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MessagePosté: 29 Mai 2024, 15:26 
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Jérémie revient à Saint-Martial pour l’enterrement de son ancien patron boulanger. Il s'installe quelques jours chez Martine, sa veuve. Mais entre une disparition mystérieuse, un voisin menaçant et un abbé aux intentions étranges, son court séjour au village prend une tournure inattendue...

Texte avec pas mal de spoilers.

Impossible de ne pas penser à Théorème avec cette irruption d’un élément exogène qui vient perturber l’équilibre non plus d’une famille bourgeoise mais ici d’une communauté rurale aveyronnaise. Mais si chez Pasolini le visiteur est un vecteur du refoulé, qui ne fait au fond que permettre la révélation de la nature profonde de chacun des membres de la famille, chez Guiraudie il est moins question de refoulé que de questionner la personnalité du visiteur lui-même. L’entièreté du film est d’ailleurs totalement contenue dans ses premiers plans, la sinuosité de la route que Jérémie emprunte pour aller jusqu’au village (avec un générique noir sur fond de route très difficile à lire) face à la rectilignité du cadavre de son ex patron. L’opposition entre un homme à la vie simple et sans histoire face à quelqu’un qui se cherche encore. Jérémie nous est d’ailleurs présenté comme socialement nu, plus de boulot, bientôt plus de compagne, sans enfant, les liens avec les amis d’enfance rompus. Quasiment un non-être.

Quartiers pris à Saint-Marcel, il va alors littéralement se fondre dans les habits (du défunt, les sous-vêtements de Walter, la chambre de David) voir dans la fonction (la confession, probablement la scène où la confusion sur les identités est à son paroxysme) des personnes qui l’entourent. Une sorte de home invasion en toute détente, où le questionnement va nécessairement se décentrer sur le cul (on est bien chez Guiraudie), avec cette particularité remarquable qu’au fond tous les goûts sont dans la nature et qu’il y a autant d’homosexuels que d’hommes dans le village (j’oscille entre prendre cette vision comme une utopie libérée de toutes contingences – c’est rarement dans les milieux ruraux que l’on est le plus décomplexé sur ce sujet – ou un vieux réflexe post soixante-huitard un peu hors sol). Pour autant tout cela ne se passera pas sans friction ni sans drame, mais une nouvelle fois à la sauce guiraudienne. A l’irruption inévitable de la violence il répondra par un redoublement des saillies humoristiques (l’arrivée du duo de gendarme) et des doses de pastis à l’apéro. Comme une manière de conjurer la mauvaise conscience de son geste funeste, que l’on vient scruter sur les bords de son lit en pleine nuit mais que le curé viendra soulager dans un sermon pas tellement catholique.

Au final, une continuité dans la gaudriole après Viens, je t’emmène (même si je trouve celui-ci un peu moins drôle), une capacité inépuisable à dénicher de nouvelles têtes (même si Kysyl n’est tout de même pas Bonnard), mais surtout une vraie voie singulière dans le cinéma français (et au-delà) qu’il est toujours un plaisir de retrouver. Et le film, pas si petit que cela, méritait très certainement d’intégrer la compétition officielle.


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MessagePosté: 21 Oct 2024, 13:29 
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Localisation: In the Oniric Quest of the Unknown Kadath
Bon cru que ce Guiraudie qui semble un peu synthétiser son cinéma, l'aspect thriller rural, l'humour, le sexe sous-jacent en permanence. Ici j'apprécie particulièrement le mood du film, ce côté promenade sans fin où ce personnage trouble (très bonne trouvaille de casting même si je doute qu'on le revoie beaucoup) ne fait qu'errer de maison en maison en passant par la forêt. D'ailleurs j'aime aussi beaucoup comment le lieu n'est pas cartographié, on ne comprend pas vraiment ce village (si tant est que c'est un village) on ne voit que des maisons individuelles séparées par des routes de campagne. Le film interroge assez finement quand même la notion de morale, entremêlé de sexe et de mort. C'est assez sadien notamment avec cet excellent personnage de prêtre qui bande. Casting génial (David Ayala que j'avais découvert dans D'argent et de sang est génial) et un film qui passe tout seul même si je regrette cette non-fin un peu abrupte qui m'a totalement prise au dépourvu (même si à bien y réfléchir elle est à postériori assez logique, c'est l'étape finale du meurtrier se fondant dans la communauté). Après je trouve la mise en scène de Guiraudie assez fade et plate, elle a du mal à m'emporter.

4.5/6

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CroqAnimement votre


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MessagePosté: 21 Oct 2024, 16:48 
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Antichrist
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Inscription: 04 Juil 2005, 21:36
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J'avoue : j'avais été un peu déçu à Cannes. Je trouvais le film un peu trop dans les chaussons guiraudiens, moins fort que le précédent (que personne n'avait aimé). Mais le film a bien vieilli, je me souviens du meilleur - les acteurs des seconds rôles, la photo de Godard.


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MessagePosté: 21 Oct 2024, 16:56 
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J'ai adoré la première partie trouble et malaisante, impeccablement filmée avec une atmosphère à la Twin Peaks sauce aveyronnaise, où l'on se rencontre alternativement au village et dans les bois ; beaucoup moins le tournant thriller et surtout farce bunuelienne des deuxième et troisième parties, dans une surenchère peu convaincante. Même si j'aime bien l'idée que le protagoniste, loin de bien s'en tirer, devienne enchaîné par le désir des autres.


