Le palmarès d'un gros mois de visionnage de films passés par le Festival de Locarno ces 50 dernières années. Une belle sélection, vraiment, avec de gros coups de coeur (les cinq premiers de la liste), des confirmations aussi, que certains auteurs non passés par la case compétition à Cannes l'auraient évidemment bien mérité.
Léopard d'or : Coeurs cicatrisés de Radu Jude Léopard d'argent : La Rivière de boue de Kohei Oguri Léopard de bronze : L'été de Giacomo d'Alessandro Comodin Mise en scène : Sogo Ishii pour Mirrored Mind et Joanna Hogg pour Exhibition Scénario : Chevalier d'Athiná-Rachél Tsangári, co-écrit par Efthýmis Filíppou Actrice : Ksenia Rappoport dans Jour sans fin à Youriev Acteur : Thommy Berggren pour Giliap
France (4) 3 - Camille de Boris Lojkine Portrait de la photojournaliste Camille Lepage, Camille impressionne par son approche documentaire et l'interprétation de Nina Meurisse mais le récit se perd un peu dans la brousse, quand le film donne à l'héroïne une quête romantique qui m'a semblé un peu forcée.…
2 Le Stade de Wimbledon de Mathieu Amalric J'aime bien la genèse du film : Amalric a pris un livre au hasard dans la bibli d'un ami avec pour défi de l'adapter. Le pb, c'est qu'il n'y a pas vraiment un film dans le livre. C'est élégant, Trieste est une jolie ville mais le propos reste aussi insaisissable que le romancier.…
3 - Mods de Serge Bozon Film culte du 6e arrondissement de Paris, #Mods a du charme : le jeu décalé des acteurs, les chorégraphies, le décor de la cité universitaire. Cela a dû mal à tenir sa courte distance - 56 minutes, comme si l'exercice de style hyper-référencé cachait un peu son manque de propos.
3 - Stella est amoureuse de Sylvie Verheyde Récit initiatique et autobiographique d'une jeune femme dans les années 80. Si le scénario n'est pas très original et s'embarrasse de seconds rôles dispensables (le père bon... ), la mise en scène flottante réserve des moments planants pas inintéressants. J'avais quand même préféré Un Frère de la même réalisatrice.
Amérique du Nord (1) 3 - Cat People de Paul Schrader Version érotique et si années 80 du film de Tourneur, La Féline doit beaucoup à Nastassja Kinski et à la manière amoureuse dont Paul Schrader la filme sous tous les angles. Cela a beaucoup vieilli dans ses effets, sa zik et son male-gaze omniprésent, mais ça a son charme.
Europe (9) 4 - Exhibition de Joanna Hogg (Angleterre) Film très impressionnant de Joanna Hogg, qui, sur un canevas très simple - un couple se sépare et quitte leur maison - déploie.. du cinéma. Gros travail sur le son, érotisme des stores, onanisme architectural. Les acteurs amateurs sont parfaits, surtout elle.
4 - Chevalier d’Athina Rachel Tsangari (Grèce) Co-écrit par le scénariste de Lanthimos, Chevalier, c'est Koh-Lanta chez les Grecs, un concours de bites pour savoir qui est le meilleur. J'avais un doute sur la durée mais Athina Rachel Tsangari parvient à insuffler une certaine tendresse à Dimitris, mon préféré.…
3 - Horse Money de Pedro Costa (Portugal) Terrassé par Vitalina Varela, je suis plus circonspect ici. Formellement, c'est toujours aussi magnifique, avec ces plans composés comme des tableaux du Caravage, mais la construction narrative est inutilement compliquée et je crois que la détresse de Ventura me touche moins.
5 - Gilliap de Roy Andersson (Suède) Le film maudit de Roy Andersson, on comprend facilement pourquoi tant le récit prend un temps fou à se déployer - même si j'aime bien les vignettes qui annoncent la suite de sa filmo. Mais la seconde partie est très belle, l'histoire d'amour déchirante et cette fin...
4 - Picture of Light de Peter Mettler (Suisse) Un film d'exploration polaire métaphysique sur les aurores boréales avec la musique de Jim O'Rourke. Si la voix-off prend un peu trop de place, les séquences planantes sont sublimes, comme ce voyage en train dans la nuit arctique mixé avec un voyage spatial.
3 - Ceux qui vont bien de Cyril Schäublin (Suisse) Avant le magnifique Désordres, Cyril Schäublin montrait comment le capitalisme transformait tout en chiffres dans un Zurich déshumanisé. Si le propos est fort, la mise en scène est un peu trop à distance et l’ennui guette. Mais tu sens bien que le gars en a derrière la caméra.
