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MessagePosté: 19 Avr 2023, 15:25 
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Dans une horlogerie suisse où commencent à poindre les bouleversements induits par les avancées technologiques du XIXe siècle, Josephine, une jeune ouvrière, fabrique le balancier, véritable cœur des mécanismes. Alors que les dirigeants y réorganisent le travail, le temps et les salaires pour rester compétitifs, elle se retrouve mêlée à un mouvement local d’horlogers anarchistes où elle rencontre l’aventurier russe Pierre Kropotkine.

Fine description des prémices du taylorisme, baigné d'une lumière naturelle (mais dont on a tout de même l'impression qu'elle est un peu filtrée, la photo a comme un petit voile diaphane), Désordres n'est pas sans rappeler les débuts du capitalisme croqué dans First Cow. Mais plus qu'à Reichardt, c'est à Peter Watkins, celui d'Edvard Munch et de La Commune, que l'on pense surtout. Mise en scène qui épouse jusque dans ses moindres détails les motivations du mouvement anarchiste naissant, avec ses cadres totalement excentrés qui redoublent le travail cartographique de Kropotkine (définir un territoire par et pour ceux qui l'habitent, en n'utilisant que les noms des lieux dits à la place des villes usuelles, ou en éliminant toutes formes de frontières), ou encore une bande son qui rend concrète l'aspiration à une égalité parfaite entre tout individu. Cela donne des scènes parfois très étonnantes (telle celle de l'image ci-dessus), où l'apparente sophistication de la composition est compensée par des dialogues qui annule toute profondeur de champs, peu importe la distance entre les acteurs et la caméra le volume de leur voix étant toujours identique.

Et malgré son dispositif hyper rigoureux dont il ne dévie jamais, loin de livrer l'œuvre rébarbative et empruntée que l'on pourrait craindre le film est au contraire un bel exemple de naturalisme brut (la majeure partie des acteurs sont non professionnels, le rendu final pourrait aussi faire penser à Rabah Ameur Zaïmeche) et emprunt d'une vraie légèreté, aidé en cela par son humour pince-sans rire tout helvétique (dont je ne peux pas croire que Schäublin ne le surjoue pas un peu). Humour qui fait se confronter une parole dont est exclu toute acrimonie (on empêche les mauvais payeurs de voter en s'excusant, on en vire d'autres en se saluant comme si on venait de prendre le thé ensemble, on en envoie une troisième au cachot tout en lui laissant ses outils pour qu'elle puisse régler son amende) à la violence symbolique de l'encadrement de l'usine, une armée de contrôleur en blouse blanche qui passe toute leur journée à chronométrer le temps de chaque étape du montage d'une montre, les déplacements d'un bâtiment à un autre, le meilleur raccourci pour couper à travers la forêt. Hilarant et glaçant à la fois, tant il semble impossible aux travailleuses de se révolter contre leur condition de travail et leur salaire de misère face à la bonhommie du patronat et de la maréchaussée. C'est en captant alors avec minutie le travail méticuleux de ces ouvrières de l'horlogerie que Schäublin leur redonne tout leur honneur.


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MessagePosté: 20 Avr 2023, 07:39 
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Voilà qui tranche avec cet avis d'un spectateur lu sur AlloCiné :

grey_egg a écrit:
Ce film est un chef d'oeuvre du RIEN : il ne se passe RIEN ! C'est assez extraordinaire d'arriver à montrer, pendant une heure trente, des ouvriers en train de fabriquer des montres, soit-disant pour expliquer la montée de l'anarchisme à la fin du XIXe siècle, rien de plus réglé qu'une montre, donc par anti-thèse l'anarchie serait évoquée en sous - texte ? De plus les cadrages sont les plus improbables qu'il m'ait été donné de voir depuis que j'ai abandonné les courts-métrages du GREC... C'est assez incroyable qu'un tel film arrive sur les écrans. Je pense que c'est une excellente leçon pour les scénaristes, montrer à quel point on n'a aucun élément auquel s'accrocher, pas de protagoniste, pas d'intrigue... C'est donc quelque part un chef d'oeuvre du non-film !


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MessagePosté: 20 Avr 2023, 08:00 
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Tu aurais pu relever la critique suivante plutôt.


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MessagePosté: 20 Avr 2023, 08:14 
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C’eût été moins drôle. Je ne vais jamais lire les critiques des spectateurs mais je suis tombé sur celle-ci.


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MessagePosté: 20 Avr 2023, 08:24 
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Pareil.

Sinon L'Esprit critique parle très bien du film (et c'est plus court que du Bégaudeau).

https://shows.acast.com/l-esprit-critique/episodes/lesprit-critique-autour-de-desordres-de-cyril-schaublin


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MessagePosté: 20 Avr 2023, 21:33 
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Antichrist
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Film qui m'attire un max.


