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MessagePosté: 01 Sep 2015, 15:02 
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Successful superfucker
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Eddie se sent noyé dans une société qui oublie ceux qui la composent, entre violence du quotidien et anonymat de la misère. Lorsqu’il est violemment agressé dans la rue, Eddie désigne à tort Ahmed, coupable idéal qu’il avait aperçu quelques jours avant son agression. Alors que la machine judiciaire s’emballe pour Ahmed, Eddie tente de se relever auprès de sa femme et de son fils et grâce à un nouveau travail. Mais bientôt conscient de la gravité de son geste, Eddie va tout faire pour rétablir sa vérité. Quitte à tout perdre…

Cinéaste rare et subtil, Finkiel revient avec un drame social anxiogène et tétanisant qui prend à la gorge et tape dans le dur. Souvent, dans la description de la misère quotidienne, les cinéastes à charge s'attachent à la manière dont les pauvres se font broyer par la machine capitaliste. Ici, le problème est tout autre, vu que les nécessiteux se dézinguent entre eux, dans la haine des autres et surtout la haine de soi. Nicolas Duvauchelle, qui signe de loin sa plus grosse performance à ce jour, interprète ainsi un mec aux tendances alcoolo incapable de se garder un travail et de s'occuper vraiment de sa famille, et qui à la suite d'une agression va se mettre à accuser un parfait inconnu qui se retrouve en taule, ruinant son couple et ses perspectives d'avenir. Sans angélisme, il incarne ce personnage retors, incapable de résister à ses démons et à une forme d'orgueil du mec qui se sait loser et rejette l'opprobre sur tous ceux qu'il envie, avec des pulsions de violence incontrôlée. Mélanie Thierry, qui joue sa femme, est tout aussi excellente et la morale tragique et inéluctable glace le sang.
4-5/6


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MessagePosté: 01 Mar 2016, 12:34 
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Étonnant film qui sort un peu dans l'indifférence générale (je m'explique pas comment un film comme ça passe à travers tous les grands festivals) alors qu'il mérite beaucoup mieux, qu'il a un sujet social passionnant et que surtout c'est un film qui interpelle, qui ne peut laisser indifférent.

Thriller social anxiogène à souhait où Nicolas Duvauchelle dans le rôle d'un mec lambda avec une petite tendance autodestructrice qui se retrouve dans une histoire qui met en lumière ses faiblesses et surtout sa frustration. La musique electro, rappelle le cinéma urbain US des années 70 à la Maniac. Là où le cinéma US parlait de violence et de vengeance froide, le film de Finkiel parle de la même chose mais de manière presque métaphorique. Duvauchelle devant une forme de vigilante pathétique et injuste. Car le film dit finalement quelque chose d'une frustration sociale mais de manière très subtile et presque sous-terraine où on a le sentiment que le personnage de Duvauchelle n'est jamais où il devrait être ou en tout cas où il s'imagine être (cariste au lieu de vendeur).

J'aime aussi beaucoup comment le film est "géographisé", ne nous disant jamais où il se situe dans une espèce de zone péri-urbaine pas totalement banlieue, pas totalement ville. Quelque chose de profondément anonyme et gris mais pas dans quelque chose de misérabiliste, simplement sans âme, sans vie. Un monde fait d'immeubles, de centres commerciaux, de bars quelconques, de routes bouchées etc... Un monde où le dimanche en famille on le passe au centre-commercial à aller acheter une télé qu'on n'a pas vraiment les moyens de s’offrir. Il y a un vrai travail là-dessus très cohérent avec ce que dis le film que j'ai trouvé passionnant. La fin glace bien le sang comme il faut en même temps qu'elle représente l'aboutissement logique d'un mécanisme inarrêtable.

Je trouve qu'il y a un truc qui ne fonctionne pas totalement dans le scénario, dans l'articulation du récit de cette agression/accusation et de celui, plus intime, de l'autodestruction de Duvauchelle c'est un peu dommage
peut-être était-ce inutile de faire rencontrer le personnage de Medhi par Eddy dans une des premières scènes, celui nous installe un doute jamais vraiment éclairci sur les motivations d'Eddy. A quel moment se rend-il compte de son erreur ? Etait-elle volontaire dès le début ? C'est sans doute volontaire mais ça m'a frustré.


