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Et donc le bilan
Etats-Unis (2)
3 - Priscilla de Sofia Coppola
Curieux film, ou plutôt non film, trop évaporé sur un sujet pourtant si dur : l'emprise toxique d'une star masculine sur une jeune fille de dix ans sa cadette (elle a 14 ans quand ils se rencontrent). Les acteurs sont bien, la photo est belle, les costumes sont bien repassés... On ne s'ennuie pas mais tout m'a glissé dessus.
3 - Palo Alto de Gia Coppola
Un teenage movie sensible mais un peu sur-écrit qui suit principalement deux jeunes ados, un gars/une fille,, qui se tournent autour sans parvenir à exprimer leurs sentiments. Mais il y a trop de sous-histoires et j’ai l’impression que dans le registre il y a des films plus accomplis.
France (4)
4 - Les Enfants des autres de Rebecca Zlotowski
Belle surprise. Au-delà de son pitch, j'ai trouvé que le film avait une ampleur inattendue, dans le fond comme dans la forme. J'ai beaucoup aimé les discussions familiales, la complexité du personnage principal, la pudeur de certaines scènes. Et Virginie Efira, peut-être dans son plus beau rôle.
4 - 35 shots of Rhum de Claire Denis
Beau film de Claire Denis, inspiré par Ozu et HHH, sur un père et sa fille qui vivent dans une banlieue tranquille. Le film manque peut-être un peu d'enjeu, comme souvent chez elle (remember Vendredi soir) mais la musique de Tindersticks, la douceur de l'ensemble font son effet sur la longueur.
5 - Retour à Kostelnich d’Emmanuel Carrère
J'aime de plus en plus les documentaires de « tâtonnement » où le réalisateur cherche son sujet et la forme à adopter, avec une vraie sincérité. C'est le cas de ce film-essai d'Emmanuel Carrère, qui part sur des chemins de traverse avant de dresser le portrait d'une jeune femme francophile tuée par un fou. Ce qui est beau, c'est la manière dont il filme sans fard les gens qu'il a côtoyés, surtout lui, Sacha, dont la douleur m'a mis les larmes aux yeux.
3 - Le Pont du nord de Jacques Rivette
Un film de Rivette méconnu (mais sur Mubi), avec Ogier mère et fille dans un Paris des années 80 rarement filmé. C'est à la fois charmant (un peu), longuet (beaucoup) et tellement Nouvelle Vague (passionnément). Il faudrait en faire en remake, juste pour filmer les lieux 45 ans après.
Europe (6)
4 - Pauvres créatures de Yorgos Lanthimos (Grèce)
J'adore la première partie, avec ce génial personnage de savant fou, l'installation d'un univers à la Adèle Blanc-Sec et bien sûr Bella. Le récit devient plus lâche, plus dans l'air du temps aussi avec la déconstruction du mâle. Mais c'est quelque chose... Je crois quand même que je préfère Canine, aussi car c'était la "naissance" d'un univers, avec déjà pas mal de choses en oeuvre ici.
4 - Adagio de Stefano Sollima (Italie)
Solide polar italien, bien mis en scène et interprété (Favino génial comme d'hab), avec une ambiance crépusculaire bien rendue et un hommage à l'Impasse de De Palma (ce final dans une gare). Le scénario n'est pas très original mais c'est le haut du panier de ce que l'on peut trouver sur Netflix.
2 - Green Border d’Agnieszka Holland (Pologne)
Gros sabots, le film. S'il faut reconnaitre à Agnieszka Holland un vrai courage politique et une certaine efficacité dans la mise en scène et la direction d'acteurs, l'écriture est tellement appuyée que certaines scènes sont embarrassantes - je doute qu'on chante du rap dans les maisons bourgeoises polonaises qui accueillent des migrants. Dommage qu'elle ne soit pas limitée à l'arc sur le garde-frontière, vrai personnage complexe.
4 - Adults in the Room de Costa-Gavras (Grèce)
La première heure est un modèle narratif. Tout parait clair : les antagonismes, le chantage subi par la Grèce, les rapports de force entre les pays et les institutions. La suite est moins réussie, plus greco-greco même ça reste brillant et le constat terrible.
4 - The Secret life of Words d’Isabel Coixet (Espagne)
Joli film d'Isabet Coixet sur deux solitudes qui se retrouvent sur une plate-forme pétrolière. Un film très doux, presque sans conflit, qui repose beaucoup sur ces deux très bons acteurs. Tout n'est pas parfait - les seconds rôles manquent de consistance, le décor n'est pas assez exploité mais la fin m'a touché.
3 - Notturno de Gianfranco Rosi (Italie)
J'avais été très marqué par Fuocoammare, son précédent doc. Là j'ai trouvé ça trop "dispersé", j'aurais préféré qu'il ne suive que les enfants dont tu devines la détresse dans chaque regard. Il y a une fabrication de la belle image qui me dérange aussi un peu, mais ça fait partie de son cinéma, je crois.
