Je n'allais pas écrire sur le film mais je repensais à ce gag,
cité dans la critique de cultureaupoing,je me suis dit que par une coïncidence curieuse, c'était à peu près le même effet qui a servi comme idée à la sculpture "Him" de Maurizio Cattelan, qu'on peut voir au Palazzo Grassi de Pinault, où l'on voit un enfant agenouillé contre un mur et quand on contourne la sculpture, on peut apercevoir que cet enfant a le visage de Hitler.
Citation:
Pour bien saisir la teneur du film, il suffirait de citer une scène. Invité dans une luxueuse propriété par le richissime industriel qui chapeaute l’équipe de cinéma depuis son arrivée en Argentine, Marco observe un personnage que le spectateur voit de dos et demande s’il y a beaucoup d’Allemands dans ce pays. Tandis que son hôte lui réplique qu’il s’agit d’un simple jardinier, nous découvrons avec une certaine stupéfaction que cet homme est tout simplement un sosie d’Hitler avant que le propriétaire ajoute qu’il tient à le garder à son service même si un vieux juif l’a également réclamer pour l’employer!
La comparaison entre la sculpture et ce gag de Risi est particulièrement intéressante. La sculpture joue sur un effet de surprise rapidement éventé, pour servir un propos assez banal : le mal absolu a connu une sorte d'enfance, éventuellement teintée de religiosité (même si ce n'est pas la foi catholique que distinguait, entre autres choses, Hitler). La scène du Risi évoque à la fois cette espèce de désorientation post-moderne, l'excès des nouveaux riches, avec la reproduction à l'identique de demeure aristocrate style Tudor à l'arrière-plan, l'immigration allemande en Argentine qui date de l'avant-guerre, ses liens avec le nazisme, et la lutte des classes, avec ce jardinier, sosie vieillissant de Hitler, qui sert d'élément décoratif à un riche immigré italien qui se le dispute avec un Juif similairement fortuné. Défaite de l'art conceptuel face à un gag glissé dans un film bien plus riche en sens. Par contre, le premier gagne sur le plan du fric, valant sans doute quelques dizaine de millions, là où l'autre n'a jamais rapporté autant (en coûtant plus, proportionnellement, quand même).
Risi mineur, ce qui est presque un pléonasme, dans le sens où Risi n'a cessé de faire des films qui se voulaient mineurs, presque effacés, bien qu'ils mettent en scène la plupart du temps des archétypes d'italiens machos dont la spécialité est de brasser du vent. C'est la raison pourquoi j'aime tant Risi, il n'a de cesse de regarder la réalité dans yeux, sans pompe ni affectation, sans verser dans le pathétique et toujours en conservant à la vie la dimension d'un jeu, dans un noeud de contradictions que l'énergie de Vittorio Gassman a su exprimer à la perfection. C'est ce qu'on retrouve dans ce film coécrit à la va-vite (entre autres) avec Ettore Scola, qui raconte le séjour en Argentine d'une poignée d'italiens à l'occasion d'un festival de cinéma et leur confrontation avec un pays où des compatriotes ont émigré en masse. Pas d'intrigue à proprement parler donc, ce qui est souvent présenté comme un défaut mais fait d'après moi l'intérêt du film. C'est un tourbillon de fêtes, où le personnage de Gassman joue le rôle de maestro légèrement dépassé ou impuissant, qui frappe par son rythme, la prolixité ou la rapidité des dialogues déclamés avec cette espèce d'excès vocalique caractéristique de la langue italienne. Comme les rares avis sur le film le remarquent, cette frénésie se trouve interrompue par les retrouvailles entre le personnage de Gassman et un de ses amis, ayant raté son émigration, joué par Nino Manfredi, qui viennent appuyer le sentiment de désorientation profond dont le film rend compte, en l'aggravant.