation aurait pu, aurait dû la détruire.

« Il s'agit de jeunes femmes fragiles »

Carmen* fait, elle, un signalement à l'Ordre et au Pr Lançon en novembre 2019. Le psychiatre, dit-elle, a essayé de l'embrasser à la fin de leur second rendez-vous. La jeune femme peine encore aujourd'hui à admettre la violence dont Marc Adida est accusé. Et se demande, comme d'autres, quel rôle a joué l'état psychiatrique du médecin. « Les passages à l'acte sont à séparer des troubles psychiques, estime une ancienne psychiatre de Sainte-Marguerite. S'ils étaient seuls en cause, Marc se serait comporté de la même façon avec toutes les femmes. Curieusement, son hypersexualité s'exprimait le soir avec des gamines fragiles, et pas à 14 heures avec moi, qui pouvais le rembarrer... »

Beaucoup de ses victimes apportent, à l'appui de leurs allégations, des messages, des e-mails, des fichiers audio. Toutes décrivent le même mode opératoire, les mêmes éléments de décor. Cette chauffeuse, par exemple, un canapé dépliable de couleur violette que Marc Adida installait dans son bureau avant certaines consultations. Toutes, alors qu'elles ne se connaissent pas, évoquent en outre la même particularité anatomique sur le sexe de leur agresseur présumé.

Le psychiatre conteste l'ensemble des faits qui lui sont reprochés : la justice aura à se prononcer sur ces accusations. « Il s'agit de jeunes femmes fragiles, leur perception de la réalité a pu être altérée », avance l'avocat de Marc Adida, Me Pinel. Ce dernier a déposé plusieurs demandes de libération, refusées jusqu'à présent. Il décrit un homme affaibli par les conditions « indignes » de sa détention ; un homme éteint.

De son ancien médecin, Élise espère des explications. Des excuses, peut-être. Elle essaie de se préparer à l'audience. Elle n'a rien confié à ses proches, elle sera seule. Elle dit qu'elle regardera peut-être un point fixe, au loin, pour ne pas flancher.

* Les prénoms ont été modifiés.


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 Sujet du message: Re: L'horloge parlante
MessagePosté: 11 Oct 2024, 08:33 
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Merci pour cet article, affaire dingue. Encore un illustre génie made in Marseille.


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 Sujet du message: Re: L'horloge parlante
MessagePosté: 13 Oct 2024, 10:46 
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Première fois que je vote en Belgique. Rien compris à leur truc.

Les provinciales et les communales sont deux scrutins différents mais figurant sur le même bulletin. Mais aux Provinciales les listes gardent le nom des partis, tandis qu'aux Communales ce sont des coalitions avec des noms comme Tous Ensemble2000 ou MonBled+. En fait le scrutin est conçu pour voter pour des individus (pour ne pas dire des relations) plutôt que des partis, avec l'histoire de case nominale vs case de tête. Et en plus je ne sais pas pourquoi mais on m'a donné que le tiers du bulletin pour les communales avec les noms de lessives, j'imagine que la Province (sans vrai poids politique, mais avec le plus de candidats...bien que vu l'état des voiries belges, autant y envoyer des gens sérieux plutót sue les recalés des autres scrutins) avait été partiellement renouvelée. Total 30 minutes de queue pour voter blanc, sur les affiches des municipales les noms des partis sont plus en évidence que ceux des coalition que je n'avais pas mémorisés, et dès lors que n'avais pas de préférence entre Mme Landru infirmière et Monsieur Dupain chef d'entreprise j'étais paumé. Et j'ai fait mon français en m'étonnant qu'il n'y ait pas d'enveloppe et en demandant pourquoi je n'avais pas pu voter pour les provinciales.

Et toujours le même putain de gag où les Belges ne semblent envisager d'entretenir ou refaire leur voiries, du chemin à l'autoroute, que durant les trois mois qui précédent les scrutins locaux, au point de paralyser des régions entières en faisant en même temps des trous partout.

_________________
Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ?
- Ce sont des fromages. On me les envoie de Calabre.


