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MessagePosté: 06 Oct 2008, 00:38 
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De tous les Bresson que j'ai vu, c'est sans doute le plus fragile, le plus fébrile, le moins sûr de lui, ce qui le rend d'autant plus émouvant. Comme si Bresson souhaitait changer de registre, passer à autre chose, d'où l'apparition de la caméra épaule, d'une nudité frontale, d'un burlesque revendiqué, d'un chapitrage très nouvelle vague, de passages musicaux, etc. Le morceau de bravoure étant le film dans le film, où Bresson semble s'auto-parodier, étant conscient d'en quoi son style peut devenir un effet ridicule, même si, au final, cette séquence est très belle, et métaphorique du film dans son entier.

Tout le film, pour moi, est dans ce vacillement entre une forme qu'il cherche à dépasser et où, pourtant, il trouve pourtant sa pleine expression. Il faut voir ce début, très marrant, qui m'a d'ailleurs fait penser à du Moullet, où le découpage et la direction d'acteur particulière à Bresson tendent le film vers un burlesque légèrement absurde, contrairement à ce qu'il pouvait faire avant. Là où il filmait Mouchette se rouler dans l'herbe pour mieux se suicider, ici il filme un type qui roule dans l'herbe parce qu'il est rêveur et vaguement panthéiste. Pareil pour la séquence de "filature", cette fois-ci très Truffaut, où le héros suit une nana, puis s'arrête pour en suivre une autre, avant d'être attirée par celle qu'il croise dans le bus, etc.

Donc une forme et un esprit très léger, en apparence très libre, même si tout au final est extrêmement dépressif, car tout n'est que routine, monotonie, désillusion, impossibilité d'atteindre l'autre, vacuité des conversations, absurde du quotidien, solitude irréversible. Bon, ça c'est le génie de Bresson, sa lumière, son travail sur le son et les cadres, où tout semble naturel, évident, aéré, et en même temps complètement clos et fabriqué. Le dernier plan, en cela, m'a complètement renversé. Ce vide, cette misère, cette solitude, qui parachèvent 1h20 de film, ça te fait tout revoir d'un oeil différent. Ca annonce d'ailleurs la noirceur de ses derniers films, notamment L'Argent et Le Diable Probablement, alors que la plupart de ses précédents s'achevaient sur une certaine note d'espoir.

En fait, en y allant à la machette, ce film c'est un peu Macadam à deux voies qui rencontrerait Before Sunrise. A LA MACHETTE.

6/6


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MessagePosté: 06 Oct 2008, 07:07 
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Tu l'as vu où? tu donnes envie...

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MessagePosté: 06 Oct 2008, 07:08 
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Je disais justement à Tetsuo que c'est le seul Bresson que je n'ai pas vu, je crois. Je vais remédier à ça rapidement.

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MessagePosté: 06 Oct 2008, 10:05 
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Legounette a écrit:
Tu l'as vu où? tu donnes envie...


Il passait à la cinémathèque hier soir. Apparemment il est assez rare (pas de dvd, pas de divx, très peu de diffusions, etc.)


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MessagePosté: 06 Oct 2008, 10:07 
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Gerry a écrit:
pas de divx


J'ai dû tomber sur la perle rare. :D

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MessagePosté: 06 Oct 2008, 10:08 
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the black addiction a écrit:
Gerry a écrit:
pas de divx


J'ai dû tomber sur la perle rare. :D


Mmmm, en fait j'ai dit une connerie. Y en a au moins 4 ou 5 sur emule!


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MessagePosté: 08 Oct 2008, 12:58 
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Gerry a écrit:
Legounette a écrit:
Tu l'as vu où? tu donnes envie...


Il passait à la cinémathèque hier soir. Apparemment il est assez rare (pas de dvd, pas de divx, très peu de diffusions, etc.)


En fait c'est la veuve Bresson qui a les droits de ce film (avec Une femme douce), c'est pour ça qu'il est aussi rare.

Sinon, moi aussi j'étais à la cinémathèque, et c'était étrange de le découvrir dans une salle aussi pleine, très remplie d'ailleurs.