C'est vraiment bien. Duvauchelle est impressionnant dans un rôle qui lui va comme un gant, bloc de rage rentrée, de frustration froide prête à exploser, un homme qui semble passer à côté de sa vie pour les mauvaises raisons, comme cette manière d'être seul dans la foule lors de la première scène. Dommage donc que le film n'a pas l'exposition qu'il mérite, c'est vraiment regrettable.

4,5/6

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MessagePosté: 04 Mar 2016, 16:23 
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Il y a effectivement beaucoup de choses réussies dans ce film, et en particulier celles que je trouve parfois un peu torchées dans le cinéma français : les acteurs sont excellents (Duvauchelle évidemment, y compris dans l'exercice difficile dit du "mec bourré"), des ellipses de bon aloi nous épargnent certains passages obligés potentiellement pénibles, la photo joue intensément de la faible profondeur de champ pour isoler son sujet (de façon jugée un peu lourde par Slackeuse)
Image
, et les beaux plans sur les immeubles et leur vie découpée en vignettes rappellent dans la maison et Building stories (la BD), et reflètent l'humeur du personnage principal (scènes paisibles au début, agitation ou solitude à la fin)!
La musique électro à base de pseudo pédale wawa angoissante met bien la pression, et tous ces effets me paraissent loin d'être gratuits tant ils concourent à illustrer l'isolement du "héros", dans la société et dans la famille, sa frustration rageuse de mâle blanc désargenté qui a aussi un sérieux problème d'alcool.
J'ai bien aimé d'ailleurs le fait qu'à la fin
Eddy dirige d'abord sa haine contre des biens de consommation, en les dégommant comme au champ de tir.
Pour moi ça signe le fait que toute cette rage vient de là, ce sentiment de déclassement social alimenté par l'abondance de ce qui existe et qu'il n'a pas, constat cruel déjà montré dans la promenade du dimanche en famille : tiens, il fait beau, on sort? Mais ouais, au centre commercial, bonne idée! Mater les télés trop chères, quelle saine activité! (Au passage, beau plan père-fils sur écrans multiples). Le tout dernier plan du film enfonce le clou.
La justesse de ton est parfaite tout le film, sauf peut-être dans une scène d'engueulade dans la cuisine où le ton monte un peu trop vite.

Mais alors qu'est-ce qui ne va pas? Je n'ai pas été totalement emporté par le projet, malgré la qualité de ces éléments. C'est peut-être un peu long, c'est surtout un peu ingrat, l'émotion perce peu à cause probablement d'un personnage central très fermé, suscitant peu d'empathie. Je dis ça de chaque film que je vois en ce moment, c'est peut-être moi qui ai un problème. Et ça reste quand même un film très soigné, souvent subtil, qui mérite plus que trois posts sur le forum, merde!

Concernant le point soulevé par Art Core:
Citation:
peut-être était-ce inutile de faire rencontrer le personnage de Medhi par Eddy dans une des premières scènes, celui nous installe un doute jamais vraiment éclairci sur les motivations d'Eddy. A quel moment se rend-il compte de son erreur ? Etait-elle volontaire dès le début ? C'est sans doute volontaire mais ça m'a frustré.

Je trouve que c'est bien que ce personnage d'Ahmed ne soit pas totalement inconnu: c'est un mec qu'il a déjà vu, ce qui peut expliquer une éventuelle confusion et donc on considère pas tout de suite Eddy comme un gros malade, ce qui me paraît important pour l'empathie initiale. Deuxièmement, c'est surtout un mec qui a réussi là où Eddy échoue : dans l'exercice d'auto-vente en novlangue grâce auquel il a décroché un cédez-y, ce qui pourrait justifier une sorte de vengeance à moitié consciente de mec bien paumé. J'aime bien que tout ça ne soit pas très tranché, ça sonne vrai.
J'ai trouvé intéressant aussi que ça permette de parler de racisme sans vraiment en parler : cette confusion de l'esprit, cet amalgame flou entre deux situations humiliantes indépendantes, n'est pas autre chose que ce que l'on opère lorsqu'on reproche à des communautés les actes d'individus isolés.

