c'était extrêmement cocasse.
ça raconte l'histoire d'un président centriste qui perd sa majorité à l'assemblée nationale et mène des consultations / négociations avec la gauche et la droite pour savoir qui viendra l'aider à constituer une majorité. delon joue le chef d'un parti de "gauche libérale" qui veut rentrer au gouvernement, contre l'avis de son parti qui hurle à la trahison et a peur de laisser trop d'espace aux communistes qui jouent la pureté radicale à côté. delon avertit tout le monde que si ce n'est pas eux qui complètent la majorité, ce sera la droite et alors là la politique ménée ne leur ira pas du tout.
sachant que le film n'était pas de la pure fiction à l'époque : le personnage de delon s'inspirait de servan-schreiber, il y a plein de références à la vie politique de l'époque, et pour couronner le tout il est sorti une semaine après la mort de pompidou et donc juste avant l'arrivée de giscard.
ce contenu politique est un des 3 intérets principaux du film. déjà parce que les echos avec aujourd'hui sont forcément saisissants et stimulants. et c'est aussi un chouette témoignage sur la politique de l'époque. on voit chouettement le poids et le fonctionnement des partis, les parcours de l'époque. le statut et la quotidien des politiques de l'époque, c'est le haut de l'échelle sociale, ils ne font pas les potes sur les réseaux sociaux, c'est entre les militants qui militent et les bourgeois qui dirigent. il a une classe monstrueuse, il a le téléphone dans sa luxueuse voiture, domine tout son environnement... et enfin le rapport à la vie privée, beaucoup plus leste à l'époque. parallèlement aux négociations politiques, delon est hanté par sa liaison extra-conjugale passionnée et toxique avec une top modèle, au vu et au su de tout paris mais tout cela reste secret. évidemment que des politiques continuent d'avoir des liaisons sans que ça sorte, mais ça fait évidemment penser à la manière dont un mitterrand a pu garder le secret sur les pingeot, donc chirac baisait tout le monde etc etc.
c'est donc le deuxième intérêt du film. l'histoire est assez belle, ça met en parallèle la détermination et rationalité des hommes face au pouvoir irrationnel et destructeur de l'amour. le corps nu de la top est abondamment filmé (avec un plan totalement ridicule pour ne surtout pas montrer les fesses de delon sortant du lit), et c'est utile pour montrer que tout puissant, riche, important, brillant soit-on, face aux choses du coeur et de la chair nous sommes bien peu de choses. et "la race des seigneurs" était aussi le titre du livre-temoignage-roman a cle de alain-fabien delon, le fils, qui reglait ses comptes avec son père. comme le film montre aussi le sacrifice profond de sa vie privée et de ses rapports familiaux d'un homme de pouvoir, l'auto portrait de delon est forcément puissant et touchant (et ce qu'on voit de son rapport aux femmes est assez conforme à ce qu'on peut imaginer de sa vraie vie, passionné, très possessif, qui donne des baffes, qui abime et détruit mais qui aime profondément aussi...).
et enfin, le troisième intéret du film, tient en trois scènes. celles de jeanne moreau, qui joue une similie marie france garaud (de gauche donc), une immense bourgeoise qui connait tout et tout le monde, fait et défait les carrières en un coup de fil depuis son magnifique appartement. c'est barron noir avec une bourgeoise vieillissante des années 70, les scènes sont absolument géniales, jeanne est parfaite, et la puissance du truc évoque une série entière ou un film sur le personnage, le potentiel est infini.
le livre dont c'est tiré avait eu le goncourt et je vois très bien comment tout ça aurait pu être vraiment grand. mais hélas, c'est mis en scène par pierre granier deferre, dont je me retrouve par accident à faire une quasi intégrale des 70s (veuve couderc, le train, le chat, la horse, ça...) et qui était quand même assez nul. il n'y a pas de souffle, de gravité, visuellement c'est dégueu, il n'y a pas d'ambition à part filmer des trucs, ça manque totalement de magie et de puissance, et delon est regulièrement trop grand pour les minuscules plans dans lesquels il est - ce qui le rend un peu mauvais, il est bon quand il est filmé comme un dieu.
c'est donc très dommage, mais c'est une vraie curiosité quasiment disparue et au final j'ai vraiment très très bien aimé.