C'est un peu le Bresson qui prouve qu'il n'étais pas enfermé dans son anti-système. Au premier abord, on pourrait dire qu'il est assez mineur dans sa filmographie, mais en réalité je pense qu'il est essentiel dans la mesure où l'on découvre une autre facette de son talent. Le Bresson des Notes sur le cinématographe se retrouve dans certaines séquences, avec ses ellipses, ses cadres, ses raccords, fulgurants, qu'il a travaillé du Condamné à mort à l'Argent; mais il laisse aussi la place à un Bresson plus apaisé (même si au final fondamentalment pessimiste), avec des plans qui durent parfois un peu plus qu'à l'accoutumée, qui se laisse aller à la contemplation du Paris de cette époque; un goût inhabituel pour le plan beau en lui-même (le bâteau sur la Seine, la nudité immédiatement sensuelle du modèle féminin, presque même des effets de lumière...), le plaisir de filmer des musiciens, et surtout une vraie drôlerie, un peu étrange ("J'ai essayé d'obtenir une drôlerie purement cinématographique, qui serait presque entièrement amené par des rythmes"R.B.)...
Sinon, évidemment on retrouve aussi son génie de l'adaptation (il suffit de lire la nouvelle de Dostoïevski et de voir les choix qu'il opère, qui sont des purs choix de mise en scène), et son travail sur ses modèles, leurs gestes, leurs dictions...
Pour la fin du film, Bresson la voiyait ainsi: "Pour moi cette fin est pessimiste; d'un pessimisme non triste, et d'autant plus amer (…). Ce travail encouragé par des illusions, forme une fin ambiguë".

J'ai aussi pensé à Masculin féminin.

Et en voyant le film de Guerin, Dans la ville de Sylvia, il y a quelques jours, avec son chapitrage en 3 nuits, son personnage de rêveur héritier direct de la littérature romantique qui suit une fille dans la rue, je m'étais dit que peut-être...
à présent j'en suis sûr...


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MessagePosté: 08 Oct 2008, 14:22 
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passé récemment sur rai tre en vosti, et merde j'ai raté ça... :(

ceci dit ça veut dire qu'il doit y avoir des copies fraîches qui circulent sur le net maintenant :idea:

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MessagePosté: 08 Oct 2008, 14:57 
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Zad a écrit:
passé récemment sur rai tre en vosti, et merde j'ai raté ça... :(


D'après mes sources, le film est passé en version italienne. Juste un sacrilège quoi.

D'ailleurs, c'est un film qui avait été commandé à Bresson par la Raï.
Lors de la projection dimanche, Macha Méril a présenté le film car elle a été impliqué dans la production du film (mariée à un producteur italien)...C'était assez drôle (la technique bressonienne pour ne pas être solvable auprès des financeurs: ne rien avoir à son nom!)


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MessagePosté: 08 Oct 2008, 15:57 
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ah ok aucun regret du coup :D

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MessagePosté: 05 Jan 2023, 16:55 
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Vu avec une petite larme au coin de l’œil, le dernier des longs de Bresson que je n'avais pas encore vu. Plaisir évidemment de découvrir une nouvelle fois une œuvre à la grammaire cinématographique parfaite, où la syntonie entre les mouvements de caméra et celui des corps qu'elle filme est à chaque instant juste, à tel point que l'on pourrait saisir les moindres détails de l'intrigue tout en coupant le son (ce que l'on ne fait évidemment pas parce que la dimension sonore est tout autant maitrisée, voir ce moment de l'étreinte entre Marthe et son locataire rythmé par le bruit des pas de sa mère qui déambule dans les couloirs de la maison, et qui m'a rappelé la célèbre scène du râteau sur les graviers dans la cour de la Comtesse du Journal d'un curé de campagne). Qu'il capte ici des jambes qui se hâtent, là une main qui traine sur une hanche ou une rambarde d'escalier, Bresson cadre toujours le strict nécessaire, l'essence même de ses personnages. Si je ne devais retenir qu'une scène ce serait celle où Jacques et Marthe sont assis à la table d'un café, et où la quasi totalité de la séquence est cadrée sous la table, où l'on voit les mouvements de leurs jambes qui se rapprochent et surtout de leur main qui s'enlace enfin. Divin. Par contre fait rare chez lui (peut-être est-ce également présent dans Une femme douce mais je n'en ai qu'un souvenir parcellaire), celui-ci à une dimension érotique assez inattendue (ça n'est certainement pas chez Bresson que je m'attends à voir de l'érotisme, et pourtant), toute en grâce, jamais vulgaire.