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MessagePosté: 29 Oct 2024, 21:28 
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Quand le film a débuté j'ai soudain eu peur de me lasser de l'univers de Guiraudie, que j'aime beaucoup mais qui a un peu tendance à tourner autours de lui même, comme je peux avoir avec d'autres réal (ras le cul de Wes Anderson par exemple). Mais en fait non, quand c'est bien fait, quand ça sonne juste, ça marche en fait.

Comme d'hab, même sur des pistes un peu tracées et connues, Guiraudie sait trouver sa singularité, il sait créer des personnages qu'on a envie de retrouver dans la scène suivante, nous donner envie de savoir où l'histoire va nous mener, et tout simplement c'est vraiment drôle.

J'ai vu le film dans une salle remplie au max et très réactive, c'est vraiment cool qu'un réal aussi particulier arrive à avoir autant de succès (peut être relatif, je ne suis pas tellement les scores de box office).

4/6


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MessagePosté: 10 Nov 2024, 12:04 
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je pensais que l’inconnu du lac avait été son smash, mais que dalle en fait. 116k, 75 k pour rester vertical, 55k pour viens je t’emmène… celui là passera les 200k (le pouvoir de catherine frot) mais bon ça reste très confidentiel.

bon et du coup c’est pas mon truc, quoi.

ça s’incarnait de manière très factuelle, j’étais aussi dans une salle très réactive avec des éclats de rire tonitruants et non seulement ça ne m’amusait pas, mais je voyais à peine où était la blague. ensuite, chacun à son cerveau, et j’avais envie de hurler « mais personne ne borne les portables dans ce coin ?! » et c’était la seule gare de france sans caméra de surveillance sur le parking ???? extremement perturbant.

du coup, je me disais que ça aurait dû se passer dans les années 70, où il n’y avait pas ces technologies qui rendent impossible cette histoire ? à l’époque effectivement il aurait pu s’en sortir ? et puis ça aurait été plus adapté avec la place prise par le curé dans le village ? et effectivement un air du temps peut-être plus compatible avec cette ambiance vaguement gay partout ?
mais en me disant que ça aurait été mieux de le situer / tourner dans les années 70, j’ai fini par me dire que bon ça aurait été du mocky à la sauce cnc quoi.

la sauce cnc, donc, au cœur de ma frustration. d’un côté, c’est son univers, bien à lui, un angle et une sensibilité particulière. d’un autre, un formatage auteurisant qui m’emmerde, que ce soit cette histoire qui tient sur une page en sautant des lignes et cette mise en scène toute plate.

ensuite je ne veux pas trash plus que ça, je vois bien ce qu’aiment les gens mais vraiment c’est pas mon délire quoi.


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MessagePosté: 10 Nov 2024, 15:38 
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FingersCrossed a écrit:
un formatage auteurisant qui m’emmerde.

Sachant que ce qui caractérise le cinéma de Guiraudie c’est justement sa liberté et sa rupture par rapport à tout formatage classique, ta remarque est assez cocasse (tant est que l’on ne relève pas son fond poujadiste).


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MessagePosté: 10 Nov 2024, 22:32 
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oui sachant que Fingers Crossed tu chies aussi sur le film français qui fleure bon la naphtaline (le dernier Ozon), ou le blockbuster standardisé (Monte-Cristo). Faudrait savoir :)


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MessagePosté: 10 Nov 2024, 22:51 
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Lohmann et moi avons cuisiné Fingers pendant une soirée pour essayer d’y voir plus clair mais cela n’a pas dû être une bonne expérience pour lui donc j’éviterais de titiller le PTSD.


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MessagePosté: 11 Nov 2024, 00:02 
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Baptiste a écrit:
oui sachant que Fingers Crossed tu chies aussi sur le film français qui fleure bon la naphtaline (le dernier Ozon), ou le blockbuster standardisé (Monte-Cristo). Faudrait savoir :)


ah non ! les accusations de poujadisme, ça passe encore, mais là je m'insurge.
je conteste vigoureusement m'être livré à un tel acte contre les films mentionnés - y compris miséricorde - dont je n'ai nullement contesté les qualités.
en revanche, je considère en effet que la situation qui se développe depuis une quinzaine d'années est désormais à son paroxysme : le cinéma français divisé en trois grandes familles aux frontières étanches : l'auteurat-cnc financé par arte, le boomerat-dossier de l'écran financé par le service public, et les conneries grand public par tf1 ou m6. et notre fierté (hypocrisie) française, et les qualités individuelles des oeuvres, nous empêchent de formuler que notre cinéma est désormais aussi algorithmé et formaté que ce qui se fait dans les bureaux américains de netflix.
moi, j'aspire à des films qui poussent les murs, piratent leur formatage, définissent leur propre identité et ne se laissent pas définir par leur public-cible prédéfini. il y en a encore, et mon esprit critique - dont je peux admettre qu'il puisse être exacerbé - ne m'empêche pas de les soutenir. quand un truc me saoule ou je sais que je vais détester je n'y vais pas, même si c'est un gros machin.

(après je trouve que le cinéma contemporain est globalement à l'image de l'époque qui le produit, c'est à dire assez médiocre, mais ça j'ai plus de mal à définir si c'est mon cerveau, mes goûts, ou si ça a un élément de vérité)


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