Synopsis : l'agent des services secrets Frank Horrigan était le garde du corps de JFK le jour où celui-ci a été assassiné. Des années plus tard, il est contacté par Mitch Leary, un sociopathe qui va tenter d'abattre l'actuel président.Après avoir découvert, et apprécié,
Cry Macho, j'avais envie (et besoin, à vrai dire) de revoir Clint à l'époque où ses genoux fonctionnaient. Et quoi de mieux que ce film où on le force à faire du footing aux côtés d'une limousine ou sur des toits vertigoesques ?
Au début des années 1990, la star semble obnubilée par la thèse avancée dans le
JFK d'Oliver Stone puisqu'outre ce film, on trouve dans
Impitoyable une discussion sur l'assassinat des présidents tandis qu'
Un Monde parfait (sorti la même année) se déroule en 1963 peu de temps avant les événements de Dallas. Inspiré par l’interview d'un garde du corps de Kennedy dans les années 1970, le scénariste de
Dans la Ligne de mire a eu l'astucieuse idée d'élaborer le jeu de chat et la souris autour de cet échec personnel. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, il refuse une des premières propositions de casting -Tom Cruise- qui aurait enlevé tout intérêt à la course-poursuite. Le rôle va alors comme un gant à Eastwood qui joue des personnages similaires dans ce qu'il est convenu d'appeler sa période "suis-je trop vieux pour ces conneries ?" (la réponse étant souvent non).
S'il n'est pas réalisé par Eastwood (le film n'est même pas produit par Warner mais Columbia),
Dans la ligne de mire arbore tous les motifs habituels d'un de ses véhicules :
_ le prologue où il manque de faire flinguer son adjoint... ce qu'il ne manque pas d'arriver par la suite (pauvre Dylan McDermot)*
_ les éternelles prises de chou avec ses supérieurs (un compatissant, un autre qui l'a dans le pif)
_ la jeunette qui s'impose dans un monde de mâles et qui va quand même succomber au charme du grand con (Rene Russo, depuis Hawks, a-t-on jamais mieux utilisé le doublé sourire en coin/sourcil levé ?)
_ le trouble du héros qu'il noie dans l'alcool et lui a coûté sa carrière. Ce qui fait que plus personne ne l'écoute alors que, bon dieu, ses tripes lui indiquent pourtant la marche à suivre !
_ des petites répliques libertariennes ici ou là sur le fait qu'on peut plus rien dire ou faire tranquille à cause du politiquement correct, quand même là ho, on n'est pas en Russie.
_ un parcours de l'Amérique, la vraie, via la campagne présidentielle qui nous montre plusieurs villes et la diversité des cadres et populations.
_ le leitmotiv eastwoodien par excellence : "ne pas se fier aux apparences", qui en fait un corolaire du précédent. Par exemple, qui n'a pas été surpris à l'instar du tueur que
_ il y a même Morricone à la zik qui nous refait par moments celle des
Incorruptibles.
* prologue qui fait du film un trajet inverse de
To Live and Die in LA qui part de la protection du POTUS pour finir sur un trafic de fausse monnaie minable.
Parfait film du dimanche soir comme "on n'en fait plus" (à comparer avec le lymphatique
Misanthrope pour saisir ce qui a été perdu avec le passage du temps),
Dans la Ligne de mire est agréablement troussé par Petersen qui renvoie lors d'une poursuite susmentionnée à Hitchcock, et paie tribut à ses prédécesseurs comme
Un crime dans la tête ou
A cause d'un assassinat. Le succès du film influera également sur la suite de la production hollywoodienne : impossible de ne pas voir dans la prestation de John Malkovich en tueur caméléon, les interprétations successives de Kevin Spacey chez Singer puis Fincher (comme pour John Doe et l'inspecteur Mills, Mitch Leary explique à Frank qu'il lui doit sa vie).
Mais c'est aussi de ses moments de creux que le film tire sa saveur. La plupart des passages qui m'étaient restés en tête venaient moins de scènes d'action que des temps morts : le tueur s'entraînant près d'un lac, sa discussion malaisante à la banque, Eastwood et Russo sur les marches du monument de Lincoln, et les joutes verbales au téléphone que Petersen a visiblement tournées sur le même plateau. Et les petits détails qui étoffent l'ensemble comme l'aspect sexuel de la domination entre le chasseur et la proie : Mitch Leary prenant en bouche le flingue de Frank, ou cachant le sien entre ses cuisses lors du gala final...
De l'humain et du bizarre qui permettent autant de faire gripper que de huiler une machine déjà bien rodée.