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MessagePosté: 04 Mar 2016, 16:47 
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Justement pour moi une des qualités du film c'est de ne jamais tomber dans la problématique du racisme, que ce soit de la part d'Eddy (rien ne nous le laisse supposer en tout cas) ou des policiers. Car le sujet est évidemment ailleurs. Sinon oui ce parallèle entre Eddy et Ahmed et super intéressant mais du coup je me demande pourquoi ne pas avoir fait d'Ahmed un personnage plus important, on aurait pu suivre leurs deux parcours. Là c'est un peu esquissé mais ça reste un peu frileux, d'où un certain sentiment de désequilibre.
Et sinon pour moi c'est évident qu'au début c'est une confusion. Il pense le reconnaître parce que le même jour il l'a vu sur une vidéo. On comprend d'ailleurs tout ça lors de la très belle scènes des aveux où il murmure, honteux, "c'est un malentendu".

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MessagePosté: 05 Mar 2016, 21:43 
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J'ai trouvé l'idée intéressante mais le choix de Nicolas n'était pas le bon pour jouer un personnage qui réfléchit. il est trop inexpressif. Et cette violence gratuite.. cette violence tout court, c'est trop facile. Je comprend le ras le bol contre ce type et cette société de consommation mais je vois juste un scénariste qui ne savait pas comment finir son film.
Et puis j'en ai marre de ce cinéma contemporain où la subtilité, la pudeur, l'imagination n'ont plus sa place. Tout est montré, sur-expliqué.


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MessagePosté: 07 Mar 2016, 08:35 
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Je crois qu'on a pas vu le même film...
Mathilde a écrit:
J'ai trouvé l'idée intéressante mais le choix de Nicolas n'était pas le bon pour jouer un personnage qui réfléchit. il est trop inexpressif.

J'ai vu un personnage qui au contraire, ne réfléchit pas assez, et fonctionne à l'impulsion, avec des prises de décision absolument pas réfléchies, ce qui lui attire un tas d'emmerdes d'ailleurs. S'il réfléchissait il se mettrait moins dans la merde.
Le mec est certes introverti, mais ça ne veut pas dire qu'il réfléchit. Il rumine, il se sent cocu, au boulot, dans les magasins, même avec sa femme, et de temps en temps ça pète, de plus en plus fort.

Mathilde a écrit:
Et cette violence gratuite.. cette violence tout court, c'est trop facile. Je comprend le ras le bol contre ce type et cette société de consommation mais je vois juste un scénariste qui ne savait pas comment finir son film.


Je n'ai pas vu de violence gratuite, et globalement peu de violence.

Mathilde a écrit:
Et puis j'en ai marre de ce cinéma contemporain où la subtilité, la pudeur, l'imagination n'ont plus sa place. Tout est montré, sur-expliqué.


Moi aussi j'en ai marre, mais avec ce film j'ai l'impression que tu te trompes de cible.
Je dirais pas que c'est très subtil, mais ça te laisse reconstruire le personnage par les touches impressionnistes que ça distille, et pour ce qui est de la pudeur, il me semble qu'elle n'est pas absente: la difficulté d'Eddy à parler de ce qui ne va pas à sa famille, à leur dire qu'il les aime, mais aussi celle d'Ahmed avec sa copine.

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MessagePosté: 07 Mar 2016, 10:10 
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Oui pour le coup je trouve pas que tout soit "sur expliqué" au contraire même. Le personnage nous reste mystérieux, il se joue quelque chose en lui qui ne nous est jamais explicitée et qui est laissée à l'interprétation du public.

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MessagePosté: 08 Mar 2016, 18:04 
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Art Core a écrit:
Je trouve qu'il y a un truc qui ne fonctionne pas totalement dans le scénario, dans l'articulation du récit de cette agression/accusation et de celui, plus intime, de l'autodestruction de Duvauchelle c'est un peu dommage
peut-être était-ce inutile de faire rencontrer le personnage de Medhi par Eddy dans une des premières scènes, celui nous installe un doute jamais vraiment éclairci sur les motivations d'Eddy. A quel moment se rend-il compte de son erreur ? Etait-elle volontaire dès le début ? C'est sans doute volontaire mais ça m'a frustré.