Jean-Paul Sartre


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 Sujet du message: Re: L'horloge parlante
MessagePosté: 25 Oct 2024, 14:45 
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Est-ce que quelqu'un aurait l'article complet :

https://www.lepoint.fr/culture/l-algeri ... 7450_3.php

_________________
Que lire cet hiver ?
Bien sûr, nous eûmes des orages, 168 pages, 14.00€ (Commander)
La Vie brève de Jan Palach, 192 pages, 16.50€ (Commander)


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 Sujet du message: Re: L'horloge parlante
MessagePosté: 25 Oct 2024, 15:36 
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Il y a un peu plus de dix ans, Kamel Daoud publiait son premier roman, Meursault, contre-enquête, qui fit connaître aux Français ce journaliste d'Oran. Depuis, il a confié au Point plusieurs centaines de chroniques qui lui ont valu d'être attaqué de toutes parts, ici et là-bas, notamment en devenant la cible d'une fatwa lancée par un imam algérien. Vigie d'Algérie sur les événements de France, il est aussi l'électron très libre de son pays - conservatoire et laboratoire de toutes les dérives idéologiques -, qui ignore la liberté de penser. L'été dernier, il a tranché la question qui le taraudait : partir ou rester ? Il a quitté Oran. S'est installé sur l'autre rive, à Paris.

Et, dès son arrivée, s'est acquitté du second roman qu'il portait depuis vingt ans, Houris, dont le sous-titre pourrait être « Décennie noire, contre-enquête ». Fresque intime de la guerre civile des années 1990 qui lui restait fichée en travers de la gorge, roman de la transgression d'un interdit, celui de faire un récit-miroir de ce monde du silence et de la mort.

À LIRE AUSSI Avec « Houris », Kamel Daoud brise le tabou de la guerre civile algérienne Quatre cents pages violentes et poétiques qui appelaient mille questions, dont voici quelques-unes. Dans ses réponses, Kamel Daoud se livre comme jamais sur l'Algérie de son passé, sur la France d'aujourd'hui, sur Gaza, sur l'antisémitisme, sur le déni, sur la frustration, sur le combat des femmes et les eucalyptus de son village de l'Oranais...

Le Point : Vous avez souvent dit que ce que vous aviez vu et vécu des années de plomb était indescriptible. Pourquoi avoir choisi la voix d'une femme pour en parler maintenant ?

Kamel Daoud : En règle générale, les Algériens parlent avec difficulté, peu ou pas du tout de la guerre civile. D'une part parce qu'une loi l'interdit depuis 2005 et que l'enfreindre peut vous coûter de trois à cinq ans de prison. D'autre part, j'ai l'impression que deux décennies sont nécessaires après une guerre pour être en mesure d'en parler. On est trop proche, on n'a pas assez de mots. Il y a donc un verrouillage extérieur, juridique, et une inhibition. L'Algérie cultive l'hypermnésie à l'égard de la guerre d'indépendance et l'amnésie pour cette guerre civile qui a fait 200 000 morts. On vous oblige à vous souvenir d'une mémoire que vous n'avez pas et à oublier une mémoire que vous avez. Pour le massacre de Had Chekala (31 décembre 1997) décrit dans le livre, quand je m'y suis rendu comme journaliste, j'ai eu, devant l'horreur absolue, la sensation d'un coup qui vous fait tellement mal que l'endroit frappé devient insensible. Quand je suis revenu à Oran, mon rédacteur en chef a changé mon titre et écrit « des dizaines de morts » au lieu de mille morts. On me répète : mille morts, ce n'est pas possible. J'ai beau leur jurer que je les ai vus, qu'on les a comptés, on ne me croit pas. Il a fallu dix ans pour qu'un ancien Premier ministre reconnaisse le chiffre. Il ne fallait pas « battre les tambours de la défaite », expliqua-t-il. Et cette incommunicabilité de la guerre, on la retrouve chez les reporters de guerre, qui se heurtent à l'incrédulité. Si la littérature a une nécessité, c'est celle de dire l'Histoire dans sa réalité, sa complexité, l'impossibilité même de retranscrire les choses. On peut rapporter qu'il y a eu des blessés, mais on ne peut pas raconter, sinon par la littérature, cette blessure.

Votre héroïne porte les stigmates de cette barbarie puisqu'elle a survécu mais sans cordes vocales...