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MessagePosté: 21 Avr 2023, 07:55 
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Déjà-vu a écrit:
Voilà qui tranche avec cet avis d'un spectateur lu sur AlloCiné :

grey_egg a écrit:
Ce film est un chef d'oeuvre du RIEN : il ne se passe RIEN ! C'est assez extraordinaire d'arriver à montrer, pendant une heure trente, des ouvriers en train de fabriquer des montres, soit-disant pour expliquer la montée de l'anarchisme à la fin du XIXe siècle, rien de plus réglé qu'une montre, donc par anti-thèse l'anarchie serait évoquée en sous - texte ? De plus les cadrages sont les plus improbables qu'il m'ait été donné de voir depuis que j'ai abandonné les courts-métrages du GREC... C'est assez incroyable qu'un tel film arrive sur les écrans. Je pense que c'est une excellente leçon pour les scénaristes, montrer à quel point on n'a aucun élément auquel s'accrocher, pas de protagoniste, pas d'intrigue... C'est donc quelque part un chef d'oeuvre du non-film !

Et donc, qui de grey_egg ou de Lohmann avait raison ? Le peuple veut savoir.


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MessagePosté: 21 Avr 2023, 08:04 
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Antichrist
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Soit ce film est très en avance sur son temps et sera considéré comme le chef d'œuvre du XXIIe siècle, soit c'est un court-métrage du G. R. E. C. transformé en long par erreur... Il ne se passe rien, pas d'histoire, des spéléologues explorent un trou, sans son sache pourquoi, tandis qu'un vieux berger attend la mort sur son lit.... Une telle pseudo symbolique dépasse le sens !

De quel film parle-t-il ?


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MessagePosté: 21 Avr 2023, 08:05 
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Antichrist
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Albert Dupontel est comme le bon vin, dans ce film au scénario bien travaillé, il prend des partis de réalisation plus intéressants qu'auparavant, notamment au niveau de la photographie. Cette comédie aborde de vrais sujets, avec subtilité, drôlerie et émotion, sans aucune mièvrerie. Une réussite.


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MessagePosté: 21 Avr 2023, 08:09 
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Karloff a écrit:
Soit ce film est très en avance sur son temps et sera considéré comme le chef d'œuvre du XXIIe siècle, soit c'est un court-métrage du G. R. E. C. transformé en long par erreur... Il ne se passe rien, pas d'histoire, des spéléologues explorent un trou, sans son sache pourquoi, tandis qu'un vieux berger attend la mort sur son lit.... Une telle pseudo symbolique dépasse le sens !

De quel film parle-t-il ?

Il bucco ?


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MessagePosté: 21 Avr 2023, 08:15 
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Oui c'est évident.

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MessagePosté: 21 Avr 2023, 08:54 
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Lohmann a écrit:
Et donc, qui de grey_egg ou de Lohmann avait raison ? Le peuple veut savoir.

Je dirais que grey_egg est "passé à côté" du film bien qu'il faille reconnaître qu'il est un chouïa théorique, c'est un peu comme si Alexandre Nikolaïevitch Sokourov avait réalisé un Shane Carruth. Il y a quelque chose de fascinant dans ce film à l'esthétique décentrée où tout est chronométré et où différentes heures cohabitent au même endroit, un côté hard SF qui ne dit pas son nom, avec un aspect politique vraiment frappant, une solidarité internationale entre ouvriers qui n'a plus cours. Il y a également une scène de sexe extrêmement originale.

Que ne ferait-on pas pour appâter le chaland ?


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MessagePosté: 21 Avr 2023, 09:03 
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Déjà-vu a écrit:
Alexandre Nikolaïevitch Sokourov

Film propulsé en première place des attentes de Karloff.


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MessagePosté: 24 Avr 2023, 09:36 
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Oui film assez fascinant même si un petit côté "radical chic" trop conscient de lui-même. J'ai particulièrement l'helvétisme du film, sa placidité comique (en effet j'aime beaucoup les deux flics), son obsession horlogère aussi bien abstraite avec les heures et les chiffres que mécanique (magnifique explication finale d'un mécanisme horloger). Cela donne lieu à ce plan génial du chronomètre à la fin (même si gâché par un mouvement de caméra dégueulasse). Et puis ce qui est surtout étonnant c'est ce moment historique suisse totalement improbable, quand brièvement le centre névralgique de l'anarchie mondiale était là dans les montagnes du Jura. J'ai beaucoup aimé aussi le rapport à la photographie, déjà commerce où l'on collectionne les figures anarchistes comme des cartes Panini.

Dommage que le film soit quand même un peu étouffé par son dispositif. Impression que le réal me gueule dans les oreilles à quasiment chaque plan volontairement mal cadré ou décentré "tu l'as vu mon beau dispositif formel ?". Ca va on a compris. D'autant que l'idée la plus forte, cette égalisation du son en dépit de la distance suffisait et qu'il n'était pas nécessaire d'en rajouter.

Bref, content de l'avoir vu, il vieillit assez bien mais je sais pas ce que j'en retiendrait au final.

4/6

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CroqAnimement votre


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MessagePosté: 24 Avr 2023, 10:04 
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Vous me rendez curieux, en particulier sur la question de savoir s'il est vraiment improbable de voir des anarchistes se présenter à un congrès en Suisse, le pays de Guillaume Tell et de Calvin, à l'époque. La Suisse actuelle entre son fédéralisme, son recours à la démocratie directe, sa neutralité, son positionnement sur l'euthanasie ou la prostitution n'est-elle pas toujours dans cette lignée là. Davos et sa contrepartie, qui lui préexiste quoi.


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