Mais force est d'également reconnaître que ces Quatre nuits d'un rêveur, au regard de sa filmographie, apparaisse un tantinet inconséquent. L'histoire a beau être une adaptation de Dostoïevski, ça ne dépasse jamais totalement le statut d'une amourette sans lendemain, tant le héros principal (Jacques) semble planer sur son existence, on l'imagine bien peu affecté par la tournure pseudo tragique de son aventure (qui n'aura pas durée plus d'une nuit). Pour rebondir sur les commentaires au-dessus, j'ai tout de même un peu de mal à voir là une anticipation des tragédies futures de Bresson. Et c'est bien là où le bâts blesse, chez lui on veut du lourd, que ce soit pesant, et ça n'est pas de filmer des galipettes dans l'herbe ou des hippies avec guitare et pipeau que l'on y trouve son compte.

Sinon, télescopage avec l'actualité cinématographique (j'adore relever les liens entre deux films que je vois dans un laps de temps très court, typiquement avant hier quel ravissement de voir deux films traiter - sans qu'ils s'en rendent eux-mêmes compte - de pédophilie), et en prévision de ma vision du futur meilleur film de l'année (qui sort toujours la première semaine comme l'a très bien rappelé Déjà-vu), il me semble évident que la scène du suicide avorté sur un pont de Madrid dans Eva en Août est une référence à celle qui ouvre la première nuit (à la différence que chez Trueba la femme n'est plus devant mais derrière la barrière). J'essaierai d'y prêter plus particulièrement attention dans Venez voir, mais je ne doute pas qu'il ait également la même tentation de capter les motivations de ses personnages en resserrant le cadre sur leur corps, j'ai le vague souvenir d'avoir vu quelques scènes de ce type dans ses deux derniers.

Pour ceux qui voudraient le voir, il est dispo jusqu'à demain ici : https://www.lecinemaclub.com/now-showing/four-nights-of-a-dreamer/

4.5/6


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MessagePosté: 05 Jan 2023, 17:35 
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Citation:
Mais force est d'également reconnaître que ces Quatre nuits d'un rêveur, au regard de sa filmographie, apparaisse un tantinet inconséquent. L'histoire a beau être une adaptation de Dostoïevski, ça ne dépasse jamais totalement le statut d'une amourette sans lendemain, tant le héros principal (Jacques) semble planer sur son existence, on l'imagine bien peu affecté par la tournure pseudo tragique de son aventure (qui n'aura pas durée plus d'une nuit). Pour rebondir sur les commentaires au-dessus, j'ai tout de même un peu de mal à voir là une anticipation des tragédies futures de Bresson. Et c'est bien là où le bâts blesse, chez lui on veut du lourd, que ce soit pesant, et ça n'est pas de filmer des galipettes dans l'herbe ou des hippies avec guitare et pipeau que l'on y trouve son compte.


Je m'en souviens assez mal, mais j'avais pas trouvé ça anecdotique son "amourette", c'est une initiation à l'amour et, paradoxalement, à l'engagement.


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MessagePosté: 05 Jan 2023, 17:42 
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Disons que j’ai trouvé cela inconséquent à cause du perso principal, Marthe est enflammée et rongée par son amour pour l’ex locataire, Jacques semble lui extérieur à tout, j’ai du mal à projeter qu’il sera triste le lendemain de la rupture.


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MessagePosté: 05 Jan 2023, 17:45 
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et la longue nouvelle originale raconte bien une sorte d'amourette entre un fou et une normie un peu gourde mais pas assez pour succomber aux charmes du fou (et sauvée par un deus ex machina). L'actualisation de Bresson annonce sur un mode léger le dandysme asthénique du Eustache de La Maman et la Putain mais il a l'élégance de rester sur ce mode léger, ironique et distancié dans mon souvenir, avec sa petite musique brésilienne, et qui la bande-son parfaite d'une vie qui s'écoule un peu pour rien, légèrement dépressive et autiste, dans la contemplation (des jeunes filles).


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MessagePosté: 05 Jan 2023, 17:47 
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Je crois que c'est Orange qui s'était irrité dans la section tops, disant que ce film avait changé sa vie, qu'il n'était pas mineur etc.


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