J'avais rencontré des femmes que l'on avait tenté d'égorger, devenues muettes, j'avais été confronté à l'impossibilité physique de raconter. Et tout s'est cristallisé soudainement. Avoir deux langues, l'algérien et le français, un monologue intérieur et un discours saccagé pour l'extérieur, des choses qu'on peut dire, d'autres qu'on ne peut pas dire, une guerre invisible qu'on tente de rendre visible, tout s'est cristallisé en août 2023 quand je suis arrivé en France et le livre s'est écrit en six mois.

À LIRE AUSSI

Faites la guerre, pas l'amour !

Est-ce un hasard si vous avez pu l'écrire seulement en France ?

On n'écrit pas un livre sans un sentiment de liberté. La dictature commence au ventre comme une crampe, elle n'est pas seulement politique, elle n'est pas juste un régime, c'est une atmosphère. Celui qui vous diffame sur Internet, vous insulte, vous décourage, vous assène : « Ce que tu dis est vrai, mais il ne faut pas l'écrire dans Le Point », tout cela fait partie de la dictature.

Face à cette femme bâillonnée dans sa chair, il y a cet homme qui, au contraire, est dans le ressassement des massacres...

Parce qu'on oublie que les véritables victimes de cette guerre, comme de toutes les guerres, ce sont d'abord les femmes. On a pardonné aux égorgeurs d'enfants avec la loi sur la réconciliation de 2005, mais une femme qui s'est fait violer et engrosser dans un maquis, on ne lui pardonne pas. La grande épopée qu'on a voulue quasi homérique de la décolonisation a rendu les hommes libres mais, pour les femmes, ça n'a pas changé grand-chose, ça a même régressé. Quand les islamistes ont organisé des manifestations en 1991, l'un de leurs slogans disait « Cousina », « retournez à la cuisine » ! Le corps de la femme est le noeud intime et collectif, le lieu qui n'est pas dénoué. Après la Réconciliation, j'ai vu parader des émirs, les chefs des égorgeurs, mais les femmes ont été obligées de se cacher et de se voiler davantage. L'homme, comme dans mon roman, a droit à la parole, au récit ; la femme, elle, a les cordes vocales coupées. Mais la langue tranche elle aussi le silence, une incision dans le silence. Écrire, c'est reprendre la parole.

Lignée. Enfant, dans les années 1970.Ses grands-parents, avec qui il a longuement vécu dans un village près d'Oran. Son père (à g.), souvent absent, était gendarme de profession.

Votre héroïne parle à son futur enfant niché dans son ventre et lui dit : « C'est un couloir d'épines pour une femme que de vivre dans ce pays. »

La voix d'une femme était la plus légitime pour dire cette guerre. Pour une fois qu'elle peut parler, elle dit tout. Chaque mot est le dernier, l'ultima verba, car elle veut avorter de cet enfant et lui expliquer qu'elle le tue pour son bien. Pour les femmes, la guerre n'est jamais finie, même après la décolonisation. Et pour le totalitarisme islamique, la femme demeure l'obsession majeure. Tous ces débats, ces compromissions sur le voile, le féminisme... ce que vous vivez en France, en Occident, en matière de compromis avec l'islamisme, c'est un remake, nous l'avons vécu sur une échelle de dix ans, depuis les premières illusions des intellectuels à Alger qui, au nom de la démocratie, soutenaient les islamistes. En France, quand on vient d'Algérie, pour ceux de ma génération, on a l'impression d'être des revenants. Les revenants n'ont pas de mains, on parle peu, alors on suggère, on avertit, mais on ne peut pas changer les choses. Ce qui s'est passé en Algérie, c'est un 11 Septembre long de dix ans, qui n'a pas été filmé, qui a été effacé, que le monde ne connaît pas. Ce roman, je le voulais comme une brèche pour qu'on se souvienne que les choses se sont passées ainsi. Et risquent de se passer ainsi ailleurs.

Dans les dictatures, il y a souvent, pour échapper aux interdits, des chuchotements dans la vie privée... Ce n'est pas le cas en Algérie ?