5 - Scarred Hearts de Radu Jude (Roumanie) J'aime beaucoup le cinéma de Radu Jude, qui me surprend à chaque film. Adaptation des écrits autobiographiques de Max Blecher (auteur que je ne connaissais pas), Scarred Hearts, primé à Locarno, est resté inédit en France, peut-être pour son sujet a priori peu glamour - les derniers mois d'un poète atteint de tuberculose contraint à rester au lit. Pourtant c'est un grand film. Déjà pour sa mise en scène d'une précision chirurgicale (vous l'avez?), à la photo sublime qui évoque certains tableaux de gisant, ensuite pour l'empathie qu'il provoque pour ce (faux) misogyne dont le coeur bat pour la belle Solange. La scène où il la rejoint chez elle en lit, ce qu'elle dit de lui, d'elle, m'a serré le coeur.
5 - Jour sans fin à Yuriev de Kirill Serebrennikov (Russie) Deuxième film de Serebrennikov, #JoursansfinàYouriev est un sacré morceau de cinéma, peu aimable, puissant, avec une actrice incroyable, Ksenia Rappoport, qui suit une femme qui perd son fils, sa voix, son existence pour se réinventer dans le don de soi et la sororité. La mise en scène est déjà affirmée mais moins "impressionnante", le scénario est de Iouri Arabov, le collaborateur de Sokourov, auquel on pense parfois. Je n'ai pas tout compris des symboles (et les sous-titres étaient erratiques) mais c'est puissant.
5 - L’été de Giacomo d’Alessandro Comodin (Italie) Quel beau film. L'Italien Alessandro Comodin immortalise le temps d'un été ce moment où l'amitié entre un garçon et une fille devient de plus en plus compliquée, avec le désir qui nait, la sensualité et la fraicheur d'une rivière... C'est d'une durée parfaite - 1h15 - et la fin est très belle.
Asie (3) 4 - Backwater de Shinji Aoyama (Japon) Après Eureka, Shinji Aoyama a connu une certaine célébrité dans les milieux cinéphiles mais ses derniers films sont restés inédits, même en France, tout en passant à Locarno pour la plupart. Backwater suit un ado en pleine puberté qui veut baiser tout ce qui bouge et à ne pas ressembler à son père qui frappe les femmes, surtout pendant l'acte sexuel... Le film épouse le rythme de l'anguille, ondule beaucoup, ennuie parfois, se perd un peu. Mais Aoyama dépeint les affres de l'adolescence avec talent et son héros agaçant finit par émouvoir.
5 - La rivière de boue de Kohei Oguri (Japon) nippons post-Nouvelle Vague. Dans un noir & blanc qui rappelle le cinéma d'antan, #LaRivièredeboue déploie un récit humaniste sur le Japon des années 50, à hauteur d'enfant mais aussi avec ce formidable personnage de papa magicien. J'ai découvert ce très beau film passé par Locarno grâce à sa présence dans la liste de Kore-Eda de LaCinetek (et aussi car j'avais beaucoup aimé ses autres films).
5 - Mirrored Mind de Sogo Ishii (Japon) Moyen métrage de Sogo Ishii, dont j'ai vu la version courte de 45 minutes. C'est très beau, entre du Hamaguchi avec cette femme qui flotte entre deux états d'âme et du Lynch période Mulholland Drive pour l'atmosphère. Il y a une partie, au coeur du film, d'une beauté insensée, ça retombe un peu trop sur son fil narratif dans les cinq dernières minutes mais c'est vraiment une belle découverte.
Amérique du Sud (1) 4 - La Fièvre de Maya da-rin (Brésil) Beau premier film (de fiction) ethnographique sur un papa indigène au bord de la dépression après la mort de son épouse et le départ annoncé de sa fille. C'est très calme, très doux et la solitude de cet homme m'a saisi. Et puis je suis très attiré par la ville de Manaus.
Afrique (1) 4 - 143, rue du Désert de Hassen Ferhani (Algérie) Beau documentaire de fin du monde, avec cette tenancière d'une "épicerie" en plein désert, qui veille comme une psy sur les passagers en transit. Chat, chiens, migrants, militaires et cet homme qui recherche son frère... tous se confessent à cette femme pas toujours commode mais dont on devine la dureté du passé. Alors elle reste là, au coin du monde. Un peu long, mais émouvant
Océanie (1) 3 - Dingo de Rolf de Heer Fable musicale sympathique à défaut d’être transcendante sur un musicien qui rêve de jouer avec Miles Davis. Si la musique est divine (mais un peu répétitive), le récit prend un peu de temps à se déployer - mais toujours avec une sincère empathie
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