aka Le Gang KellyEn Australie, certains le considèrent comme un criminel, d’autres comme un héros révolutionnaire. Dans le bush, Ned Kelly est une figure historique. Il incarne le symbole de la lutte contre le gouvernement britannique à une époque perturbée où ce continent rude et sauvage gagnait peu à peu son indépendance. Découvrez l’épopée de Kelly et de son gang de bushrangers qui ont à la fois fait régner la terreur et allumé une lueur d’espoir chez ceux qui n’avaient rien.Le schéma de carrière de Justin Kurzel est sans doute tristement similaire à celui de bien de jeunes réalisateurs, découvert avec un petit film noir et austère acclamé par la critique (
Les Crimes de Snowtown), émancipé avec une adaptation fièvreuse même pas si pas totalement convaincante d'un texte classique (
Macbeth), recruté pour se perdre dans une IP hollywoodienne (
Assassin's Creed) et rentré au bercail pour renouer avec le cinéma de ses débuts (
True History of the Kelly Gang,
Nitram).
Je n'ai pas vu le tout dernier, où il est à nouveau question de crime insoutenable, mais son approche de l'histoire de Ned Kelly, un hors-la-loi considéré comme le Robin des Bois australien, rappelle elle aussi le portrait sans fard que Kurzel dressait de la communauté
white trash australienne. Je ne sais pas quel ton adoptaient les précédents films consacrés au personnage - y en a eu notamment un avec Heath Ledger et Orlando Bloom - mais ici on est à deux doigts du
Halloween de Rob Zombie dans la peinture de la situation : Ned Kelly est né dans cette colonie anglaise où son irlandais de père a été envoyé au bagne et où sa mère vend son corps à un officier anglais pour survivre, Kurzel n'épargnant aucun détail cru - ex : le petit Ned qui voit sa mère essuyer sa bouche après que l'officier ait joui dedans - et les appareils génitaux jouant un rôle récurrent dans l'apprentissage du futur rebelle (parmi ses rites de passage, il voit un condamné à mort avec ses couilles fourrées dans la bouche et plus tard il est appelé à tirer dans le zgeg de l'officier pour prouver qu'il porte les siennes).
Néanmoins, cette première heure à la testostérone débordante et dégueulasse est sans doute ce que le film propose de plus intéressant, montrant comment le mec est devenu le simili-révolutionnaire braqueur de banques (là où la version Ledger commençait alors qu'il était déjà délinquant). Kurzel situe le film quelque part entre le western local et une approche sociétale, avec cette ambiance un peu glauquasse donc, et parvient à surprendre en jouant avec les codes. En bon vendu, je retiens notamment tout le segment d'une vingtaine de minutes où le jeune Ned est pris sous l'aile de Harry Power, bandit notoire incarné à merveille par un Russell Crowe obèse et hirsute, qui parvient à apporter une variation à sa désormais habituelle composition de figure paternelle en la salissant un peu, campant un homme a priori bienveillant mais tout de même vulgaire, avant de s'avérer aussi toxique, voire plus, que les autres, comme une version viciée de son personnage de
3:10 pour Yuma. Je me demande sincèrement si ce n'est pas une de ses meilleures performances.
En disparaissant, il laisse la place à Nicholas Hoult, tout aussi épatant à contre-emploi dans le rôle d'un
bad lieutenant, mais le récit se fait un peu plus balisé et ne parvient jamais vraiment à convaincre de la dimension politique des actes de Kelly (cf. le synopsis ci-dessus). Il y a pourtant des choses assez originales dans l'histoire - la bande porte des robes pour passer pour fou aux yeux des gens, ils confectionnent des armures et casques pare-balles totalement roots qui leur donnent l'allure de chevaliers tordus - et Kurzel retrouve un peu de ce qui faisait les visions cauchemardesques de
Macbeth, mais on se désintéresse petit à petit du sort ce martyr.
Je retiens donc surtout la réa et un vrai festival d'acteur (George McKay de
1917 et Essie Davis de
The Babadook sont également excellents).