Non, ce chuchotement, s'il a existé, a cessé très vite. Le scandale devant la monstruosité des islamistes s'est vite mué en complicité passive, en amnésie savante. Les élites, saignées par les islamistes, indignées au début contre ce mal du siècle, ont cessé de le dénoncer. Pourquoi ? Parce qu'il y eut ce moment de bascule où l'islamisme a pris en otage le mouvement décolonial en Occident. Ce fascisme s'est présenté comme l'instrument du procès de l'Occident, et voilà que les intellectuels algériens qui en étaient les victimes se sont convertis en avocats de ce courant, ont soutenu l'islamisme parce qu'il frappait l'Occident ! Ce fut la logique de « l'ennemi de mon ennemi devient mon ami ». Ce glissement s'est opéré récemment, encore une fois, avec Gaza et le soutien au Hamas, pourtant djihadiste et pas nationaliste, juste parce qu'il attaque Israël. C'est ce que j'appelle une intoxication idéologique de la mémoire. Une trahison de sa propre douleur travestie en solidarité monstrueuse. La guerre civile algérienne n'était plus un cas d'école pour dénoncer l'islamisme, mais quelque chose de honteux que l'on cache sous le tapis, parce qu'il faut, en priorité, attaquer l'Occident au nom du décolonial permanent. À la fin, l'islamiste s'en sort avec le grade de révolutionnaire, de Mao barbu et confessionnel. Sachant qu'il n'y a pas de photos, de support, d'anniversaires de mémoire, il n'y a donc rien à dire, à montrer aujourd'hui. Et puis c'est une guerre fratricide. Il est plus facile de dire que l'ennemi est la France que de dire que nous le portons en nous-mêmes.

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Comment expliquer l'extrême violence de cette guerre ?

C'est très complexe. J'ai évacué beaucoup de choses du roman parce que je me suis dit que les gens ne me croiraient pas. Vers la fin de la guerre civile, le mouvement islamiste armé a éclaté en mille sectes. L'une d'elles se désignait comme Al-Ghadibouna Ala-Allah, « les coléreux contre Dieu ». Ils se coupaient l'index, celui qui désigne Dieu au ciel pendant la prière, racontait-on. Les confins de l'absurde sanguinaire, de la psychose collective. On était dans une hystérie sectaire du Moyen Âge où des gens tuaient parce qu'ils étaient en colère contre Dieu, qui ne leur avait pas donné la victoire. Cette violence était de l'ordre symbolique du suicide. À Had Chekala, ils ont tué les femmes, les hommes, les enfants, les chèvres, les vaches, les chiens, les poules. Tout ce qui respirait a été décapité. Au-delà du fait de tuer, ils morcelaient les corps, les profanaient. Une violence au-delà de la violence. Quelque chose de l'ordre de l'indistinct, qui ne se disait pas. Une dramaturgie à huis clos. Ce tabou du silence et du mensonge vaut aussi pour les élites algériennes venues s'installer en France durant et après cette guerre, car ils ne vous parlent que de la rente mémorielle décoloniale. Personne n'ose regarder dans le fond du puits de la guerre civile, qui touche aussi la France, puisqu'il y a eu des victimes de cette guerre, avec les attentats dans les métros de Paris.

Carnage. Le 28 août 1997, dans le village de Raïs, près d'Alger, 300 personnes, en majorité des femmes et des enfants, furent assassinées par le GIA. - NEW PRESS/SIPA Terreur. La casbah d'Alger, le 5 janvier 1992, quelques jours avant la démission du président Chadli Bendjedid et l'annulation des élections législatives. - FACELLY/SIPAPeut-être parce qu'il y a eu des compromissions ou des aveuglements des intellectuels et des journalistes français sur cette guerre ?

Il y a eu beaucoup de compromissions passives, d'illusions, d'indulgences. J'appellerais ça l'effet de biais de l'exotisme intellectuel. Les ruptures politiques dans les pays décolonisés sont toujours perçues en France à travers un exotisme journalistique. Les gens affirmaient que ce n'étaient pas les crimes des islamistes, mais ceux du régime, qu'on mentait... Très peu de voix racontaient la vérité, allaient sur place, interrogeaient les muets, au-delà des cercles urbains égocentriques d'Alger. La plupart des médias en France ont été pris en otage par les intellectuels du décolonialisme et leurs sigles politiques. La méconnaissance l'a emporté. Accentuée par la méconnaissance de la langue arabe, les difficultés pour obtenir des visas et accéder à l'Algérie profonde. On a distribué les rôles de victimes (les islamistes), de coupables (le régime) et de martyrs (les militants hyperurbains), ce qui a donné un narratif où les djihadistes devenaient des anges spoliés de leur victoire électorale en 1992. Je n'oublie jamais que ces tueurs m'ont volé les meilleures années de ma vie, de 20 à 30 ans. Je ne les ai pas vues, ces années, je ne les ai pas vécues. Qui a manifesté pour nous à cette époque de massacres ? Qui a bloqué des universités en Europe ou aux États-Unis pour nous ? Qui a porté l'habit traditionnel algérien pour manifester sa solidarité avec nous ? Personne.

