je pense qu'eric rochant a vu et aimé.
et tom cruise aussi.
tom cruise non, mais dans sa deuxième partie le film a une petite vibe
mission : impossible, avec trintignant gone rogue, en mode franco-franchouille naturellement, plutôt efficace.
et dans sa première, c'est un film d’espionnage français jusqu'au bout des ongles, très réaliste, quotidien, qui montre le déroulé étape par étape d'une opération des services. avec, comme dans
les patriotes, la question de la morale des opérations et de ce qu'un état est légitime ou non à faire pour ses intérêts.
ici ça s'inspire d'une histoire réelle, l'affaire ben barka, opposant marocain disparu (définitivement) en plein paris. ça transforme ça en fiction - il change de nom et on ne connait pas son pays - et ça invente toute l'opération des services français pour appâter l'opposant à paris - grâce à la manipulation d'un de ses vieux amis, trintignant, qui ignore tout du but de l'affaire.
quand boisset le fait, le scandale est frais et il est clairement positionné comme cinéaste de gauche dénonçant les turpitudes de l'état français. c'est tellement vrai qu'ils ont subi mille pressions et sabotages, avec notamment l'invraisemblable anecdote du... vol des rushes de la scène de torture, les obligeant à la retourner.
mais comme un condé, je trouve qu'au final le film fonctionne plus comme invitation à la réflexion que comme simple brulot militant t'assénant sa thèse sans possibilité de t'en échapper. il se trouve que je ne pense pas particulièrement que le but d'un état soit de viser le prix de camaraderie à la fin de l'année - ou alors uniquement si tous les etats du monde s'y mettent en même temps, ce qui à priori n'est pas d'actualité. alors cette histoire est super intéressante, parce qu'elle est objectivement indéfendable au regard de nos normes actuelles, et en même temps ce n'était que du très banal dans tous les pays du monde à l'époque, mais le changement d'époque était en cours, et en même temps quand on voit l'affaiblissement de l'état français actuel - sur le plan intérieur et extérieur - on se dit quand même que ce désarmement volontaire au nom de la morale comporte des aspects négatifs tout autant que la supprématie de la force en ignorant les principes moraux.
le film ne se veut pas complexe mais j'ai trouvé qu'il l'était, avec par exemple le personnage du présentateur. un mec de l'ortf, qui travaille avec les services et se met entièrement au service de l'opération, pour son succès puis pour la couvrir. c'est sur le mode de la charge - avec toute la négativité aujourd'hui associée à l'ortf, en participant sans aucun état d'âme à la mort d'un homme, puis en ayant la voix qui tremble en évoquant publiquement sa mission de journaliste au service de la vérité - mais d'un point de vue romanesque c'est un super personnage, et je ne doute pas que dans son cerveau à lui c'est un patriote au service de son pays, point final.
le film est donc à fond de son époque, vraiment fait à ce moment là, dans ce milieu intellectuel là, à cette date là. c'est positif et hyper intéressant pour les raisons évoquées, et aussi pour son extraordinaire casting des meilleurs acteurs de l'époque : trintignant, bouquet, cremer, noirret, piccoli, roy scheider (!), jean bouise (génial), roland blanche... c'est un festival, on se régale. mais en contrepartie, c'est d'une laideur visuelle typique de ce moment là, et ça ne répond absolument pas à nos normes d'efficacité, avec 2 heures un peu pépères, alors qu'exactement la même chose en resserrant ça aurait été top. de la même manière, la trajectoire du personnage de trintignant - gauchiste loser vivant dans l'incapacité de vivre à la hauteur de ses idéaux, pris dans cette sale histoire et qui finalement y s'y révèle - aurait pu être mieux exploitée parce que c'est très beau et romanesque.
ce n'est absolument pas un grand film, bardé de défauts et parce que boisset est quand même formellement un cinéaste un peu dégueu, (même si, en 72 le film avait sûrement le mérité de contribuer à inventer l'identité des films de la décennie qui venait, et qu'assurément l'absence de surmoi américain est formidable) mais l'histoire et le film sont tout à fait intéressants.