Asie (4)
3 - Souvenir d’Im Kwon-taek (Corée du Sud)
Un nouveau film sur le pansori de maitre Im Kwon Taek. Si bien sûr la musique et certains plans sont magnifiques, le film se perd un peu sur le plan narratif, avec trop de personnages secondaires, trop de faits historiques évoqués en filigrane, trop d'aller-retour. Bref, je conseille plutôt La Chanteuse de Pansori.
5 - L’Ombre du feu de Shinya Tsukamoto (Japon)
Le diamant noir. Tsukamoto signe un film impressionnant sur le Japon de l'après-guerre, une (fausse) suite au sublime Fires on the Plain. Un enfant, une prostituée, un ancien soldat, un vagabond : quatre personnages qui tentent de survivre, d'oublier le cauchemar qu'ils ont tous vécu. C'est dur, mais c'est beau. Sans espoir mais sauvé par l'amour maternel.
2 - No.7 Cherry Lane de Yon Fan (Chine)
Film d'animation de Yonfan dont je comprends les intentions - un récit proustien sur l'amour impossible d'un jeune garçon pour une mère et sa fille dans le Hong Kong des années 60. Le graphisme est élégant, les décrochages réjouissants mais c'est d'une lenteur accablante, avec une voix-off sur-explicative. Déception.
5 - Vaine illusion de Kiyoshi Kurosawa (Japon)
Film méconnu de Kiyoshi Kurosawa qui démontrait ici la toute-puissance de sa mise en scène. Dans un Japon désert (pré-Covid en quelque sorte), des jeunes s'ennuient, s'effacent dans le décor, s'entretuent pour de faux. Est-ce le purgatoire ? Un jeu vidéo à univers persistant ? (ma théorie). C'est obscur mais le film est si hypnotique que j'ai envie d'en savoir plus sur son sens profond.
Amérique du Sud (3)
3 - Le Comte de Pablo Larrain (Chili)
Quel film stupéfiant, métaphore d'un Chili vampirisé par un monstre assoiffé de sang aux enfants cupides, que l'Eglise tente d'exorciser pour mieux accepter de se faire mordre. La photo est sublime, certaines séquences d'une beauté dingue. Après il y a un vrai coup de mou et j'ai regardé ça mi-amusé, mi perplexe.
4 - Avril brisé de Walter Salles (Brésil)
Beau film de Walter Salles, qui transpose au Brésil le roman d'Ismail Kadaré, une sombre histoire de vengeance entre deux familles plus ou moins pauvres dans le Nordeste. Si je ne suis pas toujours très fan de l'aspect "conte de fées" de la narration, la beauté de la mise en scène renforce la noirceur de la tragédie.
5 - Memory de Michel Franco (Mexique)
J'avais toujours eu des réserves sur les films de Michel Franco, une certaine froideur, une distance aussi. Là j'ai été cueilli. Déjà par le scénario, dur bien sûr, mais qui, pour une fois, est une déclaration d'amour pour ses deux persos principaux, pour sa mise en scène aussi, qui joue constamment sur l'idée de l'intérieur et de l'extérieur, de l'intime et du partagé. Et puis ces deux acteurs magnifiques, cette fin qui laisse des frissons. Grand film.
Océanie (1)
4 - Milla (Babyteeth) de Shannon Murphy
La chialade. Je ne savais rien du film, l'émotion m'a pris par surprise. Il y a des facilités d'écriture, dix-quinze minutes en trop... mais les vingt dernières minutes, pfiou... Les jeunes acteurs sont très bien mais celui qui m'a le plus touché c'est Ben Mendelsohn, bouleversant dans le rôle du père. Je ne vais pas oublier la scène finale.
Palmarès
Lion d’or : Memory de Michel Franco
Le choix s’imposait. Un vrai coup de coeur, une fin sublime, deux acteurs extraordinaires.
Grand prix : Retour à Kostelnich d’Emmanuel Carrère
Un documentaire remarquable qui m’a donné envie de retirer ses livres.
Prix du jury : Les Enfants des autres de Rebecca Zlotowski
Une très belle étude de caractère, avec la divine Virginie Efira.
Mise en scène : Kiyoshi Kurosawa (Vaine illusion) et Shinya Tsukamoto (L’Ombre du feu)
Deux leçons de mise en scène avec des moyens que je suppose limités.
Scénario : Adults in the Room de Costa-Gavras
Rendre intelligible des choses compliquées. C’est la réussite de ce film consacré à la crise financière grecque.
Acteur : Ben Mendelsohn (Milla)
Sublime dans le rôle du père de Milla, ce qu’il fait sur la plage m’a transpercé. Favino était mon choix alternatif pour Adagio.
Actrice : Emma Stone (Pauvres créatures)
J’ai des réserves sur le film (trop.. calculé ?) mais elle… Quelle interprétation, quelle confiance envers le réalisateur, quel plaisir du jeu. Efira et Chastain aurait mérité aussi.
Belle sélection, ma foi. Les films "recalés" je les ai trouvés dans une copie incertaine, ce sera pour l'an prochain. "Palmarès" sur lequel je n'aurai pas parié une seule seconde.
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