Vous avez entre 20 et 30 ans, vous débutez dans le journalisme. Il ressemble à quoi, le Kamel Daoud des années 1990 ?

J'étais un personnage de Balzac, naïf, villageois qui arrive en ville, qui termine ses études, qui ne veut pas revenir à la routine mortelle du village. Les journaux recrutaient beaucoup parce qu'on tuait beaucoup de journalistes. On arrivait, on était recruté. Je suis allé enquêter sur les lieux des massacres, alors que je ne savais rien de ce métier. On était sous-payé, au noir, exploité par les éditeurs. Il m'était impossible de louer un logement, je dormais dans les rédactions, dans des cafés, sur des terrasses d'immeubles, etc. Ce furent aussi des années de sexe, d'alcool, de joie féroce, ce que les gens ne comprenaient pas. Parce que chaque jour, quelqu'un qu'on connaissait disparaissait. Il y avait aussi la drogue du réel. En temps de guerre, le journalisme apporte cette drogue de l'exceptionnel, tout le reste vous paraît factice quand vous revenez des tranchées. Comment être enseignant à la fac ou terminer ses études alors que vous marchiez la veille sur des cadavres ? C'est spongieux, un cadavre, quand vous marchez dessus. Le sourire des têtes décapitées me hantait. Pas un sourire, plutôt un rictus de sidération, figé dans l'instant éternel, regardant une télévision qui n'existe pas, quelque chose qu'on ne voit pas, une scène sidérante et invisible. Cette tête est comme une mauvaise blague à laquelle on n'arrive pas à croire. Une période de guerre, on la vit aussi avec naïveté, la naïveté de l'idiotie, du romantisme, de l'aventure. On s'imagine être vivant parce que la mort est partout. On lit Gheorghiu, Koestler, des auteurs de l'Europe de l'Est, du totalitarisme... Dino Buzzati, Le Désert des Tartares, un roman très algérien d'ailleurs. Un amour, du même auteur, par exemple. C'est un âge où on mêle tout, littérature, guerre, libido, naïveté, mensonges, séduction, trahison, pour échapper au Rien. Je me retrouve être un enfant de la guerre, mais pas de la bonne. Alors je verse dans l'excès du risque. Après le massacre de Had Chekala, j'ai cru que j'avais franchi le cap de l'insensibilité, mais six mois plus tard, j'ai eu un ulcère à l'estomac. Parce que ça remonte, quoi qu'on fasse. Le corps du survivant est la métaphore de la guerre. Dans une guerre, on perd son corps, même quand on survit.

Je n'oublie jamais que ces tueurs m'ont volé les meilleures années de ma vie, de 20 à 30 ans. Je ne les ai pas vues, ces années, je ne les ai pas vécues.

Aviez-vous d'autres manifestations physiques ?

L'insomnie. Mais je ne suis pas devenu alcoolique comme la génération de mes aînés journalistes. Je voyais mon propre directeur affalé, ivre mort, dans les escaliers qui menaient à la rédaction à 4 heures du matin parce que ses deux copains avaient été tués la veille, etc. Je me suis dit : Ça ne m'arrivera pas, cette déchéance au nom du martyre. J'ai eu cette volonté de rester digne. Je me suis dit : Je vais travailler, bien m'habiller, écrire. Mais quelque chose n'a pas été réparé, ne s'est pas apaisé, qui explique que j'écris beaucoup.

Ce « quelque chose » s'est-il apaisé après l'écriture de « Houris » ?

Oui... Vraiment. J'ai l'impression d'avoir ordonné les choses, de savoir comment le raconter maintenant. La guerre civile est devenue narrable. Je peux la raconter. Avant, il s'agissait juste de conversations après un dîner, une conversation intime à haute voix, mais pas d'un roman. Là, des personnages racontent pour moi. J'ai d'ailleurs envie de poursuivre cette histoire par d'autres voix.