C'est un excellent point. On se demande si il se venge de voir ce mec qui lui, a trouvé du boulot. Ou bien s'il ne l'a pas reconnu. Je pense qu'il ne l'a pas reconnu. Au début du film, le mec qui anime la formation "réveille" Duvauchelle qui ne regardait quasiment pas la vidéo. Il lui fait remarquer d'ailleurs. Duvauchelle, en bon connard qui se croit au dessus de tout le monde, ne prend pas la peine d'écouter ce qu'on lui raconte.
Plus tard, à l'identification, on entend Duvauchelle dire que le type lui dit quelque chose... Je pense qu'il a un vague souvenir du visage de la vidéo et rien d'autre, sans se rappeler où il l'a vu. Il l'accuse sur une vague idée. Il se rend compte à la seconde confrontation (où il gueule et se plaint du harcèlement), qu'il s'est trompé. Mais bien haineux et con, il maintient sa version.


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MessagePosté: 08 Mar 2016, 23:28 
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J'ai trouvé ça franchement bon jusqu'à la scène finale.

Porté par un Nicolas Duvauchelle convaincant, le propos du film avance fermement entre drame personnel, critique sociale et enquête policière (c'est pas vraiment ça pour le dernier terme mais bon), sur fond de violence sourde et rentrée.

L'illustration de la montée de l'intolérance est à ce titre assez forte... C'est un peu le coeur du film, et du coup, quand le film bascule, ça coince franchement de mon côté... Malgré les côtés borderline du perso, on arrive à l'accompagner tout le long, mais à la fin, ça devient maladroit, et on peut s'interroger sur le message final...

J'ai l'air assez critique mais le film a plein de qualités, notamment dans l'ambivalence apportée au personnage masculin (bon j'écris à chaud, il est pas forcément si ambigu à la réflexion), et l'ambiance générale, qui mêle comme déjà dit plusieurs styles. Il y a aussi de belles scènes père / fils.

Si tous les films français voulant avoir un propos social / sociétal savaient le développer avec ce savoir faire dans l'écriture et la mise en scène...

Le thème musical de début et de fin est très bien.

4/6 en l'état, mais c'est intéressant.


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MessagePosté: 08 Mar 2016, 23:41 
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Blaze a écrit:
Art Core a écrit:
Je trouve qu'il y a un truc qui ne fonctionne pas totalement dans le scénario, dans l'articulation du récit de cette agression/accusation et de celui, plus intime, de l'autodestruction de Duvauchelle c'est un peu dommage
peut-être était-ce inutile de faire rencontrer le personnage de Medhi par Eddy dans une des premières scènes, celui nous installe un doute jamais vraiment éclairci sur les motivations d'Eddy. A quel moment se rend-il compte de son erreur ? Etait-elle volontaire dès le début ? C'est sans doute volontaire mais ça m'a frustré.



C'est un excellent point. On se demande si il se venge de voir ce mec qui lui, a trouvé du boulot. Ou bien s'il ne l'a pas reconnu. Je pense qu'il ne l'a pas reconnu. Au début du film, le mec qui anime la formation "réveille" Duvauchelle qui ne regardait quasiment pas la vidéo. Il lui fait remarquer d'ailleurs. Duvauchelle, en bon connard qui se croit au dessus de tout le monde, ne prend pas la peine d'écouter ce qu'on lui raconte.
Plus tard, à l'identification, on entend Duvauchelle dire que le type lui dit quelque chose... Je pense qu'il a un vague souvenir du visage de la vidéo et rien d'autre, sans se rappeler où il l'a vu. Il l'accuse sur une vague idée. Il se rend compte à la seconde confrontation (où il gueule et se plaint du harcèlement), qu'il s'est trompé. Mais bien haineux et con, il maintient sa version.


Pour moi le film joue clairement de cette ambiguïté effectivement. C'est plutôt bien vu, on est dans la réaction inconsiente du perso, les deux interprétations sont possibles, ça aide clairement pour l'empathie envers le perso de Duvauchelle.


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MessagePosté: 09 Mar 2016, 00:23 
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C'est cool de lire vos avis en tout cas, je digère le film tranquillement... Intéressant vos avis sur la manière de filmer la ville, c'est vrai qu'il y a un truc très travaillé à ce niveau là.


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