La Madone de Bentalha. Une femme endeuillée par la perte de plusieurs membres de sa famille lors d'une attaque par un groupe armé à Bentalha, près d'Alger, dans la nuit du 22 au 23 septembre 1997. Cette photo, devenue emblématique des massacres pendant la guerre civile, est aussi quasiment l'une des seules de cette période. Quel moyen l'Algérie a-t-elle de sortir de sa névrose, si elle n'en parle pas ?

Il n'y a aucun autre moyen sinon de dire les choses, de revenir au présent. L'Algérie est un pays totalement anachronique, tourné vers une épopée qui est figée et médusante, une guerre de libération qu'il s'agit de toujours revivre. Voilà pourquoi la France fait partie intimement de l'Algérie. C'est une nécessité intérieure. La question qui domine ce roman, que je me posais depuis longtemps, est la suivante : quand on vit une guerre, comme la guerre civile, est-ce qu'il s'agit de l'oublier pour vivre ou doit-on s'en souvenir tout le temps pour ne pas refaire la même erreur ? Il y a des pays qui choisissent de se souvenir tout le temps. Il y a des pays qui choisissent d'oublier. J'ai visité des pays comme le Vietnam, où j'ai été ébahi par ce rapport à l'Histoire. Alors que nous, nous sommes un « vétéranat », composé de ceux qui ont fait la guerre ou de ceux qui imitent ceux qui ont fait la guerre.

N'est-ce pas ce qui bloque toutes les tentatives de la France pour renouer le dialogue ?

La France est un accessoire pour l'Algérie et inversement. Ce sont deux champs totalement différents. Ajoutons la barrière linguistique et le mensonge sur soi, on est dans un film tourné par deux acteurs qui parlent deux langues différentes et qui est sous-titré dans une troisième. C'est fascinant. C'est ce double aveuglement que j'explique parfois dans mes chroniques du Point. L'histoire est figée... il y a de la culpabilité, du déni, de l'amnésie et de la méconnaissance profonde et volontaire. Un jeu de rôles.

L'Algérie est donc aussi un accessoire pour la France ?

En France, quand on me parle du régime des généraux, j'ai envie de dire : Mais ce n'est plus comme ça. Vous percevez l'Algérie à travers le FLN de 1956, l'armée de 1962, le parti unique des années 1970. Les choses ont beaucoup changé. Les deux réalités ne sont pas synchronisées.

Les choses sont-elles vraiment figées, ou y a-t-il des raisons d'espérer ?

Aujourd'hui, l'Algérie subit un processus d'islamisation de l'exercice politique qui va aboutir à une sorte de deal à l'iranienne : un accord entre un centre militaire dur qui se maintiendra toujours au pouvoir et un corps social déjà islamisé. J'ai grandi dans des villages où il y avait le maire et le chef de brigade, puis, pendant la guerre civile, il n'y a plus eu que le chef de brigade, et maintenant, c'est l'imam. On vient d'ouvrir la grande mosquée d'Alger, en nommant par décret un imam dont le statut est quasiment supérieur au ministre. Un jour, il aura le pouvoir. Il s'opère une « ayatollahisation » de l'État. Les islamistes ont retenu la leçon qu'il ne fallait pas affronter ce régime, qui les avait militairement vaincus, qu'il fallait y aller tout doucement.

Donc, y a-t-il lieu d'espérer ?

Quand je vais voir ma mère au village, ce que je vois, c'est l'école, ceux qui enseignent et ce qui est enseigné : l'enfer, la haine de l'autre, du Juif, le refus de l'universalité, l'interdit du corps, le machisme, le chauvinisme, le racisme, une religion bloquée sur la détestation des différences et une vanité nationale comique. Comment voulez-vous compter sur une école qui produit le contraire de ce que vous pouvez espérer ? C'est pour ça que les démocrates d'Alger me font rire. Parce que c'est bien beau de parler sur les chaînes françaises, d'avoir un faux ego révolutionnaire en mode selfie, mais il faut fabriquer de la citoyenneté pour pouvoir imposer la démocratie. Les islamistes l'ont compris. Ils travaillent la base. On voudrait qu'avec dix démocrates connus des ONG et des Européens, la démocratie avance en Algérie. Mais avec qui ? Dix journalistes, cinq écrivains ? Je n'y crois absolument plus. Il faut commencer par l'école, pas par les selfies.

Voilà pourquoi, en France, la question du foulard, apparemment anecdotique, a été et demeure centrale pour les islamistes ?

L'islamisme en Europe s'est développé avec une ingénierie propre et redoutable, qui sait où taper, comment culpabiliser, faire la jonction entre le colonial, le décolonial et l'islamisme. Les islamistes investissent la communication et la propagande d'une manière efficace. En France, ils ont réussi avec l'école, le milieu associatif et sportif. Comme en Algérie. Ils choisissent leurs combats de manière ciblée. Par exemple, le voile dans l'administration. L'État leur a dit non pour certaines administrations. Ils ont répondu d'accord. Mais ils ont obtenu qu'une femme puisse porter le voile sur la photo d'identité de sa carte professionnelle. Vous voyez comment ils grignotent... J'ai vu arriver la même stratégie en France pour la carte professionnelle journalistique. Ils sont très forts.

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Comment expliquez-vous une telle attention aux détails ?

Tous les mouvements fascistes l'ont eue. Ils sont délivrés des lois de la démocratie ou de la soumission à l'autorité. Nous, nous portons la démocratie comme poids et comme idéal, nous en fixons les règles pour les respecter et cela nous inhibe. Eux, ils en sont affranchis. La démocratie, me disait une amie tunisienne, ne sait pas se défendre. Nous la défendons, nous l'incarnons et elle endosse nos faiblesses et nos limites. C'est une partie de poker où l'un est affranchi de toutes les règles que l'autre doit incarner et respecter.

Puisque vous avez vu se dérouler toutes les étapes, quelle serait la prochaine chez nous ?

La France est aussi mon pays. Et j'ai la chance d'être né en Algérie et d'être ici. L'au-delà, avec ses jardins et ses fleuves de vin, existe pour moi à Paris. L'au-delà, c'est la France. Donc je n'ai pas envie que ça aille dans ce sens-là d'une énième défaite devant ce fascisme. Mais c'est toujours possible. Si on regarde ce qui se passe en Belgique, il y a de quoi craindre de voir émerger un émirat au coeur d'une Europe contrite et aveuglée par la culpabilité et la lâcheté...

Vos ennemis vous traitent de Juif. L'insulte est-elle courante ?

Oui. Le Juif, c'est l'autre absolu. Il assume tous les stigmates. C'est le Blanc éternel, le colonisateur, le traître... Son absence physique dans le monde dit « arabe » excite le fantasme ardent. Plus il est absent, plus le Juif est diabolisé. C'est en partie pour ça que la judéophobie a explosé en Algérie. Lorsque j'ai écrit dans Le Point, après le 7 octobre 2023, ma « Lettre à un Israélien », de nombreux lecteurs algériens ont protesté. « Nous n'avons jamais été judéophobes ! » répètent-ils, faussement convaincus. La réalité est que l'Algérie a construit une autofiction narrative, une histoire purifiée, pure et exclusive, raciale presque, confessionnelle, où le Juif est à la fois le diable, le colon, le Français, l'envahisseur, le mal, l'ennemi de Dieu et du décolonisé éternel. J'incarne donc le Juif, car j'incarne l'Autre, car je dis « je » au lieu de chanter le « nous ». En Algérie, beaucoup d'excités m'attaquent : les islamistes pour des raisons évidentes, le régime pour des raisons tout aussi évidentes, et les intellectuels hyperurbains, parce que je suis un électron libre né dans un village, j'ai grandi à Oran (sans la validation algéroise) et je ne suis ni communiste, encarté, ni décolonial antijuif et antifrançais. Dans les pays nés d'un unanimisme de guerre, l'individu n'existe pas. Il n'est pas tolérable. L'Algérie souffre d'unanimisme, de terreur devant la liberté. Je me suis retiré très vite du mouvement de protestation du hirak en 2019, car, au fond, c'était le parti unique du régime qui était menacé par le parti unique d'opposition. Il s'était ouvert un espace d'agora mais quand vous disiez par exemple : Et les femmes ? on vous répondait : Ce n'est pas le moment d'en parler. Les libérateurs imaginaires de Gaza et le culte abstrait du Palestinien ? Pas le moment. Alors, c'est quand le moment ? Parce que c'est toujours le moment de réfléchir.


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MessagePosté: 26 Oct 2024, 07:36 
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